Il y a des exploits qui dépassent l’entendement et qui inspirent un profond respect. Le genre d’exploits qui nous aident à réaliser qu’on peut accomplir de grandes choses lorsqu’on décide que notre passion est plus puissante que tous les obstacles. Lorsque ces exploits sont réalisés par des gens simples et humbles qui supportent un projet auquel ils croient et qu’ils deviennent porteurs d’une cause importante, alors là on ne peut qu’admirer et s’incliner devant eux.

Sébastien SassevilleSébastien Sasseville, 35 ans, vient de réaliser quelque chose d’énorme. Et je pèse mes mots. Le 2 février dernier, à Saint-Jean de Terre-Neuve, il a fait le premier pas d’une course qui le mènerait à l’autre bout du Canada huit mois et demi plus tard. Cela représentait 7 200 kilomètres de course à pied ou, si vous préférez, 170 marathons! Le jeune homme avait décidé d’entreprendre cette longue et éprouvante traversée pour sensibiliser et éduquer la population canadienne à la cause du diabète. Lui-même souffre d’un diabète de type 1, la forme la plus grave de cette maladie auto-immune. Pourtant, même s’il est insulinodépendant, il a su relever son défi en terminant sa longue course en solo à Vancouver le 14 novembre, journée mondiale du diabète. Il espère ainsi avoir réussi à convaincre plusieurs des trois millions de Canadiens atteints d’une forme de diabète, dont 300 000 qui vivent comme lui avec le diabète de type 1, qu’il est possible de vaincre les obstacles de la vie et de relever des défis.

À l’âge de 22 ans, Sébastien apprend qu’il souffre d’un diabète de type 1. Il décide de s’impliquer dès l’annonce de son diagnostic. « On peut presque dire que cela m’a aidé à me découvrir puisque ce fut une bonne dose d’humilité. J’ai rencontré beaucoup trop de gens qui se laissaient ralentir par le diabète en arrêtant de faire de l’exercice ou de voyager. J’avais le désir de partager ma vision et mon attitude positive. Mon message est simple : encourager les gens à faire le premier pas et à se rendre vulnérable. La vie s’occupera du reste », explique le natif de Lotbinière.

Sébastien n’en était pas à son premier exploit du genre pour aider la Fédération québécoise de recherche sur le diabète juvénile. « J’avais déjà gravi le Mont Everest en 2008 et couru 250 kilomètres dans la désert du Sahara en 2012. J’étais à la recherche d’un autre projet et je voulais que ce soit gros et qu’il puisse faire une différence en raison de sa signification. L’idée de traverser le Canada en courant m’est alors venue et en faisant les premières recherches pour évaluer sa durée et son coût, je me suis rendu compte de l’énormité du projet. J’avais alors planifié que j’aurais besoin de neuf mois et que je serais dans une ville différente pratiquement à chaque jour. Mais j’étais hyper motivé à réussir et à transmettre mon message aux gens que j’allais rencontrer. »

Sébastien SassevilleTraverser à la course un pays aussi grand que le Canada ne se fait pas sans une rigoureuse préparation. On doit pouvoir compter sur une excellente forme physique et sur une logistique parfaite. Le financement n’est également pas à négliger. Sébastien Sasseville ne voulait surtout pas des ressources minimales et se retrouver à pousser une remorque de course complètement seul pendant un an.

« La préparation de ma traversée du pays a duré une année complète. Ce fut beaucoup de travail, mais je savais que ça faisait partie de l’aventure. Au tout début, lorsque je parlais de mon projet, bien des gens « trippaient » avec moi, mais ils me demandaient ensuite comment j’allais m’y prendre. Je me suis donc entouré d’une équipe formidable qui a bossé tout aussi fort que moi. Des partenaires financiers ont embarqué et nous nous sommes retrouvés avec des centaines de personnes impliquées. Le diabète touche malheureusement beaucoup de monde. Au Canada seulement, le coût du diabète représente 15 milliards de dollars. Nous avons donc travaillé sur une plateforme qui nous a permis de connecter avec les trois millions de Canadiens qui vivent avec une forme de diabète. C’est un projet qui avait des valeurs universelles », prend-il soin de préciser.

