(RDS) - Comment parler de la dernière victoire des Alouettes sans parler de la performance exceptionnelle qu'a livrée Keith Stokes? Personnellement, j'ai eu la chance de jouer avec des joueurs tels que Mike Pinball Clemons et Henry Gizmo Williams, deux futurs membres du Temple de la renommée. Ils font sans aucun doute partie des joueurs qui ont connu les plus belles carrières sur les unités spéciales. Mais c'était la première fois de ma "carrière" que je voyais une performance comparable à celle de Keith Stokes contre les Eskimos d'Edmonton.

En plus de dominer sur les unités spéciales, il a eu un rôle tout aussi important à jouer à l'attaque. Il a été l'une des cibles préférées d'Anthony Calvillo. Il a capté six passes pour des gains de 80 verges. Si on additionne ses 224 verges sur les unités spéciales à ses 80 verges à l'attaque, on obtient ici une performance supérieure à 300 verges dans un seul match! Je n'ai jamais vu une combinaison aussi incroyable. Williams était sublime mais il demeurait sur les unités spéciales. Mais là, de toutes les façons possibles et inimaginables, Stokes a contribué aux succès des Alouettes. C'était la première fois que je voyais un joueur en faire autant sur le terrain.

Oui, Stokes est très rapide. Oui, il court bien. Mais contre les Eskimos, il a été grandement aidé par ses coéquipiers qui ont effectué des blocs absolument exceptionnels devant lui. Il y a longtemps que je n'avais pas vu autant des blocs aussi importants sur les unités spéciales. Sur son premier touché, Barron Miles et Pat Woodcock y sont allés de blocs cruciaux qui ont permis à Stokes de poursuivre sa course. Sur le second majeur du rapide numéro 6, Sylvain Girard a su bloquer (légalement) son vis-à-vis pendant six ou sept secondes, une éternité au football, pour permettre à Stokes de déborder vers l'extérieur et terminer sa course dans la zone payante.

Ce genre de touché est très rassembleur puisque tous les joueurs y mettent l'épaule à la roue. En plus d'être positif pour l'esprit d'équipe, ce type de touché a généralement pour caractéristique de changer l'allure d'un match. On a bien vu que le deuxième touché de Stokes a littéralement brisé les reins des joueurs des Eskimos.

Jeu truqué : jeu clé

Même si c'est Stokes qui a cloué le bec des visiteurs, le jeu du match est, selon moi, le jeu truqué de Ben Cahoon qui a mené au touché de Bruno Heppell et qui s'est avéré celui de la victoire. Ce jeu est survenu dans un moment crucial puisque les deux équipes étaient à égalité 14-14 à mi-chemin au troisième quart. Ce jeu a totalement changé l'allure du match et il a donné confiance aux Alouettes. On peut donc dire sans hésiter que les unités spéciales ont fait la différence contre les Eskimos.

Ce jeu truqué illustre très bien l'importance de la vidéo au football. Pendant les séances de visionnement, les Alouettes ont étudié les différentes formations des Eskimos et les faits et gestes de chaque joueur; ils savaient donc à quoi s'attendre. Le jeu a été pratiqué jeudi et il était dans le plan de match de Don Matthews. Je ne serais pas surpris que Matthews ait dit à ses joueurs d'y aller avec ce jeu lorsque l'occasion s'y prêterait. On voit donc que Matthews fait grandement confiance à ses protégés. Terry Baker et Ben Cahoon ont profité du fait que les joueurs des Eskimos venaient rapidement à l'intérieur pour essayer de bloquer le botté pour déborder vers la droite et placer l'équipe en excellente position. Voilà donc un bel exemple de préparation réussie et de l'influence de Matthews sur l'équipe puisque le pilote des Alouettes a toujours été friand de ce genre de jeu truqué. Et on a vu que, par la suite, le doute était semé dans la tête de l'adversaire lorsque Baker se pointait sur le terrain.

Profondeur

Contre les Eskimos, Laurence Phillips a passé une bonne partie de la deuxième demie sur le banc de l'équipe. Il souffrirait d'une contusion à la jambe. Idem pour Mike Pringle qui souffre d'une entorse au genou. De son côté, Stefen Reid a été victime d'une foulure à la cheville.

Malgré la perte de ces joueurs importants, les Alouettes ont continué à dominer leur adversaire. Cela démontre qu'il existe une très belle profondeur au sein de cette équipe. Mark Petz est revenu au jeu en remplacement de Reid et la défensive a continué d'exceller. Il y a quelques semaines, je disais que la défensive pliait mais qu'elle ne cassait jamais. Ce fut encore le cas hier et ce, même si elle a accordé deux touchés par la passe en première demie. Dans le champ-arrière, Éric Lapointe a bien fait en remplacement des Pringle et Phillips. De son côté, Bruno Heppell a marqué un touché.

