La défaite des Alouettes fait mal dans une ville déprimée par l'absence du Canadien et un peu gênée par la réputation que ses politiciens lui ont créée. Il me semble qu'une présence à la grande finale du football canadien et qui sait, peut-être même une coupe Grey, n'auraient pu survenir dans un meilleur moment.

Le match a représenté un bon spectacle. Les Alouettes ont entrepris la partie avec beaucoup de détermination. Ils semblaient si à l'aise sur le terrain au premier quart qu'on a eu l'impression que c'était leur après-midi. Finalement, je pense qu'on peut dire que la meilleure équipe a gagné.

Le résultat est décevant, mais faut-il vraiment s'étonner d'un pareil dénouement? Ce fut une drôle de saison avec des victoires arrachées très difficilement dans les dernières secondes de matchs qui auraient facilement pu être perdus. Cette façon de faire était peut-être excitante pour les inconditionnels de l'équipe, mais en même temps, cela dénotait un changement majeur dans la perception que la ligue en général se faisait des Alouettes. L'équipe de Marc Trestman, guidée par un quart-arrière qui ne rajeunit pas, n'était plus aussi intimidante. On ne se présentait plus contre Montréal comme si on avait l'Everest à conquérir.

L'attachement du public a même semblé mitigé par moments. Ces dernières années, on a travaillé d'arrache-pied pour pouvoir se doter d'un stade plus accueillant et plus vaste. Or, alors qu'on avait la possibilité d'offrir 5 000 sièges de plus aux amateurs, on ne pouvait jamais les remplir jusqu'au dernier banc.

Bien sûr, il y avait plus de 50 000 spectateurs dans le Stade olympique pour ce match sans lendemain. Toutefois, il s'agissait beaucoup plus d'un événement que d'un simple match de football. Or, on connaît l'intérêt profond des Québécois pour tout ce qui est orchestré et vendu comme un événement.

On ne s'en cachera pas, le football, malgré un spectaculaire regain de vie aux quatre coins du Québec, reste un produit fragile quand il est question de la Ligue canadienne. Le jour où l'équipe ne gagnera plus avec régularité, il ne faudrait pas s'étonner de voir les amateurs s'en détacher progressivement. C'est pourquoi chaque saison gagnante et chaque championnat sont si essentiels aux Alouettes.

Cette semaine, Mark Weightman, le nouveau grand patron de l'équipe qui a remplacé Ray Lalonde, dont le bref passage à la tête des Alouettes a été désastreux, a participé à l'émission Bonsoir les sportifs animée par Ron Fournier. Sa présence a généré beaucoup d'intérêt, mais en temps normal, l'ami Ron ne se risquerait pas à préparer une émission de football, même en plein coeur de la saison. Il n'y a rien de plus dérangeant pour un animateur quand le tableau indiquant les appels entrants ne scintille pas.

Calvillo: avenir incertain

J'observais attentivement Anthony Calvillo dans les derniers moments de ce match ultime. Il avait sans doute pris la décision de disputer une autre saison dans l'espoir de participer au match centenaire de la coupe Grey. Il est un athlète fier de ses réalisations, même s'il répète souvent ne pas attacher trop d'importance aux records qu'il ne cesse d'établir. Quel athlète n'aime pas réaliser qu'il est en train de réécrire l'histoire?

Il va s'en trouver pour dire qu'il a encore échoué dans un gros match. Il n'a pas offert le genre de performance qu'on attend de lui quand la saison se joue dans une seule partie, mais dans un moment d'extrême pression, à quelques secondes de la fin, il a décoché une flèche précise dans la zone des buts, en plein dans le numéro du dossard de Brian Bratton qui a totalement bousillé le jeu. Quand on fera le bilan de cette fin de saison, les réflecteurs seront beaucoup plus dirigés vers Calvillo que vers Bratton qui risque de passer un très mauvais hiver.

Calvillo a parfaitement réussi le gros jeu dans les circonstances, mais plus personne ne s'en souviendra.
On notera davantage qu'il n'a pas réussi une seule passe de touché et qu'il a été victime de deux interceptions, ce qui a aidé les Argonauts à filer vers le match de la coupe Grey qui sera disputé sur leur propre terrain.

A-t-on assisté à la dernière sortie de Calvillo en carrière? Si oui, on peut se demander de quoi les Alouettes auront l'air sans lui l'an prochain? Il faut être président d'un club Optimiste pour croire que son successeur, Adrian McPherson, est prêt à chausser ses espadrilles.

Il y a un impact commercial inévitable quand une formation comme celle des Alouettes, qui évolue dans un marché où le hockey occupe toute la place, voit sa saison se terminer plus hâtivement que prévu. Si les Alouettes s'étaient rendus à la coupe pour la huitième fois en 10 ans, période au cours de laquelle ils l'ont gagnée à trois occasions, tout aurait été plus facile l'an prochain. C'est générateur d'espoir dans le coeur des partisans quand ils constatent que leur équipe ne souffre d'aucune baisse de régime. Si les Alouettes avaient mérité un laissez-passer pour Toronto et s'ils étaient revenus à la maison avec la coupe Grey, les commanditaires les auraient accueillis chaleureusement en vue de la prochaine saison et on aurait sans doute eu à travailler moins fort pour noircir les gradins l'an prochain.

Bien sûr, toutes les organisations passent par là puisqu'il n'y a qu'un gagnant de la coupe Grey, mais les autres formations de la Ligue canadienne n'ont pas à vivre dans un marché qui ne vibre que pour un sport: le hockey.
Néanmoins, tout n'est pas sombre à la suite de cette défaite. Seulement deux formations de la ligue ont accumulé plus de points que les Alouettes. L'équipe de Trestman a remporté deux victoires de moins que la meilleure formation du circuit, les Lions de la Colombie-Britannique.

Jim Popp affirme qu'il aime ce qu'il voit de son équipe. Difficile de contredire un homme qui a fait des Alouettes ce qu'ils sont devenus. Malgré tout, il faut souhaiter que Calvillo soit de retour pour une autre saison. Le temps de préparer sa relève, ce qui est loin d'être évident.

« One more year », Anthony.