Dans sa préparation de l'étonnante saison que connaît son équipe, Marc Bergevin a tenté de ne rien laisser au hasard. Il s'est d'abord donné deux adjoints qualifiés en Rick Dudley et Larry Carrière. Il a retenu les services de personnalités de hockey pour occuper diverses fonctions stratégiques : Scott Mellanby, Martin Lapointe, Patrice Brisebois et Donald Audette, notamment. Puis, en Gerard Gallant, Jean-Jacques Daigneault et Clément Jodoin, il a greffé de nouvelles figures autour d'un entraîneur d'expérience à qui il a accordé une seconde chance au sein de l'organisation, Michel Therrien.

Il a peut-être aussi posé des gestes ici et là qu'il n'a pas dévoilés publiquement et qui ont contribué à leur façon à la spectaculaire sortie de l'enfer du Canadien. L'un de ceux-là a certes été l'embauche d'un septième coach qui travaille dans l'ombre de tous les autres et qui espère bien le rester. Après Therrien, Gallant, Daigneault, Jodoin, Pierre Groulx et Mario Leblanc, il a ajouté un coach de vie en Sylvain Guimond, spécialiste de la psychologie sportive.

Généralement, quand une organisation professionnelle de sport retient les services d'un psychologue, elle ne tient jamais de point de presse pour l'annoncer. Elle n'émet même pas le plus bref communiqué sur le sujet, sans doute pour éviter d'indisposer les joueurs. Il y a 15 ou 20 ans, le sujet était tabou. Non seulement, les athlètes refusaient de dire qu'il leur arrivait de faire appel à un psychologue, mais ce genre de rencontre se faisait en catimini. Comme si consulter un psychologue constituait un signe de faiblesse.

Ce sont les athlètes amateurs, principalement les médaillés olympiques, qui ont contribué à faire avancer les choses en accordant publiquement beaucoup de crédit aux psychologues pour leurs succès. Encore aujourd'hui, les professionnels restent discrets au sujet de cette aide additionnelle, même s'ils ne changent plus de trottoirs pour éviter d'être vus en leur compagnie.

Cette saison, dans le cadre d'une présence à l'Antichambre, David Desharnais a été le premier à lever le voile sur la présence de Guimond dans l'entourage de l'équipe. Quand les choses n'allaient pas très bien pour lui au début de la saison, il a précisé que Guimond lui avait été d'un grand secours. Une responsabilité que le spécialiste basé à Sorel a récemment confirmé dans la publication d'un deuxième bouquin: «Le hockey, c'est dans la tête».

On peut présumer que c'est Michel Therrien qui a recommandé Guimond à son jeune patron. Therrien et Guimond ont fait connaissance et sont devenus des amis sur le plateau de l'Antichambre. Avant de se présenter devant le successeur de Pierre Gauthier, dans le cadre des auditions visant à déterminer le prochain entraîneur du Canadien, Therrien a été soigneusement préparé par Guimond. Ensemble, ils ont tenté de prévoir les questions qui allaient lui être posées. Quand Therrien a finalement obtenu le poste, il va sans dire qu'il a recommandé que Guimond soit greffé à l'équipe. En somme, ce qui avait été bon pour lui pouvait également l'être pour ses joueurs

«Quand Michel et Marc m'ont demandé de présenter ma psychologie du sport adaptée au hockey, je leur ai indiqué comment tirer le maximum de leurs joueurs. J'ai aussi précisé le rôle que peut jouer un spécialiste dans mon genre au sein d'une équipe professionnelle», a-t-il écrit dans l'avant-propos de son livre.

Les meilleurs cherchent à s'améliorer

Mettons que les choses ont plutôt bien fonctionné. Quand on lui demande combien de joueurs ont fait appel à son expertise, Guimond répond: «Presque tous». Il y en a au moins un qu'il n'a pas eu le temps de rencontrer. Bergevin l'a fait avant lui. Erik Cole ne semblait pas trop chaud à l'idée de jouer au début de la saison. Son manque d'intérêt s'est reflété dans son jeu. Le directeur général n'a pas eu besoin de l'opinion d'un spécialiste de la psychologie sportive pour lui dire que son gros attaquant n'avait pas le pas. Cole a quitté Montréal dans le cadre d'un échange qui a permis au patron de l'équipe de réussir l'une des transactions les plus fructueuses de la saison.

