Peu importe notre allégeance politique. Notre vision du Québec à l'intérieur du Canada. Que nous soyons « Canadien Québécois, un Français Canadien-français, un Américain du Nord français, un francophone québécois canadien, un Québécois d'expression canadienne-française française, un Canadien américain francophone d'Amérique du Nord, un Franco-québécois, un Franco-Canadien du Québec, des Québécois canadiens », un fait demeure.

Pour nous, une médaille olympique remportée par un athlète québécois n'a pas la même saveur que celle remportée par un autre athlète canadien. Une médaille olympique reste une médaille olympique, mais nous sommes tous un peu plus fiers quand elle est remportée par un athlète québécois, un athlète « qui vient de chez nous ».

Et le moins que l'on puisse dire, c'est que nous avons eu plusieurs occasions d'être fiers au cours des dernières années parce que les athlètes du Québec ont excellé.

Depuis 1924, 43 % de toutes les médailles canadiennes sont auréolées de fleur de lys. Et sur 21 athlètes canadiens à avoir récolté trois médailles ou plus, douze étaient québécois.

Dans la colonne des médaillés multiples, le Québec est la province dominante avec 22 médaillés, et au cours des 30 dernières années, les athlètes québécois ont contribué à 41 des 87 médailles olympiques canadiennes. Depuis 20 ans, le Québec est la province canadienne qui produit le plus de médailles au pays. Qu'est-ce qui explique ces succès?

Le Réseau des Sports s'est penché sur la question et propose plusieurs pistes de réponse dans un documentaire de 60 minutes intitulé Made in Québec. À travers les réponses des Nathalie Lambert, Jean-Luc Brassard, Gaétan Boucher, Pierre Harvey, Dominik Gauthier, Alex Harvey, Alexandre Bilodeau, Clara Hughes, Yves Hamelin, Monsieur Olympiques lui-même, Richard Garneau et de l'anthropologue Serge Bouchard et plusieurs autres, le documentaire du réalisateur Stéphane Paquin, qui sera diffusé sur les ondes de RDS le mercredi 13 janvier à 20 heures, dresse un portrait général de la situation du sport amateur au Québec en abordant six thèmes : culture, modèles, détermination, soutien, fierté et passion.

Sans que l'on mette l'accent sur un aspect plus que sur un autre, le documentaire démontre à juste titre à quel point l'identité québécoise, de laquelle découlent une passion et une fierté bien propre, a toujours joué et jouera probablement toujours un rôle très important dans cette quête de l'excellence des athlètes québécois.

« Je ne veux pas sembler négatif pour les autres athlètes canadiens, mais je pense que les athlètes québécois sont plus passionnés. Peut-être parce que nous sommes isolés à cause de la langue. On est fier d'être Québécois, d'être un peu différents du Canada. Nous sommes séparés et nous voulons montrer aux autres que nous sommes aussi capables de bien faire. Je pense que cette passion joue pour beaucoup », souligne Gaétan Boucher.

Gaétan Boucher, le modèle par excellence

Considéré par plusieurs comme le plus grand olympien canadien de tous les temps, Boucher se voit consacrer un long segment du documentaire par l'équipe de Stéphane Paquin.

Question de marquer le coup en grand, l'équipe de RDS s'est même rendue avec Boucher à l'anneau olympique de Sarajevo, ce lieu mythique où Gaétan a remporté trois médailles, deux d'or et une d'argent, lors des Jeux d'hiver en 1984. Un moment riche en émotion et un moment fort de l'œuvre de 60 minutes.

On voit Gaétan marchant seul sur l'anneau maintenant abandonné et nous refaisant un peu vivre ses souvenirs, qui, même lointains, demeurent inoubliables. On profite aussi de cette première visite de Gaétan à Sarajevo depuis les Jeux pour aborder avec lui l'influence qu'il a eue sur une génération d'athlètes au Québec, une influence dont il n'avait aucune idée de l'ampleur à son retour au pays.

« Pour moi, l'inspiration a été Gaétan Boucher. Quand je l'ai vu gagner ses médailles en 1984, ça m'a inspiré à continuer, à vouloir vivre ça au moins une fois dans ma vie », indique Nathalie Lambert.

