Ils ne montent jamais sur le podium, mais ils sont omniprésents derrière chaque médaille. Ils sont souvent, sinon toujours, dans l'ombre des athlètes qu'ils dirigent. Pourtant, sans le travail ach



Ils ne montent jamais sur le podium, mais ils sont omniprésents derrière chaque médaille. Ils sont souvent, sinon toujours, dans l'ombre des athlètes qu'ils dirigent. Pourtant, sans le travail acharné des entraîneurs, les athlètes qui montent sur les podiums de Vancouver et de Whistler n'auraient jamais goûté aux joies de la gloire olympique.

L'instant d'un texte, je veux les sortir de l'ombre, de l'anonymat. Je veux rendre hommage à ces super héros dont le travail est trop souvent oublié.

On pense souvent que derrière chaque médaille se cache beaucoup d'heures d'entraînement. Si ce n'était seulement cela, les entraîneurs mériteraient déjà notre admiration. Mais être un entraineur, c'est tellement, tellement plus qu'entraîner des athlètes...

« L'entraîneur est d'abord et avant tout un filtre pour l'athlète. Au cours des 15 dernières années, la technique du coaching a beaucoup évolué. Après des années d'essai et erreur, le coaching a été étudié en long et en large. Dans un monde sportif de plus en plus compétitif où chaque médaille est de plus en plus difficile à gagner, l'entraîneur est maintenant entouré d'une armée de supports : des psychologues, des biomécaniciens, des physiologistes, des médecins et entraîneurs physique. L'athlète ne peut être bombardé de toutes ces informations. C'est donc à l'entraîneur de filtrer, d'analyser, de synthétiser tout ce que recommandent les différents spécialistes pour l'athlète », déclare Christian Hrab, directeur haute performance de la Fédération canadienne de surf des neiges, également ancien olympien en surf des neiges et entraîneur-chef de l'équipe canadienne.

La stratégie des entraîneurs est simple. Il faut réduire ce qu'on appelle le « bruit » autour de l'athlète, question de lui permettre de rester concentré. On ne veut pas que l'athlète voit toujours ces spécialistes. Ça doit d'abord passer par l'entraîneur. « Les meilleurs entraineurs sont non seulement ceux qui protègent le mieux leurs athlètes, mais aussi ceux qui réussiront le mieux à filtrer et synthétiser ces informations », de poursuivre Christian Hrab.

Mais encore une fois, si l'entraîneur n'avait à s'occuper que de l'entraînement et d'être le « synthétiseur » officiel de tout le monde... Parce qu'encore une fois, ses tâches ne s'arrêtent pas là.

« L'entraîneur doit être capable de s'adapter à la réalité de chaque athlète. L'entraîneur a à sa charge plusieurs athlètes, il doit donc s'adapter à plusieurs réalités différentes parce que chaque athlète vit une réalité différente : habiletés différentes, métabolisme différent, personnalité différente. Et dieu sait que les athlètes de haut niveau ont tous une forte personnalité! L'entraîneur doit trouver un équilibre entre toutes ces variables et construire un programme d'entraînement conçu pour optimiser la performance de chaque athlète. »

« L'entraîneur doit aussi être un fin psychologue pour gérer la personnalité, justement, des athlètes. L'entraîneur doit parfois faire comprendre aux athlètes qu'il ne sert à rien de perdre ses énergies sur les éléments que l'on ne contrôle pas. Les huit ou neuf athlètes n'auront peut-être pas la même opinion sur la qualité de la nourriture servie à l'hôtel. Aussi, comme les budgets sont toujours limités, nous ne séjournons pas dans des hôtels 5 étoiles. Il nous arrive souvent de coucher sur des matelas de qualité médiocre dans un hôtel où l'insonorisation est inexistante. Quand tu vis dans tes valises et que tu es souvent sur le décalage horaire, ces éléments peuvent grandement nuire à ta préparation d'athlète. L'athlète sait que les conditions sont loin d'être optimales, mais l'entraîneur doit lui faire comprendre que les gains de l'endroit où nous nous trouvons sont plus importants (au beau milieu des Andes en été parce que la qualité de la neige est exceptionnelle) que les pertes reliées à l'hôtel et à la nourriture. »

Personnellement, j'aurais eu tendance à croire que les meilleurs athlètes des équipes nationales sont plus faciles à gérer pour les entraineurs. Mais Christian Hrab est loin d'être d'accord avec mon évaluation.

