Au football, on utilise souvent le cliché selon lequel il n'y a pas de «4 de 7» comme au hockey. Le championnat, il se joue sur une seule journée. Et c'est la meilleure équipe cette journée-là qui gagne. Dimanche, ce sont les Eskimos d'Edmonton qui ont mieux joué et ils ont gagné. La recette des Eskimos fut très simple : moins d'erreurs, moins de pénalités et plus de gros jeux. Rien de bien sorcier.

En 2003, trois problèmes ont fait mal aux Alouettes : les pénalités, les gros jeux accordés par la défensive et le manque d'attaque au sol. Malheureusement, ces trois faiblesses sont venues hanter les Alouettes lors de la finale de la coupe Grey.

Les pénalités

Sur la poussée qui a mené au touché d'assurance des Eskimos, les Alouettes ont écopé de trois pénalités majeures qui ont complètement changé l'allure de la série.

Dans un premier temps, Duane Butler a été pénalisé pour avoir saisi le protecteur facial de Ricky Ray. Ensuite, la recrue D.J. Johnson a écopé de deux pénalités; la première fois pour avoir causé de l'obstruction dans la zone des buts; la deuxième, pour un hors-jeu sur la ligne de mêlée.

La deuxième pénalité de Johnson a vraiment tué les Alouettes parce que Tim Strickland avait repris le ballon échappé par Troy Mills. Au lieu de reprendre le ballon à sa ligne des buts avec un score de 24-22 Edmonton, les Alouettes ont vu Ray porter la marque 31-22 sur la faufilade sur le jeu suivant. On connaît la suite.

Les gros jeux

Les deux touchés de Jason Tucker, la longue passe à Ed Hervey et j'en passe.

Avec la défensive des Alouettes, ça passe ou ça casse. Tout au cours de la saison, les Alouettes ont eu du succès en étant agressifs et en blitzant. Le blitz des Alouettes a fonctionné à quelques reprises, mais plus souvent qu'autrement, les Eskimos ont réussi leurs gros jeux sur le blitz des Alouettes.

Pourtant, les Alouettes ont blitzé de partout. Sur une longue course de Mike Pringle, William Loftus s'amenait sur le blitz du maraudeur. Sur une longue passe de Troy Mills, c'est le secondeur extérieur Tim Strickland qui a blitzé. Sur un blitz du demi de coin Barron Miles, Ricky Ray a tout juste réussi à rejoindre Tucker.

Aussi étrange que cela puisse paraître, le blitz des Alouettes a été le plus efficace quand ils blitzaient à seulement trois joueurs de ligne. Combien de fois Ed Philion, Adriano Belli et Anwar Stewart ont-ils réussi à mettre de la pression sur Ray? Je m'explique mal pourquoi les Alouettes n'ont pas utilisé cette stratégie plus souvent.

Malheureusement pour les Alouettes, la défensive agressive, si efficace en saison régulière, n'a pas porté fruit contre Edmonton.

L'attaque au sol

Oui, Don Matthews avait dit qu'il gagnerait ou perdrait avec la passe. Sauf que Matthews n'a cessé de répéter sa confiance envers ses joueurs de ligne offensive et ses porteurs de ballon. Dans les circonstances, pourquoi donc ne pas utiliser toutes les armes à sa disposition?

On a vu que cela a rattrapé les Alouettes surtout en deuxième demie. Combien de fois avons-vous vu les Alouettes en situation de deuxième essai et long? En courant un peu plus souvent, on élimine presque toutes les situations de deuxième essai et dix verges. Il faut prendre avantage du premier essai. Les Alouettes ne l'ont pas fait. Les résultats ont assez frappants. Anthony Calvillo n'a complété que neuf de ses 19 passes pour des gains de 123 verges.

Toute la pression est tombée sur le quart et sur les receveurs. Ils n'ont pas répondu et on a souvent vu les Alouettes dégager après seulement deux essais ratés. Quand tu gardes le ballon 30 secondes avant de dégager, tu ne permets pas à tes joueurs défensifs de se reposer. Difficile d'aller chercher son rythme.

Oui, l'attaque des Alouettes a connu des ratés, mais il ne faudrait pas passer sous silence la défensive des Eskimos qui n'a permis que six premiers jeux aux Alouettes en deuxième demie.

