Le documentaire de la série 25 ans d'émotions «Luguentz Dort : respekte nou» sera présenté le mercredi 31 mars à 19 h 30 sur RDS et RDS Direct.

Malgré le fait qu’il venait de livrer une performance historique dans l’uniforme du Thunder d'Oklahoma City dans la NBA, le Montréalais Luguentz Dort ne pouvait cacher ses émotions devant la caméra après un match ultime, alors que les larmes coulaient sur ses joues. C’était en septembre 2020 et Dort, qui n’avait que 20 ans, venait de battre un record de 2006 appartenant à LeBron James pour le plus de points par un joueur de moins de 22 ans dans un septième match des séries éliminatoires, avec 30 points. Le joueur recrue était émotif parce que la saison avait été éprouvante en raison de la pandémie, mais aussi parce que son équipe venait de subir une élimination crève-cœur face aux Rockets de Houston. Dort a mentionné aux journalistes qu’il était fier de sa saison et il a aussi rappelé qu’il revenait de loin.

« C’est gros. Ça a été difficile, vous savez […]  Et cette équipe m’a énormément fait confiance. Vous savez, je viens de Montréal et d’être ici avec tous ces joueurs... C’était gros. J’ai connu toute une saison et j’en suis très reconnaissant. » 

Le jeune homme, fier de ses origines haïtiennes, a grandi dans le quartier chaud de Montréal-Nord. Sa mère Erline a élevé six enfants presqu’à elle seule. Luguentz, le cinquième de la famille, était un garçon hyperactif. Afin de bien dépenser son excès d’énergie, sa mère l’a inscrit au soccer, mais l’expérience a été de courte durée. Évoluant comme gardien, il trouvait le temps bien long entre les grands poteaux blancs! Après les matchs, encore vêtu de son uniforme de soccer souillé, il aboutissait sur les parquets de la ville pour y rejoindre ses amis. Les cris de joie de ses amis attiraient Dort qui voulait s’amuser lui aussi. Sans surprise, il a largué le soccer en faveur de sa nouvelle passion : le basketball. C’était le début d’une grande histoire d’amour avec son sport.

Jouer au basketball permettait à Dort de se tenir loin des mauvaises fréquentations de son quartier. C’est sur les parquets qu’il rencontre son ami d’enfance Shawn Barthélémy. Au début du secondaire, Barthélémy l’invite à participer aux essais de l’équipe de basketball à l’école Calixa-Lavallée dans le quartier Montréal-Nord, qui a la réputation d’avoir l’un des meilleurs programmes sport-études pour le basketball au Québec. Au début, l’entraîneur Nelson Ossé n’est pas impressionné par Dort, mais il voit tout de même un certain potentiel en raison de son physique imposant. Même si Dort est loin d’être le meilleur joueur, il est retenu dans l’équipe.

Comme son père était retourné à Haïti, Dort se tourne vers son entraîneur Nelson Ossé qui deviendra un mentor. Leur relation n’est pas étrangère à la progression fulgurante de Dort. En l’espace d’une année, il passe de l’un des pires joueurs à l’un des meilleurs de la ligue. Ossé a une explication pour ses succès :

« Ce qui caractérise Luguentz de n’importe quel autre joueur sur un terrain de basket, c’est qu’il est persévérant dans tout ce qu’il fait. Si tu lui demandes d’en scorer trente, il va trouver le moyen de le faire; si tu lui demandes de surveiller le meilleur joueur de l’autre équipe, il va trouver le moyen de le faire. Il ne se plaint jamais ».

Guidé par sa persévérance et sa résilience, Dort a hérité des qualités de sa mère qui lui a montré l’exemple au quotidien. Et ces qualités se transposent sur le parquet! En raison de son physique imposant, Dort se fait souvent frapper par ses adversaires, mais chaque fois il se relève doté d’une force herculéenne. Le jeune homme a beaucoup de succès au basket, mais sur les bancs d’école, il est loin d’être un élève modèle. Manquant de motivation, il éprouve des difficultés dans son parcours, mais il sait qu’il doit avoir de bonnes notes s’il désire poursuivre le programme sport-études. Aux yeux de sa mère, le plus important demeure les études et Luguentz sait très bien que ce n’est pas négociable : l’école passera toujours avant le basketball! L’insistance de sa mère le pousse à plonger son nez dans les livres. Les yeux rivés sur son rêve d’atteindre la NBA, il met les bouchées doubles.

Sauf que les mauvaises influences rôdent autour de lui et Nelson Ossé lui suggère d’aller étudier à l’école Édouard-Montpetit afin de redresser la barre. Ses notes s’améliorent à sa nouvelle école, mais pas suffisamment. Il se dirige vers un échec scolaire et Ossé doit prendre une décision importante. Pour sauver son année, il lui suggère de fréquenter l’école Lucien-Pagé, où il sera suivi de façon méticuleuse dans son parcours scolaire en compagnie d’Alder Pierre, directeur du programme de basketball. La décision semble être la bonne puisque son premier bulletin montre une nette amélioration.

À 15 ans, Dort est une étoile montante et il décide de faire le saut aux États-Unis, en Floride, pour poursuivre ses études. Sur les bancs d’école, il apprend l’anglais et sur les parquets, il retient l’attention de plusieurs universités. Le garde convoité arrête son choix sur Arizona State en 2018. Après une seule saison avec les Sun Devils, il se hisse parmi les meilleures recrues à travers les États-Unis et ses exploits lui permettent de ravir le titre de recrue de l’année dans la division Pac-12 de la NCAA.

Même si ça semble prématuré, il se fait conseiller par son entraîneur Bobby Hurley de tenter sa chance dans la NBA. Débordant de confiance, Dort mise donc sur le repêchage de 2019 pour atteindre son but. Assis dans les estrades du Barclays Center de Brooklyn en compagnie de sa mère, de sa sœur et de Nelson Ossé, il est prêt à entendre son nom. Sauf que les choses ne se passent pas comme prévu. À la grande surprise du camp Dort, sa journée de rêve vire au cauchemar : aucune équipe ne le repêche. Dort quitte l’aréna le cœur lourd, mais il essuie ses larmes rapidement lorsqu’il reçoit un coup de fil de l’organisation du Thunder d’Oklahoma City quelques heures plus tard. Une porte s’ouvre et il aura l’occasion de faire regretter les 29 autres formations de la NBA de l’avoir ignoré! Et Dort donne raison au Thunder en impressionnant dès sa saison recrue en 2020. 

Lors d’un match, on pouvait lire les mots Respekte nou en créole au dos de son maillot du Thunder. Un vibrant message en faveur du respect pour les Haïtiens. Dort veut donner espoir aux jeunes et il constitue un bel exemple pour ceux qui rêvent de suivre ses traces. Au début de son parcours, rien de laissait présager qu’il serait celui qui battrait un record établi par le grand LeBron James. Ce sera sa persévérance qui lui permettra d’accomplir son rêve.