À la suite de l’horrible accident survenu à Jules Bianchi au Grand Prix du Japon, Jacques Villeneuve a déclaré que la F1 devrait lancer la voiture de tête en piste à toute intervention des secouristes lors d’un incident, comme le font toutes les séries professionnelles aux États-Unis et au Canada.

Dans le cas de conditions exceptionnelles comme l’accident de Bianchi, je suis en accord total avec Jacques, vu les conditions de la piste détrempée, les flaques d’eau, la possibilité de communications avariées par la pluie et le danger immédiat de la présence de machineries lourdes proches de la trajectoire de course. Dans le cas des pistes ovales (NASCAR, IndyCar et autres séries moins relevées), je crois aussi que l’usage de la voiture de tête est de mise, en plus de jouer un rôle essentiel dans le déroulement de la course et la qualité du spectacle.

Malgré tout le respect que j’ai pour Jacques, je n’abonde cependant pas dans le même sens que lui lorsque les conditions de piste sont plus « normales » sur circuits routiers, alors que les pilotes conservent toujours la maîtrise de leur machine et s’ils veulent bien obtempérer aux drapeaux jaunes.

En Amérique, la série d’endurance Tudor et les autres séries professionnelles voient trop souvent la course et le spectacle ruinés par les sorties successives de la voiture de tête qui produit des délais interminables et une absence de vrai spectacle. Le pire cas demeure les 5 heures de neutralisation survenues aux 12 Heures de Sebring cette année, et 12 neutralisations en 10 heures de course au Petit Le Mans cette année.

Chaque sortie impose au moins 15 minutes de temps mort alors que la voiture de tête attend le meneur puis roule lentement afin de grouper les autres voitures derrière lui. On alloue au moins un tour pour les arrêts aux puits, puis on attend la résolution finale de l’incident avant de relancer la course. Si vous avez au moins un incident par 30 minutes de course, presque la moitié de ce temps se passe en roulant tranquillement!

Les organisateurs des 24 Heures du Mans ont imaginé et appliqué un règlement simple afin de régler le problème. Dans les cas d’incidents nécessitant une intervention en piste relativement simple, ils établissent un généreuse zone de ralentissement allant d’avant à après l’incident, et où la vitesse des voitures est limitée et strictement contrôlée par des officiels à l’aide du GPS présent dans chaque voiture, comme en F1 d’ailleurs, avec pénalités sévères à l’appui.

L’approche a fonctionné à merveille au Mans cette année, personne n’étant pénalisé plus que les autres et la course continuant son déroulement sans autres heurts. En cas de travaux majeurs, comme des réparations à la piste, la sortie de la voiture de tête serait encore de mise.

Il reste encore une situation extrêmement dangereuse lors d’un incident : les quelques secondes de délai entre l’incident et l’avertissement reçu et compris par les pilotes, comme l’incident lorsque Alex Tagliani a frappé la voiture d’Alex Zanardi qui s’était retrouvée arrêtée sur la piste juste devant lui. L’électronique et une prise de décision instantanée par le directeur de course aideraient à réduire ce délai, mais jamais complètement selon moi.

Comme le demande Villeneuve, « il ne doit pas y avoir de la place pour l’interprétation », ce qui est le cas dans l’approche en vigueur aux 24 Heures du Mans. Les courses en F1 durent environ 90 minutes, et voir les voitures tourner au ralenti pendant 10 à 15 minutes en moyenne deux ou trois fois par course dénaturerait trop le spectacle, en plus de chambarder les stratégies passionnantes et de se rapprocher du spectacle un peu « arrangé par le gars des vues » que l’on retrouve en ovale chez NASCAR.