Laissons de côté toutes ces histoires de dopages qui polluent l'athlétisme depuis des semaines et revenons à l'essentiel. Revenons au plaisir même que doit représenter la course à pied, à ce sourire qu'elle nous accroche au visage lorsque la foulée est bien installée et que le souffle est bon. À ce bonheur qu'on ressent de courir seul ou en groupe et de découvrir des paysages nouveaux au détour d'une piste ou d'une route encore jamais empruntée.

Il y a eu cette semaine une course à relais absolument extraordinaire à Chamonix, en France. Sa qualité première résidait dans la quintessence même de la course à pied. Le plaisir d'être en forme par le dépassement avec l'objectif de découvrir de nouveaux horizons.

Cette course à relais, Asics Beat the Sun, comptait huit équipes composées d'autant de coureurs. Leur défi : vaincre le soleil.

Asics Beat the SunEn effet, en plus d'être opposées les unes aux autres, ces équipes devaient couvrir un parcours aux sections accidentées, classiques et techniques de 150 kilomètres autour du Mont-Blanc entre le lever du soleil et son coucher, soit très exactement 15 heures 41 minutes et 35 secondes. C'était le 21 juin, jour le plus long de l'année. Chaque coureur se voyait attribuer deux portions du relais sur des distances variables au dénivelé changeant (8380 mètres de dénivelé positif)! À certains endroits, plus de deux mètres de neige recouvrait le sol.

Comme si vaincre le soleil n'était déjà pas suffisamment une idée originale, l'autre particularité de cette compétition résidait dans la formation des équipes. À ma connaissance, c'est une des très rares courses de cette importance à mettre en contact des coureurs amateurs et professionnels de partout sur la planète.

Ces amateurs furent sélectionnés à la suite d'un long processus qui avait vu plus de 30 000 coureurs à travers le monde soumettre leurs candidatures. Si au départ il s'agissait de remplir un simple formulaire, la suite devenait plus sérieuse lorsque Asics choisissait les demi-finalistes, puis finalistes, en se basant sur différents critères de forme physique et de motivation. La sélection finale des 24 coureurs amateurs qui rejoindraient les 24 professionnels selon leurs répartitions géographiques était le résultat d'un vote sur internet auquel le public était invité à participer. Les heureux élus étaient ensuite soumis à deux mois d'entraînements spécifiques sous l'égide d'entraîneurs spécialisés.

Asics Beat the SunL'Europe était le continent le mieux représenté avec trois équipes (Nord, Centrale et Sud). L'Amérique pouvait compter sur deux équipes (1 et 2) alors que l'Afrique, l'Océanie et l'Asie avaient une équipe chacune.

Des coureurs élites de gros calibre avaient accepté de participer à cette compétition hors normes. À titre d'exemple, les anciens athlètes olympiques américains Ryan Hall et Deena Kastor, véritables stars de la course à pied, portaient les couleurs de l'Amérique. Hall est le détenteur du record américain au marathon (2 h 05) tout comme Kastor chez les femmes (2 h 19), elle qui avait, entre autres, remporté la médaille de bronze du marathon des Jeux olympiques de 2004 en Grèce. Et que dire de l'Europe qui pouvait compter sur le multiple médaillé olympique et champion de monde de patinage de vitesse, le Néerlandais Erben Wennemars. Un gars en forme!

Asics Beat the SunPersonnellement, j'ai suivi avec un grand intérêt cette épopée contre le soleil sur le site Internet officiel en raison de la présence du Québécois David Le Porho, meilleur marathonien de la province et qui a réalisé en décembre dernier, en Californie, le chrono le plus rapide des 15 dernières années par un coureur québécois sur cette distance (2h19). Le Porho, également double champion du monde de course en raquettes, en était à une deuxième participation à Asics Beat the Sun. Contrairement à Hall ou Kastor, il était un habitué de ce genre de parcours puisqu'il avait participé à deux reprises au Championnat du monde de course en montagne.

Pas besoin d'être sur place pour voir l'évolution et la progression des différentes équipes. Un système de « pistage » hyper efficace permettait aux amateurs de suivre en direct les coureurs sur le site Internet de Beat the Sun de même que le chrono virtuel de la course du soleil autour du Mont-Blanc. Car ne l'oublions pas, c'est cette grosse étoile jaune que les athlètes devaient vaincre. Un défi que même les simulations les plus optimistes jugeaient très difficile, voire impossible en si peu de temps.

Asics Beat the SunLe parcours était redoutable et empruntait des sections aux noms légendaires inspirant le respect à leur simple évocation. La traversée du plateau glacier de Trient, le glacier du Tour, le glacier d'Orny, le vallon de Saleina, le Val Ferret Suisse, le Petit Col Ferret italien, la descente d'Arnouva, la Fenêtre de l'Arpette, la Via Ferrata du Mont Chétif avec une ligne aérienne survolant le Mont-Blanc, la piste du Lac Combal et le Col des Fours. C'était là seulement quelques-unes des portions de ce relais qui poussait même les coureurs à s'encorder et à porter des chaussures à crampons, casques et harnais sur les portions du glacier à Courmeyeur.

La grande finale de ce tour offrait aux amateurs présents pour encourager un spectacle inédit. Les représentants des huit équipes devaient circuler sur une ancienne moraine glacière pour rejoindre les Houches. Avec la fatigue accumulée, un faux pas et c'était la chute!

Et alors, le soleil fut-il vaincu? Des équipes sont-elles parvenues à terminer ce tour du Mont-Blanc en moins de 15 heures 41 minutes et 35 secondes? Le départ était à 5 h 44 (lever du soleil) et la limite de temps à 21 h 25 (coucher du soleil).

Oui! Deux y sont parvenues. Mais ce fut tout juste. Et ce sont les Européens qui ont réalisé l'exploit. Peut-être est-ce parce qu'ils couraient dans un décor qu'ils connaissaient mieux que tous, mais Europe du Nord et Europe du Sud furent les deux seules équipes à triompher après s'être livré une belle bataille sur les « trails » en haute-montagne. C'est malheureux pour Le Porho.

Asics Beat the SunÀ mi-parcours, Europe du Nord détenait une petite avance d'à peine cinq minutes sur Europe du Sud qui est tout de même parvenue à prendre la tête avec moins d'une quarantaine de kilomètres à faire. Mais les derniers relais de l'équipe nord-européenne, plus efficaces, lui ont finalement permis de remporter la course avec 51 minutes d'avance sur le soleil. Europe du Sud a terminé 13 minutes avant que notre étoile ne cesse de briller.

Déception pour l'équipe d'Europe Centrale qui a échoué à seulement sept minutes de l'objectif. Un clin d'œil sur une course aussi longue. Vinrent ensuite, loin derrière, les deux équipes d'Amérique puis l'Afrique. L'Océanie et l'Asie durent se résigner à emprunter quelques raccourcis pour rallier l'arrivée deux heures après la fin de cette plus longue journée de l'année.

L'équipementier Asics est déjà à travailler sur l'édition 2017 du Beat the Sun. On songerait même à organiser une autre course de ce genre aux États-Unis. On le souhaite. Car ce qu'il y a de merveilleux avec cette course, c'est qu'elle permet aux coureurs du dimanche d'y rêver et de côtoyer des professionnels de la course. Le dénominateur commun de cette manifestation sportive est le plaisir! Une formidable aventure humaine dans un décor féerique et un défi qui peut changer la vie d'un coureur amateur puisque loin d'être un sport individuel, la course devient ici un travail d'équipe. Oubliez la concurrence entre les coureurs. Il s'agit plutôt de partager une aventure, celle de courir pour battre le soleil!