PARIS, France - Deux ans après le déclenchement d'un vaste scandale de dopage et de corruption autour de la Russie, l'athlétisme tente de tourner la page grâce à des réformes spectaculaires impulsées par le président de la Fédération internationale (IAAF), Sebastian Coe, et une pression maximale sur les Russes, toujours suspendus.

720 000 spectateurs en dix jours pour les Mondiaux de Londres, 250 000 à Nairobi pour les championnats du monde cadets: si l'on ne se réfère qu'aux affluences enregistrées en 2017, le premier sport olympique semble ne pas avoir trop souffert de la crise provoquée en 2015 par les révélations sur un dopage institutionnalisé en Russie et l'existence d'un système de corruption au sein de l'IAAF.

« Nous sommes forts. Le public ne s'est pas détourné de l'athlétisme », a d'ailleurs déclaré en octobre à l'AFP Sebastian Coe. 

Mais si la façade tient, le Britannique, arrivé en 2015 à la tête de l'IAAF, a tout de même dû se lancer en coulisses dans une vaste entreprise de rénovation, afin de restaurer la crédibilité d'une instance cernée et discréditée par les affaires.

Alors qu'Adidas a rompu son engagement avec l'IAAF trois avant son terme dès l'explosion de l'affaire russe – remplacé depuis par le japonais Asics – l'ancien double champion olympique du 1500 m e ex-député du parti conservateur (1992-1997) a très vite saisi, en bon animal politique, la nécessité de prendre les devants et d'engager un train de réformes pour apaiser l'atmosphère et rassurer les sponsors.

En 2016, la Fédération internationale a ainsi approuvé la création d'une Unité indépendante chargée des questions de dopage et d'intégrité (AIU), disposant de la responsabilité de la réalisation des tests, des enquêtes et de la promulgation des résultats pour tous les athlètes de niveau international et leur encadrement personnel. Un outil qu'« aucun autre sport ne possède », s'enorgueillit Coe.

La Russie réintégrée en novembre?

L'AIU a connu sa première manifestation concrète à l'occasion des Mondiaux de Londres cet été: 1513 échantillons sanguins et urinaires ont été collectés juste avant et pendant l'épreuve. Durant les 10 mois précédant les Championnats du monde, plus de 2000 tests sanguins inopinés et environ 3000 urinaires avaient également été effectués hors-compétition, selon les données fournies par l'AIU. 

La stratégie pour régler l'épineux dossier de la Russie, suspendue de toutes compétitions internationales depuis novembre 2015, a reposé sur un principe similaire avec la mise en place d'une « Task Force » indépendante pour évaluer les progrès du pays dans la lutte contre le dopage.

Le prochain rapport de cette Task Force sera étudié fin novembre à Monaco par le Conseil mondial de l'IAAF. Reste à savoir si les mesures prises par la Russie seront jugées suffisantes pour permettre sa réhabilitation. 

« Je ne sais pas quand la Russie sera réintégrée. Ce que je sais, c'est qu'il y a des choses qui m'ont redonné confiance au cours des derniers mois. Des progrès ont certainement été accomplis afin de remplir les critères », a expliqué Lord Coe à l'AFP, faisant explicitement référence aux « excuses » formulées par le nouveau président de la Fédération russe, Dmitry Shlyakhtin, lors du Congrès de l'IAAF en août.

Climat vicié

Malgré tous ces efforts, le climat reste toutefois vicié. Les dernières révélations autour de Sergueï Bubka, vice-président de l'IAAF soupçonné d'avoir effectué des versements suspects à l'un des principaux protagonistes du scandale de corruption autour de l'attribution des Jeux à Rio en 2016, et la suspension provisoire décrétée par l'AIU de l'ancien sprinteur Frankie Fredericks de son poste de membre du Conseil mondial de la Fédération internationale, prouvent que l'athlétisme n'a pas encore fini de purger son passé.

Le succès populaire des Mondiaux de Londres n'a pas non plus occulté l'image désastreuse laissée par la victoire sur la course-reine du 100 m de Justin Gatlin, suspendu à deux reprises pour dopage avant de faire un retour controversé sur le devant de la scène. Copieusement hué par le public, l'Américain a gâché la dernière sortie individuelle de la légende du sprint Usain Bolt et surtout ramené l'athlétisme à ses heures les plus sombres. 

Comme le reconnaît Sebastian Coe : « La confiance ne reviendra pas en une nuit ».