Le patinage de vitesse courte piste vient de se découvrir une belle-mère. C'est le terme qu'on utilise en politique quand les anciens chefs reviennent dans l'actualité pour donner leur avis sur ce qui se passe dans leur parti. C'est ce qu'a fait l'ex-patineur et quintuple médaillé olympique, Marc Gagnon vendredi dernier dans la Presse et en début de semaine dans les studios de RDS.

Ceux qui sont visés par les propos de Gagnon lui reprochent de ne pas être sur place et de parler à travers son chapeau. En prenant connaissance des propos de Gagnon, j'ai tout de suite pensé à Guy Lafleur qui commente souvent ce qui passe chez le Canadien. Bien qu'il ne soit plus dans le quotidien des joueurs, ses propos font souvent état de ce que plusieurs pensent déjà. Pour tout vous dire, Marc Gagnon n'est pas le seul à se poser des questions.

En étalant son ras-le-bol à la suite des performances en dents de scie des patineurs canadiens aux championnats du monde individuels, Marc Gagnon a lancé un gros caillou dans une bulle de verre. Gagnon s'en prend à la structure qui, selon lui, n'exploite pas au maximum le potentiel des patineurs. Dans le cas présent, les entraîneurs de l'équipe nationale ainsi que ses dirigeants sont au cœur de ces attaques.

Pour comprendre le présent, faisons un bref retour en arrière.

À l'aube de la saison postolympique 2006-2007, Patinage de Vitesse Canada décide de faire maison nette en ne renouvelant pas le contrat de l'entraîneur-chef. Guy Thibault écope après huit ans dans le programme canadien. «Guy ne cadrait plus dans la nouvelle structure que nous voulions nous donner», avait déclaré à l'époque le patron de Patinage de Vitesse Canada, Jean Dupré.

On décide alors d'amener de nouvelles personnes à la tête du programme courte piste. Yves Hamelin est nommé directeur haute performance. Pour remplacer les entraîneurs, on nomme Derrick Campbell à la tête des patineurs masculins et Martin Gagné pour les filles. Campbell, médaillé olympique en courte piste, en est alors à ses premières armes comme entraîneur de l'équipe nationale alors que Gagné occupait le poste d'adjoint depuis plusieurs années sous la gouverne de Guy Thibault. On ajoute également un entraîneur coréen, Jae Su Chun, spécialiste de la technique et qui se trouvait avec l'équipe nationale de Corée.

Au moment du réaménagement Jean Dupré déclarait ceci au confrère Alain Bergeron du Journal de Québec: «Si tu gardes le statu quo, tu n'avances pas. Nous formons l'une des fédérations par excellence au pays, ce n'est pas pour rien. C'est parce qu'on se réinvente toujours. Les décisions n'ont pas été prises pour réveiller, mais pour réaligner.»

Trois ans plus tard et à moins d'un an des Jeux olympiques, c'est justement le statu quo que Marc Gagnon dénonce.

Qu'est devenu Guy Thibault? Il est maintenant à la tête de l'équipe américaine de patinage de vitesse. Laurent Daigneault l'a rejoint chez nos voisins du Sud. Daigneault était très apprécié des athlètes. Aux dires de ceux-ci, personne ne peut préparer les lames de patins comme le fait Daigneault. Et Jae Su Chun? Il a quitté le bateau canadien après un an pour aller rejoindre Thibault et Daigneault aux États-Unis.

Rappelez-vous. Le Comité olympique canadien a mis la barre bien haute en voulant terminer au premier rang du classement des médailles. Le patinage de vitesse courte piste est ciblé pour décrocher plusieurs médailles (6). En fait, il figure en tête de liste.

Pour atteindre cet objectif, PVC a reçu beaucoup de $$$ via le programme « À nous le podium ». Ce programme vise à offrir des ressources supplémentaires et des programmes sportifs de haut niveau aux athlètes et entraîneurs canadiens et au personnel de soutien, afin de les aider à gravir les marches du podium, en 2010.

