Je viens tout juste de terminer le demi-marathon de Miami. Au moment où j’écris ces lignes, assis au petit bureau de ma chambre d’hôtel, je sens les muscles de mes jambes se contracter. Ces mêmes muscles qui aimeraient beaucoup mieux être étirés et se faire dorloter plutôt que d’attendre que j’aie terminé mon texte. Mais je préfère écrire avant d’oublier cette belle aventure vécue en terre floridienne avec les participants de Team In Training du Québec.

J’en suis à un premier séjour à Miami. À mon arrivée, j’ai subi un petit (gros) choc thermique. Après des mois (novembre, décembre et janvier) à m’entraîner dans le froid au Québec, courir à Miami, où il fait si beau et chaud, n’est pas désagréable. Il faisait -31 (avec le vent) lors de ma dernière course d’entraînement au Québec, mais 26 degrés ici à Miami lors du départ de ma course (32 degrés avec facteur humidex). Le mercure grimpera même jusqu‘à 29 degrés (38 humidex) à la toute fin. Grosse différence!

Récit de ma course

Le marathon et demi-marathon de Miami est un immense événement aux États-Unis. Il s’agissait de la douzième édition. Cette journée de course est devenue un incontournable pour les coureurs qui sont à la recherche d’un parcours agréable, inspirant et rapide. Plusieurs Canadiens ou Américains du nord des États-Unis s’y donnent rendez-vous pour oublier le froid pendant quelques jours. C’est mon cas et j’avoue que de voir tous ces palmiers bordant les rues me réchauffe déjà un peu. Je croise même quelques coureurs québécois que je prends le temps de saluer.

Selon les organisateurs, le quart des coureurs viennent de l’extérieur des États-Unis. Un simple coup d’œil aux participants suffit pour s’en convaincre. L’événement de Miami se vante d’être le seul à apposer le drapeau du pays de son propriétaire à côté de son numéro de dossard et de son nom. Une première qui risque d’être copiée par d’autres grands marathons de la planète. J’ai ainsi pu identifier des Colombiens, des Français, des Mexicains et des Brésiliens en quelques minutes.



Il est 4h45 du matin et déjà des milliers de coureurs sont massés dans la pénombre près des différents enclos de départ sur Biscayne Boulevard, tout près du American Airlines Arena. C’est le domicile du Heat dans la NBA. En levant les yeux, j’aperçois les nombreux gratte-ciels du centre-ville. On dirait des géants. Ils sont tous illuminés et une musique tonitruante sort des haut-parleurs disséminés un peu partout. J‘ai déjà chaud et suis un peu inquiet. Je devrai de toute évidence courir plus lentement que ce que j‘avais prévu (1h40) si je veux terminer avec un sourire sur le visage.

En tout, 25 000 participants sont inscrits aux différentes courses tenues dans le cadre de la fin de semaine. Je suis dans le troisième enclos. La direction de la course affiche un panneau jaune pour indiquer que la course se déroulera dans des conditions de chaleur et demande aux coureurs de revoir leurs vitesses. Moi qui déteste courir lorsqu‘il fait chaud, ça commence bien! À 6h15 précisément, alors que le soleil n’est pas encore levé, le départ est donné aux coureurs du premier enclos où se retrouve l’élite. J‘amorce ma course trois petites minutes plus tard.

Comme toujours, le premier kilomètre est le plus périlleux. Les coureurs tentent de trouver leur rythme et de se créer de l’espace. Il n’est pas rare d’en voir chuter au sol. Pour ma part, j’essaie de slalomer entre les coureurs plus lents que moi. J’avoue que je fixe le sol sur les deux premiers kilomètres pour ne prendre aucune chance. Lorsque je lève enfin les yeux, le spectacle qui s’offre à moi est extraordinaire.



Je suis sur MacArthur Causeway, une route qui traverse la baie de Biscayne en direction de South Beach. Le soleil commence enfin à se lever sur l’océan et le ciel s’emplit de couleurs qui me permettent de voir tous les immenses bateaux de croisières amarrés dans le port. Je me retourne pour la première fois pour prendre la mesure du long cordon de coureurs qui s’étire déjà. Mon rythme est bon et je cours avec facilité. Je suis à cinq minutes par kilomètre. Je me retiens pour ne pas aller trop rapidement.

Vers le huitième kilomètre, je suis sur Ocean Drive, à Miami Beach. Le soleil commence à taper fort et il n‘y a plus de vent. Je commence à avoir très chaud. Je prends bien soin de boire à chaque point d‘eau et utilise un gel d‘énergie. À ma droite, les célèbres plages aperçues dans tellement de films et où de nombreux vacanciers se retrouvent pour la baignade. Il est 7h du matin et de jeunes fêtards richement vêtus qui terminent leurs nuits dans les bars jettent un coup d‘œil intrigué aux coureurs. Deux mondes aux antipodes!

Des petits problèmes!

C‘est au dixième kilomètre que le doute s‘installe en moi. Je suis épuisé mais n‘ai pas encore la moitié de la distance de complétée. J‘essaie de demeurer calme, mais je peine à garder mon rythme. Je pense aux 650 kilomètres courus en entraînement lors des dix dernières semaines dans le froid et me convaincs que je n‘ai pas fait cela pour rien.

Pourtant, tout mon corps semble me faire signe d‘arrêter. Je commence à y songer sérieusement. Vais-je marcher? Ça ne m‘est jamais arrivé! Le soleil est omniprésent, je sue à grosses gouttes et je continue de ralentir.

