PARIS (AP) - C'est en pleurs, avec une minerve autour du cou et toujours "traumatisée", qu'Eunice Barber, la double championne du monde de l'heptathlon et du saut en longueur, est revenue vendredi pour la première fois sur l'interpellation pour le moins musclée dont elle a été victime samedi aux alentours du Stade de France: coups, blessures, insultes se seraient succédés, selon l'athlète qui a bénéficié de sept jours d'arrêt de travail prescrits par un médecin hospitalier dimanche.

"Je veux témoigner par rapport aux inconnus qui se font arrêter et se font tabasser, massacrer. J'ai envie de dire 'stop', il faut arrêter", a déclaré l'athlète noire de 32 ans, originaire de Sierra-Leone.

"Ma bouche a saigné, je n'arrive plus à utiliser mon bras, je dois aller voir un médecin car j'ai une insensibilité des deux mains", a repris Barber, soutenue lors de sa conférence de presse, tenue au cabinet de son avocat, par Bernard Amsalem, le président de la Fédération française d'athlétisme, et par de nombreux athlètes, dont Christine Arron, la double médaillée de bronze sur 100 et 200m lors des derniers Mondiaux d'Helsinki.

"Cela ressemble plus à un passage à tabac qu'à une interpellation de simple police", a déclaré Bernard Amsalem. "Son agressivité, Eunice la garde pour la compétition. En dehors du stade, c'est une fille très sympathique, calme qui souhaite vivre normalement comme chaque citoyenne de ce pays".

"On a tapé sur son outil de travail, sur ses jambes, ses bras, ses mains", explique la Guadeloupéenne Christine Arron, pour expliquer la réplique de Barber, qui a reconnu avoir mordu les policiers.

"Je ne remets pas en cause le travail de la police qui est là pour nous protéger. Mais je pense qu'il y a une certaine catégorie de personnes représentant la loi qui sont racistes et qui ont beaucoup de haine en eux car ils travaillent dans des quartiers assez difficiles. Eux aussi subissent certainement des violences à des moments donnés, mais il y a une part des choses à faire et certains ne la font plus", a ajouté Arron.

Eunice Barber, à qui l'on reprocherait "une mise en danger délibérée de la personne d'autrui", des "violences volontaires" et un "refus d'obtempérer", selon son avocat, Me Emmanuel Daoud, a emprunté une rue apparemment barrée à proximité du Stade de France où se déroulait le Trophée Andros, une course automobile sur glace.

L'athlète, dont la langue maternelle est l'anglais, évoque un "malentendu". Le policier qui s'est précipité sur sa voiture l'aurait giflée quand elle a descendu la vitre. Elle explique avoir ensuite été précipitée au sol par plusieurs policiers, menottée, s'être fait marcher dessus, tirer les cheveux et menacée, y compris dans le fourgon qui l'a embarqué pour sa garde à vue. Au commissariat, attachée à un banc, Barber dit qu'elle a continué à être injuriée jusqu'au moment où les policiers ont appris son identité et enfin compris qu'ils faisaient face à une athlète d'exception.

"Ils sont alors devenus gentils", explique Eunice Barber.

Lors de son interpellation, le ton était tout autre, selon l'athlète naturalisée en 1999. "Une femme (policier) m'a dit, je ne sais pas si c'est raciste mais ça m'a touché au coeur: 'Tu crois qu'on fait ça en Afrique?"', à propos de sa fausse manoeuvre.

Des photos publiées vendredi par le journal "L'Equipe" montre quatre policiers casqués plaquant une personne à côté de la Volkswagen de l'athlète.

Eunice Barber a déposé plainte mercredi devant l'Inspection générale des services (IGS), la "police des polices".

Paniquée lors de son arrestation, elle admet avoir mordu un policier. "Je ne suis pas une voleuse. Les policiers continuaient à me tordre les mains, les bras qui sont mon outil de travail. Je me suis dit alors: 'Je ne vais jamais pouvoir relancer le poids et le javelot'. J'étais désespérée et j'ai mordu un policier", explique-t-elle. "Ils n'ont pas respecté mon corps. Je ne sais pas où j'en suis physiquement".

L'athlète, qui conduisait sa maman en compagnie de son neveu chez une amie coiffeuse, espère que seront cités "directement devant le tribunal correctionnel les gardiens de la paix, j'emploie le conditionnel, qui auraient manqué à la loi pénale", a ajouté son avocat.