Sébastien SassevilleSébastien avait dédié les cinq dernières années au triathlon de longues distances. Il pouvait ainsi compter sur une bonne forme physique. Cette période lui avait également permis d’en apprendre d’avantage sur l’alimentation et les à-côtés d’une préparation physique. Lors des cinq mois précédant le début de sa traversée canadienne, il confie avoir dû apprendre à courir de la bonne manière. Avec l’aide de son thérapeute sportif et son physiothérapeute, il s’est habitué à courir de façon plus symétrique et avec un patron de course tout en développant des routines pour sa récupération. L’idée derrière tout ça était d’éviter, ou à tout le moins de retarder, l’apparition de blessures et d’en diminuer la gravité pendant sa longue course de plus de 7 000 kilomètres.

Même si une équipe réduite l’accompagnait, en bout de ligne il était celui qui courait. Cela devait se faire malgré des conditions climatiques et des dénivelés difficiles. Heureusement, il puisait son énergie dans les rencontres qui survenaient régulièrement. Ses discussions avec des étudiants dans les écoles étaient des moments magiques qui le forçait à continuer. Mais il y avait aussi l’envers de la médaille. « J’ai connu des moments de découragement, de solitude et de doutes. Des journées noires où, dès mon réveil, je savais que ce serait pénible. Je courais en moyenne 40 kilomètres par jours de cinq à six jours par semaine et je peux vous dire que certains matins, j’avais mal partout tellement j’étais courbaturé. Le doute s’installe alors et tu te demandes vraiment comment tu vas réussir à passer à travers la journée. Imagine lorsque tu regardes dehors et que tu sais que tu vas courir sous une forte pluie durant toute la journée », se remémore Sébastien.

Sébastien Sasseville« Les adeptes de course à pied auront certainement entendu parler de l’expression "frapper le mur" lors d’un marathon. Ça survient vers le 30e kilomètre, lorsqu’on est assez loin sur le parcours pour que ça fasse mal mais pas encore assez près de l’arrivée pour avoir une petite dose d’adrénaline. À plus grande échelle, pour moi, ce fut à 3 000 kilomètres. J’ai alors réalisé qu’il m’en restait encore 4 000. Ayoye! En plus, j’étais dans le nord de l’Ontario où il y avait un intérêt médiatique plus faible. Ce n’était pas évident. »

Les Rocheuses furent également très difficiles à franchir pour Sébastien. Avant son départ, on lui demandait souvent s’il craignait cette portion montagneuse. Il répondait que s’il était capable de courir les 6 000 kilomètres pour s’y rendre, il croyait pouvoir les franchir sans problème. Pourtant, ce fut beaucoup plus difficile que ce qu’il entrevoyait au départ. Il se souviendra longtemps d’un passage particulièrement éprouvant. Sa journée de course s’était résumée à 38 kilomètres d’énormes côtes qui montaient sans arrêt! Il compare cela à grimper la voie Camilien-Houde, Sébastien Sassevillesur le Mont-Royal à Montréal, pendant 38 kilomètres. Ouf!

C’est le 14 novembre dernier qu’il est finalement arrivé à Second Beach, à Vancouver. La conclusion de huit mois et demi de course à pied. Tout cela coïncidait avec la journée mondiale du diabète. « Près de 400 personnes m’attendaient à Vancouver. À moins d’un kilomètre de l’arrivée, je pouvais entendre la musique et le bruit de la foule. C’était très émouvant. Mes amis et ma famille étaient là si bien qu’à ce moment-là, j’ai oublié toute la souffrance de l’épreuve pour ne penser qu’aux bons moments et à la signification de ce que je venais d’accomplir. Ce fut une année difficile, mais la motivation me poussant à m’impliquer était plus forte que les obstacles à franchir sur ma route », conclut-il.

Sébastien Sasseville

De retour au Québec depuis peu, Sébastien Sasseville entend maintenant se reposer. Il concède qu’une traversée comme la sienne impose un trop grand effort sur le corps. Il affirme ne pas avoir de projets particuliers en tête mais souhaite continuer de parler de son histoire lors de conférences pour donner encore plus de visibilité à la cause du diabète (sebinspire.com). Même si son périple est complété, il encourage les gens à faire un don à la Fédération québécoise de recherche sur le diabète juvénile (frdj.ca). Il s’est également inscrit au prochain demi-Ironman de Tremblant au printemps 2015. D’une certaine façon, ce sera un retour à ses vieilles amours puisque le triathlon lui manque.

Mais parions que Sébastien se trouvera bientôt un nouveau défi à relever. Rien ne semble pouvoir l’arrêter. Surtout pas le diabète!

Sébastien Sasseville