« Ça a été le début, les embryons. Enfin, il se passait quelque chose là. Le moment où nous avons commencé à nous dire que nous aussi nous étions capables de faire quelque chose comme ça », de poursuivre Jean-Luc Brassard.

Les pionniers du ski acrobatique

Aussi, difficile de réaliser un documentaire sur l'excellence du sport amateur au Québec sans parler du Québec Air Force, cette bande de joyeux fous qui a pratiquement inventé le ski acrobatique. Sans l'apport et la vision des pionniers qu'ont été les Philippe Laroche, Lloyd Langlois et Jean-Marc Rozon, le sport n'aurait jamais l'ampleur qu'il a aujourd'hui.

« Oui, nous faisions partie de l'équipe canadienne. Mais à cause de la langue, tout le monde savait que nous venions du Québec. Entre 1985 et 1990, tous les nouveaux sauts étaient inventés par les Québécois. On repoussait toujours la barre un peu plus haute », explique Philippe Laroche.

Le documentaire aborde aussi la question à 1000$, la question du financement des athlètes. Les gouvernements commencent à financer adéquatement les athlètes. Pendant longtemps, le sport amateur a été le parent pauvre et les athlètes de l'époque, une époque pas si lointaine, devaient jouer d'imagination pour arriver à bon port. Le documentaire passe également en revue cette époque un peu moins glamour du sport amateur.

« Je ne regrette pas cette période-là que j'ai vécue avec mes coéquipiers parce que tout était à faire. Un peu comme si des joueurs de soccer devaient dérouler la pelouse sur le terrain avant un match, nous construisions nos bosses à la pelle. Nous avons fait des choses impensables aujourd'hui : nous avons dormi dans des aéroports, nous avons dormi dans les déchets à Zurich. Nous amenions des oreillers dans nos valises parce que nous ne savions pas où nous étions pour dormir. Oui, on bitchait contre le manque d'argent, mais ce sont les plus beaux souvenirs. Ce n'était pas uniquement des performances, une accumulation de titres et de médailles. C'était un mode de vie complètement hallucinant. Mais nous étions adolescents à l'époque. Ça nous a permis de passer à travers et c'est ce qui nous a amenés à être ce que nous sommes aujourd'hui », se souvient Jean-Luc Brassard le sourire aux lèvres.

Financement distinct et jalousie

Même au niveau du financement des athlètes, le Québec se démarque des autres provinces canadiennes, grâce notamment à Équipe Québec, un programme d'aide financière destiné aux athlètes québécois.

« Équipe Québec est destiné à nos athlètes de classe internationale. Environ 500 athlètes de classe internationale se partagent une somme de trois millions de dollars. C'est environ 6000$ par athlète. Ce n'est pas énorme, mais c'est une somme qui vient s'ajouter à ce qu'ils reçoivent déjà », explique l'ancien ministre du Sport Richard Legendre.

Un 6000$ qui peut faire toute la différence pour bon nombre d'athlètes. Un 6000$ qui peut permettre à ces athlètes de vivre leur passion jusqu'au bout. Et qui explique en partie pourquoi certains athlètes, comme Jennifer Heil, ont décidé de quitter l'Ouest canadien pour venir s'établir et s'entraîner au Québec. Un soutien financier d'appoint dont ne disposent pas les athlètes des autres provinces et qui peut fait parfois des jaloux…

« Je suis vraiment jaloux de ne pas habiter au Québec. Si je bénéficiais de l'aide du Québec, j'aurais une vie beaucoup plus facile que maintenant », avoue Patrick Chan.

Même son de cloche du côté de Clara Hughes : « Plusieurs athlètes au Canada regardent ce qui se passe au Québec et se disent que le système est mieux au Québec. »

Un Made in Québec qui fait peut-être des envieux aujourd'hui, mais un Made in Québec en train de créer les Bilodeau, Roberge, Harvey, Guay, Hamelin, Rochette, un Made in Québec qui risque de rendre une province encore une fois très fière en février, un Made in Québec qui continue de faire ses preuves, un Made in Québec unique parce que Made in Québec.

En tout et pour tout, le documentaire Made in Québec sera diffusé cinq fois sur les ondes du Réseau des sports : le 13 janvier à 20h00, le 14 janvier à 11h00, le 26 janvier à minuit, le 11 février à 16 :00 et le 12 février à 9h30.