Autant le territoire de Montréal fut l'un des plus importants historiquement, autant plusieurs lutteurs de Montréal et du Québec en général ont connu des carrières internationales exceptionnelles. Cependant, un seul peut se vanter d'être reconnu comme l'un des meilleurs lutteurs et l'une des meilleures têtes de lutte de tous les temps et j'ai nommé Pat Patterson. Ce soir, lors du retour de Raw à Montréal après six ans, la WWE lui rendra hommage. Dans une entrevue exclusive, Patterson nous parle de ses débuts, de comment il est devenu le bras droit de Vince McMahon Jr, de ses préférés à la WWE, de karaoké, de ce qu'il pense du talent québécois et bien entendu, de l'hommage qu'on lui prépare ce soir.

Pat Patterson n'avait que 19 ans lorsqu'il a décidé de quitter sa ville natale, Montréal, pour se lancer dans une carrière de lutteur professionnel.

« Je suis parti de Montréal en 1960 avec 20$ dans mes poches puis j'suis allé à Boston et j'ai commencé ma carrière. C'était pas facile commander des repas au restaurant, se souvient Patterson qui ne parlait pas un mot d'anglais ou presque à l'époque.

« La seule chose que je connaissais en anglais dans ce temps là c'était hamburger steak, alors j'ai mangé ça pendant 2 semaines! Une journée, j'ai vu une affiche qui disait pork chop. Je me suis dit ‘me semble que ça d'l'air bon ça', mais je savais pas ce que c'était, alors j'arrive au comptoir et je demande au gars ‘give me pork chop', il me répond, ‘You want gravy on it?', veux-tu de la sauce dessus, là y m'a mélangé en cri***, j'ai dit ‘nevermind, give me hamburger steak'! », se souvient en riant le tout premier champion Intercontinental de la WWE.

Après avoir été entraîné aux Loisirs St-Jean-Baptiste sous la gouverne de Pat Girard, Patterson a vite réalisé que s'il voulait faire de la lutte une carrière, il ne pouvait pas demeurer ici. 1960 était l'une des dernières bonnes années du promoteur Eddie Quinn et on ne rentrait pas comme on voulait au Forum à ce moment là. Le père de Patterson n'était d'ailleurs pas son plus grand fan.

« J'avais dit à mon père que je voulais commencer la lutte. Mon père voulait me faire travailler dans une manufacture. J'étais pas capable la manufacture. Je l'ai essayé deux ou trois fois puis trois ou quatre semaines après, y me mettaient dehors. Quand j'ai dit à mon père que je partais pour Boston, y m'a répondu, ‘Viens pas cogner à la porte' et je lui ai répondu, ‘Faites vous en pas, je ne reviendrai pas' », confie-t-il.

Effectivement, Patterson n'allait plus revenir, à tout le moins pas avant de devenir un lutteur professionnel aguerri. C'est alors qu'entre en scène un autre lutteur bien connu des Québécois et qui aida un jeune Patterson à percer dans ce milieu.

« Quand j'étais à Boston, Mad Dog Vachon était déjà une vedette en Oregon. On se connaissait déjà, mais je sais toujours pas comment il a eu mon adresse, mais il m'a envoyé une lettre qui me disait de me présenter en Oregon, que j'y étais booké », se souvient Patterson, qui ne tarit pas d'éloges pour Maurice.

Ce fut le début d'une belle épopée dans l'ouest américain pour Patterson, qui a connu beaucoup de succès entre autres pour le promoteur Roy Shire à San Francisco.

Puis, après une carrière de plus de 20 ans comme lutteur, il fut approché par Vince McMahon Jr pour travailler avec lui en arrière-scène.

« Je travaillais déjà pour le père à Vince. Je donnais des idées à Vince de temps en temps et il a décidé de me faire travailler avec lui. Y m'a fait lâcher la lutte, travailler dans un office, une affaire que j'aimais pas. J'ai jamais travaillé dans un office, je n'avais pas été à l'école pour ne pas travailler dans un office. Y m'ont nommé Vice-Président Sénior, j'avais aucune idée ce que ça voulait dire, la seule chose que je connaissais c'était la lutte! », répond candidement le principal intéressé.

Si la majorité des amateurs de lutte en province savent qu'il est celui derrière le concept du Royal Rumble, ils ne savent peut-être pas que l'histoire de la WWE aurait pu être différente s'il n'avait pas vu de la graine de superstars chez deux lutteurs. En effet, peut-être n'assisterions-nous pas au retour de Bret Hart à Montréal le même soir que l'hommage de Pat Patterson si ça n'avait pas été de ce dernier.

« Bret et Shawn, c'était mes deux favoris. J'me suis battu pour eux autres », explique Patterson, qui selon toute vraisemblance, avait un très bon œil pour reconnaitre le talent.