J‘essaie tous les trucs du métier pour demeurer motivé. Je pense à ma famille, aux personnes malades pour qui je cours, à des amis qui ont vécu des courses difficiles ou à l‘air climatisé de ma chambre d‘hôtel! Mais ça ne fonctionne pas.

J‘ai déjà écrit plusieurs textes sur les coups de chaleur sur mon blogue et je réalise que je suis en train d‘en vivre un si je n‘agis pas. J‘arrive à un point d‘eau et, sans m‘arrêter de courir, m‘empare de trois verres d‘eau que je me verse sur la tête. Seul petit hic, c‘est du Gatorade! J‘en ai dans les yeux et n‘ai rien pour les essuyer.



Je ralentis mon rythme à 5:20 du kilomètre. Je suis sur le Venetian Causeway au 15e kilomètre. Une longue route qui traverse la baie et qui ramène les coureurs vers le centre-ville. Il s‘agit en fait de nombreux ponts qui relient des petites îles. Chaque montée, même si elle n‘est pas élevée, est souffrante.

C‘est au 17e kilomètre que je réalise que je serai capable de terminer sans devoir marcher. Des spectateurs sont massés le long du parcours pour nous encourager. Plusieurs scandent mon nom. Je lis dans leur regard une certaine inquiétude. Je crois que j‘ai l‘air vraiment épuisé!

Pourtant, je continue et essaie même de sourire lorsque j‘aperçois un photographe qui pointe son appareil dans ma direction. Un tableau électronique située sur le terrain d‘une station-service indique qu‘il fait 98 degrés Fahrenheit avec l‘humidité. Malgré ma fatigue totale et entière, je comprends que ce tableau me confirme ce que je ressens. Il fait vraiment très chaud.

Il ne me reste plus qu’un seul kilomètre avant le fil d’arrivée. Alors que je parcours les derniers mètres de ma course, je crie bonne chance aux marathoniens qui n’en sont qu’à la moitié de leur épreuve et qui doivent continuer vers Coconut Grove pour un autre 21,1 kilomètres. Plusieurs me regardent avec envie terminer mon jogging. Pour rien au monde je ne continuerais avec eux. Ce sera pour une autre fois!

Puis, quelque chose de particulier se produit. Un coureur parlant espagnol, un Mexicain je crois, s‘approche de moi et crie mon nom pour me motiver. Il me donne même une légère tape dans le dos. Je le trouve très sympathique et le remercie. Il court sur 200 mètres avec moi en continuant de crier mon nom et de nombreux “let‘s go!” avant de s‘effondrer à 100 mètres du fil d‘arrivée. Il est immédiatement pris en charge par des secouristes. Il n‘aura pas l‘occasion de terminer son demi-marathon. Bizarre comme situation.

L’arrivée d’un événement majeur comme celui de Miami est toujours mon moment favori. Celui dont je me souviendrai encore des années plus tard. Il n’y a aucune façon d’expliquer ce que je ressens lorsque j’entends les clameurs de la foule qui encourage les coureurs qui terminent leurs courses à Bayfront Park. C’est un sentiment de joie et de bonheur total. Je termine enfin.

Je franchis le fil d‘arrivée en 1h51 complètement vidé. Je termine en 1442e position sur 15433 participants. Je vois de nombreux coureurs mal en point autour de moi. Je n‘étais pas le seul à avoir trouvé cette course difficile. En douze années d‘existence, il s‘agissait des températures les plus chaudes enregistrées à Miami le matin de la course.



Dans mon cas, il s‘agit de mon pire chrono sur un demi-marathon. Néanmoins, j‘éprouve un immense sentiment de réussite. J‘ai l‘impression d‘avoir vaincu une armée. Et la magnifique médaille qu‘on me place au cou est mon ultime récompense.

-



Les derniers mots de mon texte seront pour la belle équipe québécoise du programme Team In Training. J’ai le privilège d’être le porte-parole de cette organisation depuis un peu plus de quatre ans. Il s’agissait de mon huitième voyage avec eux. Après San Francisco, San Diego, Alaska, Hawaï, Paris, Édimbourg et Rome, le voyage à Miami fut une autre grande réussite.

Tout au long de ma course, j’ai pensé aux participants inscrits aux différentes destinations offertes par TNT de même qu’aux dirigeants, entraîneurs et mentors responsables de leur succès. Isabelle Lalonde était la “coach” québécoise ici en fin de semaine. Ils travaillent tous tellement fort pour faire une différence.



L’argent amassé par des participants de chez nous comme Christophe, Marie-Ève et Valerie aidera la Société de leucémie et lymphome du Canada a remplir sa mission de guérir la leucémie, le lymphome, la maladie de Hodgkin et le myélome en plus d’améliorer la qualité de vie des patients et de leurs familles. En tout, 81 participants de Team in Training des différents chapitres d‘Amérique avaient complété une levée de fond ici à Miami ce qui a permis d‘amasser 135 000 dollars pour la SLLC.

Si, comme eux, vous souhaitez marcher ou courir pour sauver des vies un pas à la fois, n’hésitez surtout pas à vous informer sur le programme de Team in Training. Je vous garantis que vous ne le regretterez pas. Préparez-vous à vivre l’expérience d’une vie.

Pour tout de suite, je vais aller prendre une bonne douche et m’étirer un peu. J’irai ensuite prendre une petite marche au soleil et à la chaleur avant de trouver un endroit pour regarder le Super Bowl avec les participants. Nous en profiterons également pour célébrer le succès des participants de TNT. Le retour à Montréal est pour demain. Déjà.

J’ai l’impression que je vivrai un nouveau choc thermique!