Mise à jour le 5 mai - "J'évalue mes chances de revenir avec le programme courte piste à 50%". Au bout du fil, Yves Hamelin est réaliste. Il ne sait toujours pas s'il sera de retour à titre de directeur du programme canadien de patinage de vitesse courte piste.

Pourtant, ses athlètes ont connu du succès aux Jeux de Vancouver avec une récolte de cinq médailles. Certes, l'objectif était de six médailles, mais les résultats ont été évalués de façon positive par la haute direction de Patinage de vitesse Canada.

Une évaluation post-olympique a été faite. Une évaluation sur les résultats, mais aussi sur le travail effectué au cours de ce cycle olympique de quatre ans qui a mené aux succès de Vancouver. "On a reçu une évaluation très positive, de dire Hamelin. Mais il y a une grosse ombre au tableau", ajoute-t-il.

Cette ombre, c'est l'apparence constante de conflit d'intérêt avec laquelle conjugue Yves Hamelin depuis 2006. Deux de ses fils, Charles et François, sont membres de l'équipe nationale. Cette équipe qui est sous la gouverne de papa Yves. Une apparence de conflit d'intérêts aussi évidente qu'un éléphant dans un couloir.

Faut dire que cette situation a été très bien gérée au fil des ans. Oui, il y a eu des frictions, des doutes sur des décisions prises mais vu de l'extérieur, ces décisions ont été prises en fonction du mérite.

Par exemple, trois décisions ont été portées en appel par des patineurs. Deux à la suite de la sélection olympique et une pour les championnats du monde qui se sont déroulés après les Jeux de Vancouver. Chaque fois, parmi les points soulevés dans ces contestations : l'apparence de conflit d'intérêt.

Ces appels sont débattus par un comité haute performance formé de dix membres. Yves Hamelin est l'un d'eux. Lorsqu'une décision implique un de ses fils, il se retire. Les neuf autres membres étudient donc l'appel.

Malgré tout ce processus, cette apparence de conflit d'intérêts semble peser lourd aux yeux du conseil d'administration de PVC. Charles et François vont amorcer un autre cycle de quatre ans en vue des Jeux de Sotchi en 2014 et si Yves demeure en poste pour ce cycle, il y aura toujours cette apparence de conflit d'intérêts.

"Je savais dès mon embauche en 2006 que c'était un enjeu. J'ai tout fait pour que tout se passe bien et je crois que j'ai réussi. C'est hors de mon contrôle présentement. Je dois me concentrer à bien continuer mon travail", de dire Hamelin.

Son contrat viendra à échéance en juin. Il s'attend à recevoir une réponse pour la suite des choses le 5 ou le 6 juin.

"Je suis fier de ce que j'ai accompli au fil des ans et de la structure mise en place. Idéalement, j'aimerais pouvoir finaliser le travail amorcé. Le travail de développement de nos athlètes depuis quatre ans qui risque de bien faire à Sotchi. Si je ne reviens pas, il faudrait tout recommencer avec une nouvelle équipe", mentionne Yves, un brin résigné.

Pas question de s'installer à Calgary

Une des options qui s'offrait à Yves Hamelin était un poste de directeur haute performance du programme longue piste au centre national… de Calgary. Faut savoir que la conjointe d'Yves demeure à Calgary.

"Je n'ai pas soumis ma candidature pour ce poste. Mon domaine c'est le courte piste et puis je me serais encore retrouvé en conflit d'intérêt parce que la fille de ma conjointe se retrouve dans l'équipe de développement en longue piste", explique-t-il.

Si Patinage de vitesse Canada ne devait pas renouveler le contrat d'Yves Hamelin en juin prochain, le principal intéressé tournerait la page, non sans un pincement au cœur.

Au-delà de cette apparence de conflit d'intérêt qui sert à nourrir les frustrations de certains individus, Yves Hamelin aura vécu de grands moments comme père.

J'étais aux côtés de Yves à Vancouver lorsqu'il a essuyé une larme versée en voyant son ainé, Charles, monter sur la plus haute marche du podium. Un rare moment d'émotion. Yves ne voulait pas démontrer d'émotions lors de la réussite de ses fistons. On avait beau tenter de lui soutirer une déclaration "émotive" sur ses fils, Yves demeurait neutre, pas un mot plus haute que l'autre. En fait, il était parfois plus enthousiaste pour les autres athlètes.

Je suis moi-même père de deux garçons et je n'ose même pas imaginer comment tout cela pouvait être difficile à vivre. Mais il savait dans quelle galère il s'embarquait en acceptant le poste de directeur du programme courte piste. Un poste qui pourrait bien lui échapper après quatre ans d'une belle aventure.

Réactions de Francois Hamelin

Si Yves Hamelin a réussi à conjuguer toute cette situation pendant quatre ans, François Hamelin a trouvé la situation quelque peu difficile. Pas facile de prouver aux autres que l'on mérite sa place quand, à la moindre petite décision, certains brandissent le favoritisme. À tort, par-dessus le marché. Qui a été le meilleur patineur canadien au championnat du monde après les Jeux Olympiques? François Hamelin.

"Si Yves n'est pas de retour avec nous, je serai déçu pour lui. C'est mon père et ça m'inquièterait de le voir sans emploi", de dire Francois qui a remporté l'or au relais à Vancouver.

"D'un point de vue d'athlète, je trouve qu'il a fait une sapré bonne job. Il a bien piloté les projets comme celui de l'aréna Maurice-Richard et de bien se préparer à profiter de l'avantage de la glace. Il a tout fait pour l'équipe, les autres athlètes pourraient te le dire", ajoute-t-il.

Réactions de PVC

La présidente du conseil d'administration de Patinage de vitesse Canada, Marie-Claire Rouleau, a quelque peu sursauté en lisant ces lignes. « Je suis désolé que Yves se soit senti menacé. Je vais communiquer avec lui pour le rassurer. Il a fait de l'excellent travail au cours des 4 dernières années », précise-t-elle d'entrée. « On va mettre les choses au clair avec Yves, soyez certain. », ajoute madame Rouleau.

En ce qui concerne l'apparence de conflit d'intérêt, Mme Rouleau ne joue pas à l'autruche. « C'est certain qu'on ne peut pas faire semblant. Des mécanismes ont été établis au cours des dernières années afin de faciliter cette situation. Peut-être devront nous en ajouter dans les années à venir. », se questionne-t-elle.

La décision de garder ou non Yves Hamelin dans son poste reviendra au directeur-général. Or, le d-g en poste, Jean Dupré, quitte ses fonctions pour un poste au sein du Comité Olympique Canadien. Une personne a été nommée de façon intérimaire (Rose Mercier) et le nouveau d-g devrait entrer en fonction dans les prochains mois.

Le contrat d'Yves Hamelin vient à échéance en juin, Actuellement, c'est le comité haute performance qui a analysé le travail des employés du volet « sportif » de PVC. Chacun des athlètes a été rencontré individuellement et c'est à ce moment que certains ont évoqué l'aspect du conflit d'intérêt.

« Personnellement, je ne vois pas d'urgence dans le cas de Yves. Une des options pourraient être de prolonger son contrat de quelques mois le temps que le nouveau directeur-général soit en poste. Mais rien n'a été encore décidé », ajoute Mme Rouleau.