Il y a d’abord eu cet homme, Elisha Nochomovitz, qui a couru un marathon sur son balcon de sept mètres (23 pieds)  le 21 mars dernier dans la région de Toulouse, en France. Il voulait rendre hommage au personnel soignant qui était en première ligne de la bataille contre la COVID-19. 

 

Faites un calcul rapide, courir un marathon sans jamais quitter son balcon de sept mètres ça représente plus de 6 000 allers-retours. Son chrono final : 6 h 48. 

 

Nochomovitz s’était inspiré d’athlètes en confinement qui couraient en rond dans leurs appartements à Wuhan, en Chine, ou encore de cyclistes professionnels qui gardaient la forme dans leurs chambres d’hôtel. 

 

Cela a fait des petits. Après avoir découvert qu’un chinois avait couru 50 kilomètres dans son salon, l’Américain Gareth Allen, 47 ans,  s’est lancé le défi de courir un marathon dans la cour arrière de sa résidence. L’aspect social de la course à pied lui manquait. Il a donc décidé de diffuser en direct sa course du 14 avril sur sa page Facebook. 

 

À ce jour (18 avril) la vidéo de ses 1 066 tours de terrain a été vue par près de 500 000 personnes. 

 

Dessin Fred PlanteÇa m’a donné le goût de courir sur mon petit terrain de la Rive-Sud  montréalaise et de me lancer ce genre de défi. Pas un marathon. Non! Trop long. Mais pourquoi ne pas y aller pour un 10 km?

 

J’ai donc soigneusement mesuré mon parcours. Je tenais à ce que ma boucle soit la plus longue possible. Pas évident sur un terrain d’à peine 7 000 pieds carrés. 

 

Je vous ai fait un plan approximatif (ne jugez pas mon talent) pour vous expliquer. Ainsi, j’allais prendre le départ près du lilas sur le terrain arrière avant de franchir la porte de la clôture à la droite de ma maison pour me diriger vers l’avant. Une fois là, j’allais longer au maximum les limites du terrain de devant en suivant la bordure et en évitant de déposer un pied dans la rue puis revenir vers l’arrivée en empruntant une autre porte dans la clôture, celle de gauche. Vous me suivez? (Référez-vous à mon superbe dessin).

 

De retour dans la cour arrière, rien de compliqué, j’empruntais une bande gazonnée entre la piscine et la clôture avant de passer derrière mon cabanon pour revenir vers le lilas. À mon grand étonnement, et après quelques subtiles modifications, ce tracé mesurait exactement 100 mètres. Ça allait faciliter le calcul. 

 

J’avais donc besoin de compléter 100 fois cette boucle pour accomplir mon dix kilomètres. Je me voyais déjà terminer en triomphe devant le regard admiratif de ma femme et mes trois enfants. 

 

Seulement voilà, c’était d’avantage un regard de suspicion et de questionnement qu’ils me lançaient alors que je me préparais pour le départ. Quoi? J’allais courir en rond une centaine de fois autour de la maison? Étais-je tombé sur la tête? 

 

Frédéric PlanteJe n’y voyais pourtant que du positif. Personne ne pourrait m’accuser de répandre le virus (les coureurs sont suspects ces temps-ci), j’aurais facilement accès à du ravitaillement et j’expérimenterais quelquechose de nouveau pour le plus grand plaisir de mes lecteurs. 

 

Une expérience difficile 

 

Alors je me suis lancé. J’étais positif au maximum et excité par cette nouveauté sportive. Comment ça s’est passé? Bof, disons que j’ai rapidement constaté plusieurs choses.  

 

Premier constat, impossible de conserver une vitesse régulière. Mon terrain n’est pas plat et les nombreux virages me freinaient constamment. J’avais imaginé adopter un rythme prudent de 5:00/km, mais c’était impensable. Et une branche de mon lilas m’obligeait à me pencher à chaque passage. Au regard de ma femme, je comprenais que je ne devais même pas penser à la couper! 

 

Frédéric PlanteDeuxième constat, la monotonie s’installe très très vite. Dès mon cinquième tour je commençais à trouver que le décor n’évoluait pas beaucoup. Je m’ennuyait sérieusement d’une belle longue ligne droite.

 

Troisième constat, j’aurais dû laisser mon chien dans la maison! À chaque passage sur le terrain arrière, ma petite Mila pensais que je voulais jouer et me sautait dans les jambes! J’ai bien essayé de dire à mes enfants de la rentrer à l’intérieur, mais ils n’étaient plus là, probablement déjà blasés (ou découragés) de voir leur père tourner en rond. 

 

Quatrième constat, plus les tours s’accumulaient, plus j’endommageais sérieusement ma pelouse jaune qui sortait de son hibernation. Moi qui investis une petite fortune a chaque été pour l’entretenir, j’étais littéralement en train de transformer cette surface gazonnée en un sentier boueux. 

 

Frédéric PlanteEnfin, dernier constat, j’aurais probablement dû prévenir mes voisins de mon expérience. Certains étaient aux fenêtres pour m’observer alors que des passants (nombreux à prendre une marche pendant la pandémie) me dévisageaient avec perplexité. C’était, je l’avoue, gênant. 

 

Après six tours j’ai revu mes idées de grandeur. Ce serait un 5 km finalement. Mais à la fin de ma dixième boucle, j’ai arrêté! Je venais à peine de terminer mon premier kilomètre. La tête me tournait et c’était franchement ennuyant. 

 

C’est ainsi que s’est terminé mon expérience de course en milieu restreint. Si j’ai à le refaire, ce sera sur un plus grand terrain ou lorsque je n’aurai d’autres choix, comme ce Français, ce Chinois ou cet Américain. 

 

Entre-temps, tant que le gouvernement ne l’interdit pas, je continue de garder la forme en courant dans les rues de mon quartier. Vive les lignes droites! 

 

Bonne course à tous!