Ce doit être très soulageant pour les entraîneurs de l'équipe de voir que les substituts font aussi bien que les partants.

Laurence Phillips

Comme je viens de le mentionner, Phillips était ennuyé par un malaise en deuxième demie. Matthews devrait-il lui laisser une semaine de repos afin de bien guérir ses petits bobos? C'est à Matthews et Phillips de prendre cette décision d'un commun accord. Étant moi-même un ancien joueur de football, je sais que les joueurs détestent rater une seule partie. Matthews semble aimer voir Phillips agir comme partant pour qu'il conserve son niveau de concentration. Lorsque l'on écoute Matthews, on voit bien que Phillips est son homme de confiance. On verra bien ce qui se passera dans ce dossier.

Une équipe sans faiblesse?

Depuis le début de la saison, les Alouettes ont fait taire bien des sceptiques avec leurs performances et les points d'interrogation se sont rapidement dissipés. Vrai qu'il n'y a pas beaucoup de faiblesse au sein de l'équipe. Selon moi, il y a un seul point faible dans l'équipe, et, heureusement pour les amateurs et l'équipe, nous n'avons pas eu la "chance" de le vivre encore. Et espérons que les Alouettes n'auront pas à le vivre. Les Alouettes n'ont pas de deuxième quart-arrière. Si Calvillo se blesse, il sera vraisemblablement remplacé par Tavares Bolden ou Eric Kresser, deux jeunes qui n'ont rien prouvé encore.

En passant, j'aimerais bien glisser un mot sur Calvillo. Nous n'en parlons pas beaucoup depuis le début de la saison car il se fait toujours voler la vedette par un coéquipier. Mais on doit avouer qu'il joue avec une constance phénoménale. On voit qu'il est vraiment en contrôle de cette offensive. De match en match, il y a toujours un ou deux receveurs qui sortent du lot et ça aide les joueurs à rester motivés. Ce serait probablement différent si Calvillo utilisait toujours la même cible. On voit également Calvillo courir beaucoup plus souvent avec le ballon. Je compare l'offensive actuelle des Alouettes à celle de l'époque où j'évoluais avec les Argos de Toronto. Notre quart était nul autre que Doug Flutie. Ce dernier courait avec le ballon plus souvent qu'à son tour. Et c'est très important pour le quart de courir souvent avec le ballon dans ce genre d'attaque; lorsque l'on déploie cinq ou six receveurs, c'est souvent la course du quart qui s'ouvre en milieu de terrain. Calvillo le fait très bien depuis le début de la saison.

Steve Charbonneau

J'ai eu la chance de parler à Steve Charbonneau après la partie. Il était très déçu du résultat de la partie puisque tu veux toujours gagner contre ton ancienne équipe. Encore plus quand on sait comment l'association entre les deux parties a pris fin. J'ai noté une certaine amélioration dans le jeu de Charbonneau contre les Alouettes. Contrairement aux autres joueurs, Steve n'a pas eu de camp d'entraînement en raison de sa blessure. Son camp, il le vit présentement. Cela semble peut-être banal, mais tu ne peux pas remplacer un bon camp d'entraînement. Quand tu manques le camp, ton entraînement n'est pas le même, tu ne pratiques pas tes techniques, tu ne travailles pas sur ton cardio, etc.

Il m'a dit qu'il était très heureux de sa nouvelle situation. Les Eskimos l'ont très bien traité et il semble avoir retrouvé le plaisir de jouer et de pratiquer. C'était peut-être le temps pour lui de changer d'environnement et de passer à autre chose pour relancer sa carrière.

Soirée Pierre Vercheval

En terminant, j'aimerais revenir sur la cérémonie spéciale en mon honneur avant la partie. Lorsque j'ai annoncé ma retraite, les Alouettes m'avaient fait part de leur intention d'organiser une cérémonie spéciale pour commémorer mon passage à Montréal. La date du 2 août a été évoquée en raison de la présence en ville des Eskimos d'Edmonton, l'équipe qui m'a repêché. L'accueil qui m'a été réservé par la foule a été des plus touchants, je veux donc vous remercier tous pour cet accueil.

Ensuite, tous les joueurs des Alouettes, et même certains membres des Eskimos, sont venus tour à tour me féliciter. Je dois avouer que c'est cette partie de l'hommage qui m'a ému le plus puisque c'est avec ces gars-là que je suis allé à la guerre année après année. Il s'agissait d'une très belle marque de reconnaissance et de respect de la part des Alouettes, des joueurs et des amateurs. Merci!