Pour le reste, Guimond se dit satisfait des liens qu'il a tissés avec les joueurs et les dirigeants du Canadien.

«Disons qu'une belle complicité s'est rapidement établie entre les joueurs et moi, explique-t-il. Je me fais un devoir d'être le plus souvent possible dans l'entourage de l'équipe, sans être nécessairement visible. C'est important d'être là quand des joueurs ont le goût de jaser. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, ils ne s'adressent pas à moi uniquement quand les choses vont mal. Certains veulent savoir ce qu'ils doivent faire pour devenir encore meilleurs. On pourrait s'étonner du fait que des vedettes établies se tournent vers un spécialiste comme moi. Or, c'est justement pour cette raison qu'ils sont les meilleurs. Ils tentent constamment de s'améliorer. Ceux qui cherchent des solutions sont ceux qui trouvent des réponses et qui évoluent», mentionne-t-il.

Faut dire que dès leur arrivée au camp d'entraînement, Guimond leur a été présenté comme un intervenant capable de faire une différence dans leur jeu et peut-être même dans leur vie. Il y a sept nationalités différentes au sein du Canadien. Si on fait exception de quelques joueurs d'ici, personne n'avait entendu parler de lui avant que Therrien le présente à ses hommes. Certains ont écarquillé les yeux en apprenant qu'il avait déjà travaillé, sur le plan de la posture et de la biomécanique, avec Tiger Woods, Annika Sorenstam, Mario Lemieux, Michael Jordan et Arnold Schwarzenegger. Ils ont sans doute compris que la personne ressource qu'on leur proposait n'était pas n'importe qui.

«Ma responsabilité est de donner des maux de tête à l'entraîneur, explique Guimond. Je veux m'assurer que les joueurs atteignent un tel degré de confiance en eux-mêmes que Michel ne saura plus qui retirer de la formation quand il y aura un surplus de joueurs.»

Un gars drôle

Je côtoie Sylvain Guimond depuis quelques années. C'est le type d'homme qui va souvent au-delà de ses mandats. C'est un être généreux. Généreux de sa personne et de son temps. C'est pourquoi je ne doute pas un instant qu'il ait joué un certain rôle dans les succès de l'équipe cette saison. Les médias le voient rarement s'entretenir avec un joueur. Les choses sérieuses se discutent ailleurs, à l'abri des regards. Il est le coach le plus invisible de l'organisation.

Il ne s'attribue pas le moindre mérite dans la renaissance de l'équipe. Il désire avant tout apporter une certaine contribution à l'intérieur de son champ de compétence. Il ne joue pas dans la cour de Therrien et de ses adjoints qui, eux, essaient de développer les habiletés naturelles des joueurs. Son objectif est tout autre.

«Un athlète va éclore quand le moment sera venu pour lui de briller, dit-il. Néanmoins, on peut contribuer à sa progression en l'aidant à bâtir sa confiance. On ne peut pas tirer sur une fleur pour la faire pousser plus rapidement, mais on peut l'aider à grandir en l'arrosant. En psychologie sportive, c'est mon travail. J'arrose des fleurs. Parfois, je suis le tuteur qui les empêche de pousser croches.»

Guimond va même jusqu'à utiliser un brin d'autodérision en décrivant sa personnalité. Une partie de ses responsabilités consiste à alléger l'ambiance dans l'équipe. Des athlètes heureux et souriants sont davantage prédisposés à connaître du succès.

«Moi, je suis un clown, lance-t-il en souriant. J'essaie de les faire rire. J'ai la tête d'un clown. Je suis de petite stature, je n'ai pas de cheveux. Ça ne me dérange de me décrire de cette façon, car je me dis que le gars qui réussit le mieux au Québec est aussi un clown, Guy Laliberté. Je suis peut-être un gars drôle, mais ce qui sort de ma bouche peut les aider.»