Étant donné sa position au sein de la WWE, Patterson a toujours été quelqu'un que les jeunes lutteurs au Québec espèrent rencontrer. Quel lutteur québécois n'a pas rêvé de le voir à un petit show indépendant et de se faire éventuellement signer?

Lorsque Patterson a débuté avec la WWE, plusieurs Québécois y faisaient partie, mais la situation est à l'extrême opposée maintenant, si bien qu'avec les départs de Sylvain Grenier et Maryse Ouellet, aucun lutteur québécois n'aura lutté à la WWE en 2012, une première qui remonte aux années 60.

« J'aimerais ça qu'il y ait trois ou quatre Québécois qui travaillerait pour la compagnie. J'aimerais bien ça être capable d'en trouver d'autres. J'pense toujours aux Québécois qui ont eu de belles carrières, comme Yvon Robert, Édouard Carpentier, les frères Rougeau, Pierre « Mad Dog » Lefebvre, Ricky Martel, Mad Dog Vachon, de dire Patterson.

« J'en vois pas beaucoup de lutte au Québec, mais je sais qu'il y a de bons talents. Le problème souvent c'est que les gars ne parlent pas anglais. J'sais de quoi je parle j'ai passé par là. Mais avant c'était moins grave qu'aujourd'hui. J'pense que lundi on va avoir un ou deux [Québécois] qui vont faire un essai pour nous autres », dévoile l'homme maintenant âgé de 71 ans.

Bien que compétent et heureux dans ses nouvelles fonctions, la scène manquait définitivement à Patterson.

« Quand j'ai travaillé en arrière-scène, j'aidais les lutteurs à préparer les combats, c'est eux autres qui travaillaient dans l'arène, c'est eux autres qui s'amusaient devant le monde. J'étais content pour eux, mais c'est pu moi qui étais là. J'ai toujours aimé chanter, pis un soir j'ai été dans un bar karaoké. Mais j'avais tellement peur, j'étais tellement nerveux, pis après une couple de bières, j'y suis allé pis j'ai chanté My Way de Frank Sinatra. Le monde était debout, y m'applaudissaient. Ben là j'ai pogné la piqure. J'aime chanter parce que même s'il n'y a pas grand monde, si t'es capable d'embarquer le monde pour une toune ou deux, t'es fier, t'es content de toi. C'est comme être dans l'arène, mais j'suis dans un bar en train de chanter dans un karaoké », explique Patterson, qui nécessairement, a toujours eu ce qu'il fallait pour faire réagir une foule, dans une arène ou sur une scène.

Ce soir, alors que l'émission culte de la WWE, Monday Night Raw fera son retour à Montréal après six ans, on rendra hommage à Pat Patterson, une soirée qui sera vive en émotion.

« Ça va être pas mal énervant. Avec la carrière que j'ai eue dans la lutte - j'suis encore dans la business, mais pas autant qu'avant - j'ai travaillé 54 ans dans la business, une business que j'ai toujours aimé. Pour un jeune de Montréal qui parlait pas anglais, pour un p'tit gars qui est partie de Montréal avec rien, pis je me suis rendu à travailler en finale plusieurs fois au Madison Square Garden de New York. Et tu sais ce qu'ils disent, “If you can make it in New York, you can make it anywhere” et je suis très fier de tout ça », raconte avec émoi celui qui a lutté à travers le monde.

Étant donné que la publicité entourant cet hommage n'a été faite que localement, il serait surprenant que cette célébration ait lieu lors de la diffusion de Raw comme tel. En fait, en date d'hier et selon les informations obtenues, l'hommage devrait avoir lieu avant ou après la télédiffusion. Ceci dit, avec trois heures de Raw à combler, tout pourrait changer.

Quant à Patterson, qui est habitué d'être celui qui donne les directives, ce soir ce sera différent alors qu'il n'a aucune idée à quoi s'attendre.

« Franchement, y m'ont rien dit. J'sais qu'ils vont m'honorer, j'sais qu'ils veulent faire ça pas mal gros. Mais moi j'suis un braillard, alors vu que j'sais pas ce qui va arriver, ça va être l'enfer, raconte Patterson. Je vais être ému, mais je sais vraiment pas comment ça va aller. »

Toute l'équipe de Raw sera au Centre Bell ce soir. Vous pouvez encore vous procurer des billets au www.evenko.ca. Arrivez tôt ou demeurez jusqu'à la toute fin si vous ne voulez pas manquer l'hommage que réserve la WWE à Pat Patterson.

Si vous avez des questions ou commentaires, n'hésitez pas à communiquer avec moi au patric_laprade@videotron.ca, ainsi que sur mon site Web au www.lutte.com

Le livre sur l'histoire de la lutte professionnelle au Québec, intitulé « Mad Dogs, Midgets and Screw Jobs : The Untold Story of How Montreal Shaped the World of Wrestling » et écrit par Pat Laprade et Bertrand Hébert, sera disponible à compter de février 2013. Il est présentement disponible en pré commande sur au www.amazon.ca