Dopé à la musique?
Amateurs dimanche, 3 mai 2015. 09:06 mercredi, 11 déc. 2024. 04:29J’ai assisté à une scène que je ne suis pas près d’oublier hier matin lors de mon jogging quotidien. Un jeune homme dans la vingtaine n’avait pas vu et entendu une voiture arrivant derrière lui si bien que lorsqu’il décida de couper à sa gauche pour traverser la route, le conducteur du véhicule sauta sur les freins. Le bruit des pneus s’immobilisant sur l’asphalte fut strident. Malgré tout, le joggeur poursuivit sa route comme si de rien n’était, ne se retournant même pas pour voir ce qui venait de se dérouler. Insolence me direz-vous? Non. Il écoutait de la musique. Il n’avait rien entendu.
Dans le monde de la course à pied, il y a deux types de coureurs. Ceux qui pratiquent leur sport en écoutant de la musique et ceux qui préfèrent le bruit de la nature ou de la ville. Et dans les deux cas, ils sont convaincus du fondement et de la justesse de leurs décisions. C’est un sujet émotif et sensible, c’est le cas de le dire!
L’incident du coureur mélomane m’a rappelé pourquoi de plus en plus de compétitions de course à pied dans le monde interdisent, pour des raisons de sécurité, le port des oreillettes et écouteurs. J’ai personnellement pris part à plusieurs marathons ou demi-marathons lors desquels il était strictement interdit d’écouter de la musique sous peine de se faire saisir son appareil. Les organisateurs invoquent que les coureurs qui le font pourraient ne pas entendre les autres compétiteurs. Lors du marathon de New York, j’ai été témoin d’une dame qui a fait une chute dès le départ. Nous étions plus de 40 000 inscrits et elle se serait fait piétiner si les coureurs près d’elle ne l’avaient pas entendu crier pour signaler sa présence au sol.
J’ai également vu à quelques reprises des coureurs écoutant de la musique et inscrits à un marathon ne pas entendre les indications des bénévoles leur expliquant qu’ils empruntaient le parcours menant à la fin du demi-marathon. Lorsque ces athlètes réalisaient la méprise, leurs courses étaient gâchées et ils n’avaient qu’eux à blâmer.
La musique peut également être considérée, dans le cas de coureurs élites, comme une aide extérieure à la course. Les meilleurs coureurs de la planète dopés à la musique? Des études semblent démontrer que c’est une réalité envisageable.
Les coureurs amateurs de musique vous diront que cela les aide à se concentrer et à courir plus vite. Ils ont raison. En effet, selon plusieurs études sérieuses, il a été démontré que d’écouter de la musique rythmée en courant peut améliorer sa performance sportive jusqu’à 15 %. Cela est encore plus vrai pour les coureurs amateurs comme vous et moi. La musique réduirait la perception de l’effort et bloquerait les signaux des muscles et organes internes vers le cerveau pour lui dire que la fatigue s’installe.
La musique augmenterait également l’impression de joie, de bonheur et de bien-être ressentie lorsqu’on court. C’est la raison pour laquelle plusieurs athlètes écoutent de la musique avant une compétition importante. Cela leur permet de réduire leur niveau de stress.
Mais attention, il est important de choisir la bonne musique, celle avec le rythme idéal. Ces mêmes études qui avancent les bénéfices de courir avec des écouteurs sur les oreilles démontrent que si le tempo est mal choisi, la musique aura l’effet inverse. C’est tellement vrai! J’ai longtemps couru avec de la musique. Pendant de nombreuses années, je participais à des compétitions de course à pied avec ma liste de lecture préférée. J’ai compris ma dépendance à la musique lorsque, par mégarde, je me suis trompé de baladeur numérique et que j’ai entrepris la Descente Royale, à Beauport, avec de la musique classique. C’était beau, mais tellement loin de ce dont j’avais besoin à ce moment. J’ai enregistré un chrono beaucoup plus lent que ce que je souhaitais car je m’étais entêté à faire ce 10k en écoutant les plus beaux airs de Mozart et Beethoven!
La musique écoutée pendant la course doit nous rappeler de bons souvenirs. Mais attention à ce que ce ne soit pas trop émotif. Lorsque j’ai fait le Tour du lac Memphrémagog avec cinq de mes collègues de RDS en juin 2003, j’avais demandé à mon petit garçon de 4 ans de me préparer ma liste de lecture. Puisque j’étais un coureur expérimenté, on m’avait confié certaines des portions difficiles du parcours. Des côtes!
Je me souviendrai longtemps de mon deuxième relais. Je peinais à gravir un long faux-plat lorsqu’une pièce que mon gars écoutait en boucle à la maison a débuté. Une chanson du groupe Les Respectables. J’étais épuisé et les larmes me sont montées aux yeux. Rien pour m’aider à courir plus vite.
Depuis maintenant plusieurs années, je ne cours plus avec de la musique. J’ai réalisé que je terminais mes courses sans les avoir vraiment vécues. Je ne m’entendais plus respirer. Lorsque j’ai retiré mes oreillettes, j’ai été fasciné par le son et le rythme de mes semelles frappant le sol. Je n’étais plus conscient de l’environnement dans lequel je courais. La musique me faisait mal gérer mes courses. Plutôt que d’attaquer prudemment une côte, j’y allais à fond de train en suivant le rythme. Je ne réalisais pas que je gâchais ainsi le reste de ma sortie. Et je ne vous parle pas de mes pauvres tympans que j’ai malmenés à répétition en raison du volume trop élevé!
Je suis certain que les études démontrant les bienfaits de la musique sur les performances sont réels. Toutefois, je préfère être à l’écoute de mon corps et courir un tout petit peu plus lentement, mais avoir le plaisir d’écouter le chant des oiseaux, le bruit de la pluie et le cri des enfants. Je veux entendre la foule qui m’encourage à la fin d’une course organisée. Je veux surtout être certain d’entendre les voitures sur ma rue pour éviter que ne m’arrive une situation identique à celle du jeune homme dont je vous ai parlé au début de ce texte.
Je cours pour être en forme et pour la liberté que ce sport me procure. C’est une décision très personnelle, mais mon choix est fait. Pas de musique dans mes oreilles! Et vous?