Le roi du demi-fond Mo Farah rêvait de meilleures conditions pour son dernier grand rendez-vous, chez lui aux Mondiaux de Londres (4-13 août), dans le stade qui l'avait couronné aux JO-2012, mais les rumeurs de dopage qui le cernent en ont décidé autrement.

Preuve du malaise, Farah s'est soustrait au rite de la conférence de presse d'avant compétition pour éviter de répondre aux questions qui fâchent.

L'Agence américaine antidopage (Usada) a dénoncé, dans un rapport, les méthodes controversées de son entraîneur américain Alberto Salazar. Plus récemment, les Fancy Bears, hackers russes, avaient dévoilé un document attestant qu'en novembre 2015 le nom de Farah apparaissait, parmi une quarantaine d'autres, dans un document de la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF), avec la mention « dopage probable, passeport (biologique) suspect ».

Le contraste est d'ailleurs saisissant avec la légende du sprint Usain Bolt, qui mettra un terme à sa fabuleuse carrière à Londres et dont l'aura est intacte.

L'histoire édifiante de Mohamed Farah avait pourtant fait le miel de la presse, celle du gracile immigré somalien ayant réalisé le doublé 10.000/5000 m, le premier d'une série en cours de quatre, aux Jeux de Londres.

Farah symbolisait au plus haut degré l'intégration réussie. Il avait fui à huit ans son pays en guerre, via Djibouti, avec sa mère et deux de ses cinq frères et sœurs, pour rejoindre à Londres le chef de famille, Muktar.

Son talent athlétique, découvert par un enseignant d'éducation physique, Alan Watkinson, avait transformé la vie du gamin, confronté aux moqueries et insultes racistes, en success-story. On avait aussi insisté sur ses retrouvailles en Somalie avec son frère jumeau, douze ans après leur séparation.

Pourtant, malgré une moisson de neuf médailles d'or olympiques (4) et mondiales (5) en six ans, Farah n'a jamais gagné le titre de sportif britannique de l'année, décerné par la télévision publique BBC, finissant seulement troisième en 2011.

Pour afficher son mécontentement, Farah avait déjà refusé de parler à la presse avant le meeting de Londres, le 9 juillet dernier, où le quintuple champion du monde avait une fois encore dominé ses adversaires, cette fois sur 3000 m.

Il l'avait fait à sa manière, avec cette vitesse qui, dans le dernier tour, annihile toute poche de résistance à sa gloire.

« Rien ne peut me distraire de mes objectifs. Ce qui importe, c'est que la tête et les jambes soient en osmose », avait répété Farah après son succès.

« Jamais je ne raterai un test. Je cours année après année avec joie, et je ne peux pas faire plus pour que les gens soient fiers d'être britanniques. Et il ne faut pas vous inquiéter pour les autres "trucs" », avait-il ajouté.

Toujours favori

Malgré le contexte, Farah, âgé de 34 ans, aborde encore en favori le 10.000 m, seule finale vendredi de la soirée inaugurale des 16es Championnats du monde, sous les yeux de Lord Sebastian Coe, président de l'IAAF.

Farah tirera un trait définitif sur la piste après les meetings de Birmingham, le 20 août, et de Zurich, le 24 août, comptant pour la Ligue de Diamant. Ensuite il s'adonnera à temps plein aux épreuves sur route.

Kényans et Ethiopiens, que le Britannique a relégués au rang de comparses, veulent évidemment gâcher la fête des adieux.

« Cette fois, je ne veux pas me contenter de la médaille d'argent », a déclaré le Kényan Geoffrey Kipsang Kamworor. Double champion du monde de cross-country (2017/2015) et médaillé d'or aux Mondiaux de semi-marathon, l'éclectique Kamworor avait terminé deuxième du 10.000 m des Mondiaux de Pékin, en 2015.