Changer de philosophie

Matthews a raison de dire qu'une équipe ne peut changer de philosophie l'instant d'un match, lire ici courir plus souvent ou arrêter de blitzer. Mais depuis quelques semaines, les autres équipes s'étaient adaptées à la stratégie des Alouettes. Résultat : les Alouettes ont marqué moins de points et ils en ont accordés plus.

Décision douteuse

Nous n'avons pas fini d'en parler de cette décision de Don Matthews d'utiliser deux demis de coin recrues pour remplacer Omar Evans et Wayne Shaw. La semaine dernière, j'avais déclaré ne pas comprendre cette décision de Matthews. À la lumière du résultat du match, je ne la comprends toujours pas. Selon moi, ce n'est pas une bonne idée de décider, trois jours avant le plus gros match de la saison, d'envoyer dans la fosse aux lions deux vertes recrues. En plus, Matthews n'avait pas pas de plan B au cas où...

Les Eskimos ont réellement profité de cette situation pour prendre le contrôle de l'attaque aérienne. Ils ont attaqué les recrues et c'est une réaction normale. Je sais que j'ai déplu à certaines personnes en choisissant les Eskimos pour remporter le match, mais c'était l'une de mes inquiétudes avant le match.

Cette décision n'a pas directement coulé les Alouettes, mais ça n'a pas aidé.

Les mains de Stokes

Je ne sais pas si les deux ballons échappés chasseront Keith Stokes de Montréal, mais il faudrait être fou pour penser que la direction est satisfaite de son rendement. Je répète souvent que pour avancer sur un terrain, il faut courir Nord-Sud et non exclusivement Est-Ouest. C'est ce qu'on lui reprochait depuis plusieurs semaines. Stokes doit se mettre dans la tête qu'il ne réussira pas un touché à chaque retour. À la blague, je dis souvent que Barry Bonds ne frappe pas un circuit à chaque présence. Parfois, un simple est aussi bon. Stokes doit arrêter de tricoter et se contenter des verges qui lui sont «offertes» par les défensives adverses.

À sa décharge, il faut mentionner que Sean Flemming a accompli un boulot phénoménal sur les bottés de dégagement. Flemming a réussi à botter le ballon très haut à chaque fois, ce qui a permis à ses coéquipiers d'entourer Stokes avant qu'il ne capte le ballon. Stokes a complété le match avec des gains de 21 verges sur sept retours. Ça dit tout!

Hommage à Cahoon, Girard et Groenewegen

Même si les Alouettes ont perdu, tout n'est pas noir du côté des Montréalais. Je tiens tout particulièrement à souligner l'excellent travail de Ben Cahoon. Selon moi, Cahoon a été le joueur le plus constant des Alouettes en 2003 et il a répété ses exploits lors du match ultime. Il a encore une fois réalisé quelques attrapées spectaculaires... en fait ces «catchs» deviennent pour nous des jeux de routine, tellement il attrape tous les ballons. Il est, selon moi, le meilleur receveur de passes de la ligue, joueurs canadiens et américains confondus. J'ai rarement vu un joueur aussi constant.

Je veux également lever mon chapeau à Sylvain Girard. Malgré le fait qu'il ait échappé un ballon, Girard n'a jamais abandonné et il est revenu en force avec un touché. La situation est d'autant plus difficile pour Girard que Calvillo ne le vise pas souvent. C'est dommage car il était souvent ignoré par ses couvreurs contre Edmonton. Idem pour Pat Woodcock.

Je me réjouis pour les Québécois des Eskimos qui ont réussi à mettre la main sur la coupe Grey, je pense notamment à Dany Maciocia, Steve Charbonneau et Randy Chevrier. Ces gens ont passé de durs moments en quittant Montréal, mais ils ont vaincu l'adversité pour mettre la main sur le précieux trophée.

Je suis particulièrement heureux pour Leo Groenewegen, un joueur de ligne offensive des Eskimos. Lui et moi avons été repêchés la même année, mais il vient de remporter la coupe Grey pour la toute première fois de sa carrière. Enfin une coupe Grey après 17 saisons dans la Ligue canadienne! Au-delà de la partisannerie, je ne peux faire autrement qu'être heureux pour lui.

En conclusion, les joueurs des Alouettes n'ont pas à rougir de leur performance contre Edmonton. Ils peuvent garder la tête haute après une saison comme ils ont connu. Je les félicite.