La pression est donc énorme sur les dirigeants, les entraîneurs et les athlètes. C'est en fait, une préoccupation quotidienne. Les patrons auront des comptes à rendre après les Jeux olympiques si les résultats ne sont pas au rendez-vous.

La prestation des athlètes canadiens lors des derniers championnats du monde a de quoi susciter des interrogations. Quatre médailles dans des disciplines olympiques sur un objectif de six. Au sein même de l'équipe, on reconnaît qu'on peut faire mieux.

En fait, qui ne se remet pas en question? On le fait tous, un jour ou l'autre.

Rencontré lundi, Yves Hamelin me disait qu'après chaque compétition, les entraîneurs et lui-même se réunissent afin d'établir un post-mortem. Il a également été clair. Personne ne s'est réjoui des résultats en Autriche. Mais de l'autre côté, on ne se montre pas aussi alarmiste que Marc Gagnon. Il n'y pas péril en la demeure et il reste suffisamment de temps pour améliorer le portrait global.

Point de vue des athlètes

Bien que Marc Gagnon ne vise pas les athlètes, les patineurs canadiens ont vivement réagi à leur retour au pays lundi. Que ce soit Charles Hamelin, François-Louis Tremblay, Kalyna Roberge, Anne Maltais ou Marc-André Monette, tous ont déploré la sortie de Gagnon. Mais surtout, les patineurs ont réitéré leur profession de foi envers leur entraîneur Derrick Campbell, une des cibles de Gagnon.

En entrevue, Campbell me disait que Gagnon se basait seulement sur les résultats des mondiaux et qu'il fallait aller plus loin pour avoir une véritable évaluation. Campbell est un ex-coéquipier de Gagnon. Les deux ont remporté l'or au relais à Nagano en 1998.

Parmi tous les athlètes rencontrés, seul Charles Hamelin a laissé sous-entendre que les résultats en Autriche auraient pu être meilleurs. Rien toutefois en lien avec le travail des entraîneurs. Les aléas du courte piste (chute, disqualifications) sont plutôt en cause selon Charles.

Yves Hamelin n'achète toutefois pas cette théorie. « Les chutes et les disqualifications font partie du sport. Il faudra ajuster nos stratégies de course.»

Et les filles…

Pour atteindre les objectifs fixés aux Jeux olympiques, l'équipe féminine devra contribuer. Lors de trois des six Coupes du monde de la saison, les patineuses canadiennes sont revenues bredouilles lors des épreuves individuelles. Certes, Kalyna Roberge se remettait d'une blessure et Amanda Overland a raté toute la saison en raison d'une blessure. La pression sera tout de même forte l'an prochain.

Pendant ce temps, l'entraîneur de l'équipe féminine, Martin Gagné, n'a pas accompagné ses athlètes aux championnats du monde individuels et par équipe. Les informations obtenues parlent de dissension au sein de l'équipe. Pour l'instant, c'est Sébastien Cros, arrivé au sein de l'équipe en 2008, qui prendra la relève. Chez PVC, on ne sait toujours pas quand Martin Gagné reviendra dans le giron de l'équipe.

L'examen final à Vancouver

Il est surprenant de constater combien la situation actuelle du Canadien de Montréal et de PVC ont quelques points en commun.

Le Canadien vient au terme de son plan quinquennal cette année avec comme objectif de remporter la coupe Stanley.

PVC terminera en 2010, la quatrième et dernière année de son plan visant à récolter le plus de médailles possible aux Jeux olympiques de Vancouver.

Dans les deux cas, quelques questions subsistent. On croyait, au départ, avoir mis en place les bonnes personnes. De l'extérieur, certains observateurs en doutent.

Dans les deux cas, il y a encore du temps pour atteindre les objectifs .

C'est seulement sur cette base que tout ce beau monde pourra être jugé.