Les effluves de scandales ne sont jamais bien loin lorsque vient le temps d’analyser ou de justifier l’octroi de bourses à des athlètes. Toutes les fédérations sportives qui distribuent de l’argent se basent pourtant sur des critères précis qui laissent peu de place à l’improvisation ou à du favoritisme. Une chose est cependant certaine, c’est qu’il y aura toujours des mécontents. Ceux qui, malgré d’excellents résultats, jugent avoir été oubliés par leurs dirigeants.

Athlétisme Canada vient tout juste de dévoiler la liste des athlètes qui auront droit à du financement pour la saison 2016-2017. Ce financement est essentiel puisqu’il permet aux athlètes de couvrir certaines de leurs dépenses. Les entraînements et les voyages de compétition peuvent coûter une petite fortune. Nous sommes nombreux à applaudir les coureurs, sauteurs, lanceurs ou autres disciples de l’athlétisme lors des Jeux olympiques et Championnats du monde, mais n’oublions pas que la route pour y parvenir est longue et coûteuse.

Il est vrai que de plus en plus d’athlètes s’associent à des compagnies pour obtenir des commandites lucratives, mais ce sont souvent de grandes vedettes comme Andre De Grasse, Brianne Theisen-Eaton ou Melissa Bishop. Pour le reste de la cohorte athlétique canadienne, le moindre dollar est utile.

Un processus compliqué

La méthodologie exacte employée par les dirigeants d’Athlétisme Canada pour placer un athlète dans un groupe de brevetage afin d’être considéré pour une bourse repose sur cinq critères. Les athlètes choisis sont ensuite assurés de recevoir une allocation mensuelle de 900 ou 1500 dollars.

Charles Philibert-ThiboutotAinsi, les athlètes ayant gagné une médaille individuelle lors des Jeux olympiques de Rio et qui possèdent le potentiel de gagner une médaille individuelle ou de relais lors du Championnat du monde d’athlétisme à Londres en 2017 étaient automatiquement sélectionnés. Andre De Grasse, Derek Drouin et Brianne Theisen-Eaton font partie de ce groupe. Même chose pour les finalistes ou 16 premiers d’une épreuve individuelle à Rio (20 premiers dans le cas du marathon). C’est le cas du Québécois Charles Philibert-Thiboutot qui avait terminé 16e au 1500 mètres. Il aura droit à une bourse de 1500 dollars chaque mois. Enfin, Athlétisme Canada accordait également un brevet de développement aux athlètes qui possèdent un potentiel crédible d’être finalistes aux prochains Jeux olympiques en 2020, à Tokyo.

Tous les athlètes de haute performance n’ayant pas été choisis selon les quatre premiers critères de sélections étaient classés sur la base d’un système de pointage finement élaboré. C’est grâce à ce repêchage que la sprinteuse québécoise Farah Jacques a pu se joindre au petit groupe des 68 athlètes canadiens qui recevront une aide financière de leur fédération pour la saison 2016-2017.

S’il y a 68 athlètes heureux, il y en a un bien plus grand nombre malheureux. Et parmi ceux-ci, des vétérans bien connus qui ne se sont pas gênés pour faire ouvertement part de leur mécontentement et critiquer Athlétisme Canada.

De grands oubliés

Les principaux marathoniens élites de notre pays n’ont pas été choisis pour recevoir une bourse. Lanni Marchant, Krista DuChene et Reid Coolsaet ont tous été ignorés. Il est vrai que Marchant et Coolsaet n’ont pas terminé dans les 20 premiers à Rio, mais leur non-sélection s’explique surtout par le fait qu’Athlétisme Canada juge qu’ils ne représentent pas des espoirs valables de médailles lors des prochains Mondiaux d’athlétisme de 2017 (Londres) et 2019 (Qatar) ou aux Jeux olympiques de Tokyo en 2020.

Reid CoolsaetPourtant, tous les deux sont âgés dans la trentaine, la période lors de laquelle les marathoniens sont à leur sommet. De toute évidence, l’expérience n’est pas un facteur pris en considération par Athlétisme Canada.

Même si Marchant détient le record canadien du marathon féminin, Athlétisme Canada a préféré encourager financièrement la marathonienne Rachel Hannah (900 $/mois), quatre minutes plus lente que Marchant, mais deux ans plus jeune que cette dernière.

La très grande amie de Marchant, la spécialiste du 10 000 mètres Natasha Woodak, est probablement celle qui a signifié le plus clairement son exaspération. L’athlète de 34 ans qui détient le record canadien de la distance et qui est membre de l’équipe nationale d’athlétisme depuis 10 ans n’a pas été sélectionnée pour une deuxième année consécutive. Via son compte twitter, elle a traité les dirigeants de sa fédération de « véritables idiots ».

Elle a expliqué que les athlètes plus âgés n’avaient aucune chance de recevoir des bourses et que plusieurs parmi ceux en ayant reçu n’avaient même pas participé aux Jeux de Rio. « Les décisions sont biaisées. Les entraîneurs ont trop de pouvoirs. C’est fou! », a-t-elle écrit sur son compte Twitter. Elle souligne également qu’Athlétisme Canada continue pourtant d’utiliser son image et des photos d’elle pour promouvoir divers événements même s’ils ne lui ont jamais donné le moindre sou! « Arrêtez cela. Vous ne me supportez pas. C’est de la foutaise! »

De tels commentaires de la part des vedettes de l’athlétisme canadien donnent une mauvaise image des dirigeants d’Athlétisme Canada chargés de décider et d’annoncer l’identité des heureux élus ayant droit à un encouragement financier. Il dénote également toute la complexité entourant ce processus. Seuls 68 athlètes, et seulement trois Québécois, recevront de l’aide au cours de la prochaine année. Des choix déchirants doivent être faits.

Devant un tel état de fait, il est à souhaiter que les entreprises canadiennes sauront faire preuve de générosité pour pallier le manque criant de financement de cette discipline. Difficile de trouver une image plus belle, pure et noble à laquelle s’associer que celle de l’athlétisme.