J'entends encore les rires ou les gentilles petites moqueries. Oh, tu demeureras à Richmond pendant les Jeux Olympiques. Amuse-toi bien!

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J'entends encore les rires ou les gentilles petites moqueries. Oh, tu demeureras à Richmond pendant les Jeux Olympiques. Amuse-toi bien!

C'est que voyez-vous, la ville de Richmond, située à une quinzaine de minutes au sud de Vancouver, a longtemps gardé presque jalousement la réputation d'être un grand village de banlieue pour les retraités. C'est vrai que ce le fut déjà. J'ai vécu une année à Vancouver pour terminer mes études universitaires il y a près de 20 ans, et la blague la plus entendue était celle-ci : « Est-ce qu'on sort à Richmond ce soir ? » Ceux qui ne riaient pas étaient très mal vus ou probablement de nouveaux arrivants.

C'est donc avec une certaine appréhension que je me suis installé ici, dans mon petit hôtel, pour toute la durée des Jeux Olympiques. Tiens, ma voisine de chambre est Catriona Le May Doan, triple médaillée olympique en patinage de vitesse. Comme les règles de bon voisinage l'exigent, je la salue quotidiennement et, comme le veut le protocole populaire, je m'informe de sa santé. Après tout, nous travaillons côte à côte sur la tribune de presse. Très gentille la dame. Voyez comme je suis souriant sur la photo.

Je craignais que le temps soit affreusement long. Je savais heureusement que je n'avais qu'à m'absorber dans mon travail pour oublier qu'on roulait presque autrefois les trottoirs pour empêcher les jeunes de sortir.

Il ne m'aura fallu que quelques heures pour changer ma perception de Richmond. Quelques heures qui me démontrent effectivement que le temps est une lime qui travaille sans bruit.... et qui transforme tout. En fait, c'est plutôt Richmond qui a changé. Je ne reconnais que le nom des rues. La totalité des immeubles vieillots sont disparus et ont été remplacés par des condos de luxe ou de véritables palais présidentiels. Ici, les maisons de plusieurs millions de dollars ne sont pas rares, mon père dirait qu'elles sont presque pléthoriques. J'en ai photographié quelques-unes à mon arrivée pour rapidement me blaser de ce petit manège. Il y en a partout. Mais qui peut bien habiter là ?

La proximité de mon lieu de travail quotidien milite également en faveur de Richmond. Je travaille à l'anneau Olympiques pour y décrire les courses de patinage de vitesse sur longue piste en compagnie de Gaétan Boucher. Nous nous y rendons fidèlement à tous les jours en moins de dix minutes de marche. Qui peut en dire autant parmi mes autres collègues ? Pas besoin de navettes, de taxis ou de « sky train ». On part, pouf, nous y sommes déjà.

Et les montagnes. Ha, ces montagnes ! Elles sont si belles lorsqu'il fait soleil. Lorsqu'il pleut, on ne les voit pas ! Au grand désarroi des organisateurs de ces jeux, je les ai vues souvent. Juste hier, il faisait 15 degrés au soleil. Pas bon pour la neige ça. Gaétan et moi nous rendions à l'anneau de Richmond en passant sous les cerisiers en fleurs et les plates bandes de tulipes jaunes. De charmantes hollandaises distribuaient des mitaines orangées aux passants. J'en ai pris trois pour mes enfants. Quelle idée de donner des mitaines ici. Ils s'en servent peut-être pour tenir les plats chauds que l'on doit sortir du four. Et vous au Québec, ça fleurit les rocailles ?

Pourquoi je sais que Richmond est belle ? Parce que, je l'ai exploré. Voilà ! Non sur la banquette arrière d'un taxi avec un guide pakistanais parlant un semblant d'anglais ou dans un de ces petits groupes qui se forment devant la bibliothèque et qui visitent des coins intéressants comme l'église luthérienne, l'ancien bureau de poste ou la première buanderie chinoise. Non. Plutôt en courant.

Vous vous doutiez bien que j'allais vous parler de course à pied. Et bien c'est le moment. Pas au sujet des bienfaits de la course et l'importance de bouger pour votre santé. Si vous avez besoin de cette motivation, lisez la centaine de billets que j'ai écrits à ce sujet. Je tiens plutôt à vanter cet incroyable moyen de locomotion. Le plus beau qui soit. Le matin je me lève tôt et jette un coup d'œil sur ma carte de la ville. Où vais-je aller cette fois ? Et je pars, comme ça, à la découverte. Je vois ce qu'aucun circuit touristique ne montre. Les gens et leur vie. Cet homme qui tond sa pelouse. Je m'arrête presque. On est tout de même en février. Cette dame qui marche à reculons. Sans doute une technique de relaxation. Ce propriétaire qui gronde son chien. Il vient de faire ses besoins sur le terrain de l'église luthérienne.

Samedi dernier, j'ai couru une trentaine de kilomètres le long du fleuve. Je suis à la lettre mon plan d'entraînement de Team In Training. En tant que porte-parole j'essaie de donner l'exemple. Après tout, je ne veux pas avoir l'air fou aux marathons de Paris et d'Anchorage. Une piste en petit cailloux avec, tout le long du parcours, les canards, les bernaches, l'odeur saline de la mer engrossée par les vagues et les majestueuses montagnes. Partout, de l'espace pour courir. C'est loin d'être le cas présentement à Vancouver. Impensable de jogger au centre-ville tellement les rues sont follement bondées. Stanley Park ? Même chose. Trop de monde. On ne court pas, on slalome. Sorry, ‘scuse me, watch out ! Seul mon anglais s'améliore à Vancouver, pas ma forme.

Malheureusement, Gaétan ne court pas avec moi. C'est bien triste. Blessure à un genou qui le fait encore souffrir. Je me faisais une joie de courir avec ce grand olympien. Il n'a pas semblé impressionné outre mesure lorsque je lui ai parlé de mes courses quotidiennes. D'une voix calme et posée il m'a expliqué à quoi ressemblait son entraînement lors des années de compétitions alors qu'il remportait des médailles olympiques, celles qui auraient dû l'amener à participer à la cérémonie d'ouverture des Jeux de Vancouver (Un grand oublié).

Gaétan était reconnu pour sa rigueur à l'entraînement. En été, par exemple, il ne patinait pas mais avait un programme intensif qu'il suivait rigoureusement. À tous les jours, il se soumettait à deux séances d'entraînement et ne prenait qu'une seule journée de congé par mois. En octobre, il quittait pour l'Europe avec le reste de l'équipe. En 1981, à Grenoble, alors qu'il venait de compléter la dernière course du calendrier, il en avait surpris plusieurs en retournant sur la glace à la fin de la compétition. Il manquait quelques kilomètres de patin à son année pour atteindre la marque des 5000! Son meilleur temps pour un jogging de 10 kilomètres ? 33 :08. Et pour 20 kilomètres ? 1h17. Il a couru plusieurs marathons en entraînement mais est incapable de se souvenir de ses chronos. Pas important. Il a ses médailles.

J'aime Richmond pour un paquet d'autres raisons. Le Canada y gagne des médailles. C'était à prévoir en patinage de vitesse. Merci à Groves et à Nesbitt. Et l'aéroport est tout près. Ce sera plus rapide pour quitter et retourner à la maison. Car malgré tout l'amour que j'ai pour Richmond, il y a des personnes et des choses que je n'y retrouve pas et dont je m'ennuie terriblement.

Ma famille.