« Les meilleurs athlètes peuvent être particuliers à ce niveau. Parce que meilleurs ils sont, plus ils savent ce dont ils ont besoin pour optimiser leur performance, leur entraînement. On ne se le cachera pas, oui, le programme est conçu pour optimiser les performances de tout le monde, mais en même temps le programme est surtout conçu pour optimiser la performance des meilleurs athlètes de l'équipe. Les meilleurs, comme Jasey-Jay Anderson, connaissent parfaitement leurs routines de récupération de décalage horaire, leurs routines d'entraînement. Le jeune de 22 ans peut être déboussolé parce que nous sommes en Italie une semaine et en Norvège la semaine d'après. Peut-être qu'il estime que nous nous levons trop vite, que nous voyageons trop. Ça créé un déséquilibre et ça peut devenir difficile pour un coach de dealer avec le meilleur et la recrue. Chaque athlète doit comprendre les sacrifices qu'il doit faire pour le bien-être de l'équipe et de l'environnement. Le défi psychologique de l'entraîneur est de réussir à créer un esprit d'équipe dans le groupe, même si la planche est un sport individuel. »

La plupart d'entre nous mettons quelques jours à nous remettre d'un décalage horaire de deux ou trois heures, même si nous prenons l'avion une fois de temps en temps. Pendant la saison de la Coupe du monde, les athlètes peuvent passer plusieurs semaines, voire quelques mois dans leurs valises à se promener d'un continent à l'autre. Et quand ils débarquent de l'avion, c'est pour aller dévaler les pentes à des vitesses folles, être dans des situations où la concentration doit être optimale; les réflexes aiguisés. Dans la vie d'un athlète de haut niveau, la récupération est essentielle.

En dessinant un programme d'entraînement, l'entraîneur planifie des séances de récupération. Chaque programme comporte x nombre d'heures d'entraînement technique, x nombre d'heures en entraînement physique, x nombre d'heures en travail psychologique, x nombre d'heures de compétition et x nombre d'heures de récupération.

« Il faut prendre le temps de récupérer de l'effort physique, émotif et psychologique de la course ou de l'entraînement. Mais il faut aussi récupérer avant d'embarquer dans l'avion, endroit où tu ne dors pas bien, où tu ne manges pas bien, où tu ne respires pas bien. Et il faut récupérer en arrivant à ta prochaine destination. Idéalement il faut attendre deux jours avant de reprendre l'effort physique intense. Encore une fois, l'entraîneur doit savoir s'adapter parce que l'équation sera différente à chaque voyage. L'entraîneur doit contrôler l'intensité et le volume de l'entraînement par rapport à certaines prévisions: sommeil, fatigue accumulée, fatigue anticipée... le calcul ne sera pas le même si tu pars pour une semaine ou pour un mois. Tu calibres volume, intensité et timing, tu prends des notes et tu finis par trouver la solution parfaite», explique Christian Hrab.

Il existe plusieurs techniques pour arriver à l'optimisation de l'horaire. Encore une fois, chaque athlète aura sa routine personnelle. Mais la base est toujours la même. La chrono-nutrition et chrono-hydratation pour savoir quand et quoi manger et boire. La cryothérapie, alternance entre le chaud et le froid, pour améliorer la circulation sanguine et aider les muscles à se régénérer.

« Le gros du travail de l'entraîneur est de bien doser, selon les besoins individuels de chaque athlète pour arriver à un résultat optimal. Le modus operandi que l'on applique avec trois athlètes ne fonctionnera probablement pas avec trois autres athlètes. Encore une fois, l'entraîneur doit avoir une grande capacité d'adaptabilité. Pour certains athlètes, c'est le sommeil qui sera le plus important; pour d'autres, la cryothérapie; pour d'autres, l'alimentation. C'est celui qui sera capable de calibrer et doser le mieux possible ces 12 000 facteurs, qui sera capable de mieux l'expliquer et l'enseigner aux athlètes qui obtiendra les meilleurs résultats. »

« Être entraîneur est une science de plus en plus pointue. La séquence est la même partout dans le monde. Tous les entraineurs la connaissent. Reste à voir quel entraineur l'agencera le mieux. Comment arriver aux Jeux olympiques avec le meilleur équilibre physique, technique, psychologique, émotif, technologique? Le coach qui sera le meilleur à agencer le tout sera celui dont l'athlète gagnera la médaille d'or. C'est ça qu'on appelle The art of coaching. »

Cent pour cent d'accord avec cette dernière affirmation. Oui, c'est tout un art!