Financement gelé du côté de Gymnastique Canada, à la suite d'une lettre de gymnastes
La ministre des Sports du Canada, Pascale St-Onge, gèle dans l'immédiat le financement de Gymnastique Canada, jusqu'à ce que la fédération s'inscrive auprès du Bureau du commissaire à l'intégrité dans le sport.
Jeudi, St-Onge a fait savoir que la semaine dernière, elle a informé le chef de la direction de Gymnastique Canada, Ian Moss, que la fédération devait accélérer le processus d'adhésion, sinon le financement serait gélé d'ici à ce que ce soit fait.
Cette annonce survient dans la foulée d'une lettre venant de plus de 500 gymnastes canadiens, demandant à la ministre de geler le financement de leur organisation.
Dans une lettre publique adressée jeudi à St-Onge - et après quatre mois de « partage d'histoires dévastatrices » sur des années d'abus - « Gymnastes pour des changements », un groupe qui représente 508 athlètes, réitère ses appels à des mesures strictes.
Cela inclut une enquête par une tierce partie et la suspension du financement, comme cela a été fait avec Hockey Canada.
Leur demande initiale formulée il y a plusieurs mois, affirme le groupe, a été ignorée par Gymnastique Canada, Sport Canada et « maintenant par votre bureau, et au grand détriment des enfants gymnastes de tout le pays ».
Cette lettre surgit une semaine après qu'un entraîneur de Lethbridge, en Alberta, eut été accusé d'avoir agressé sexuellement une fillette de sept ans.
« Au cours des quatre derniers mois, nous avons publiquement mis nos âmes à nu, partageant des histoires de traitements dévastateurs que nous avons subis aux mains de notre sport, indique la lettre.
« Nous avons demandé une enquête indépendante par une tierce partie pour aborder la culture systémique d'abus qui prévaut dans la gymnastique canadienne. »
Gymnastique Canada a annoncé récemment qu'il avait mandaté McLaren Global Sport Solutions pour procéder à un « examen de la culture » de l'organisme directeur national du sport. Mais les gymnastes ont rejeté cette étude, car elle est « achetée et payée par l'organisme même qui doit faire l'objet de l'enquête ».
Le groupe «Gymnastes pour le changement », qui comptait 70 membres à l'origine il y a trois mois, demande la suspension du financement afin d'éviter que l'argent des contribuables ne soit utilisé pour ce qu'il considère comme un examen inefficace et nuisible qui blanchira l'expérience des survivants.
St-Onge a gelé le financement de Hockey Canada à la suite de la gestion par l'organisation nationale d'une présumée agression sexuelle et d'un règlement à l'amiable.
La lettre de jeudi notait que Gymnastique Canada et Sport Canada étaient conscients de la possibilité d'un grand nombre de plaintes pour mauvais traitements.
Moss a dit à la directrice générale de Sport Canada, Vicki Walker, en août 2020 - dans une communication récemment publiée par TSN - « il pourrait y avoir, très bientôt, une vague de plaintes historiques d'athlètes. »
En avril 2021, et de nouveau en décembre, le conseil d'administration de Gymnastique Canada a été exhorté par les survivants à lancer une enquête indépendante et tierce partie sur le sport.
Les gymnastes ont publié leur première lettre publique le 28 mars, exhortant Sport Canada à aller de l'avant avec une enquête.
« Selon cette chronologie, Gymnastique Canada et Sport Canada ont eu connaissance de soupçons d'abus systémiques dans le domaine de la gymnastique et ont eu l'occasion d'agir pendant au moins deux ans, mais n'ont rien fait, permettant ainsi aux abus de se poursuivre contre les enfants athlètes canadiens sans intervention, indique la lettre. Nous avions espéré une meilleure réponse, plus urgente, de votre part ».
Les courriels adressés à St-Onge, selon la lettre de jeudi, sont restés sans réponse.
« À ce jour, votre bureau n'a pris aucune mesure pour tenir Gymnastique Canada ou Sport Canada responsables et tous ceux qui ont présidé à cette crise d'abus restent dans leurs positions d'autorité, ont écrit les gymnastes. Il n'y a eu aucune responsabilité et aucune action significative... Nous ne saurons jamais avec certitude si le fait que vous ayez lancé l'enquête demandée aurait empêché ce dernier exemple dévastateur d'abus (à Lethbridge).
« Mais votre inaction envoie un message clair à tous les jeunes gymnastes, à savoir que les abus dans leur sport ne méritent pas votre attention; votre inaction envoie un message à tous les agresseurs et prédateurs, à savoir que la saison est ouverte pour les agresseurs dans la gymnastique; votre inaction envoie un message à tous les complices de ces abus, à savoir qu'ils ne seront pas tenus responsables s'ils ferment les yeux; votre manque d'action vous rend de plus en plus complice. »
Les gymnastes affirment qu'une enquête menée par une tierce partie pourrait fournir des informations permettant de mettre un terme aux abus dans leur sport, en plus d'envoyer un message à toutes les organisations sportives, à savoir que le gouvernement les tiendra responsables si on laisse perdurer des cultures toxiques.
La première commissaire à l'intégrité du sport du Canada, Sarah-Eve Pelletier, a commencé à recevoir et à traiter les plaintes de mauvais traitements dans le sport le 20 juin. Alors que le bureau s'attendait à recevoir une ruée de plaintes dès son ouverture, il n'était pas clair si le bureau entendra des plaintes historiques.
« Nos expériences partagées d'abus émotionnels, physiques, psychologiques et sexuels renferment des vérités précieuses qui doivent être mises en lumière si l'on veut vraiment changer les choses, ont écrit les gymnastes. Les histoires des survivants doivent faire l'objet d'une enquête pour comprendre comment les abus ont prévalu dans le système canadien pendant des décennies. Ignorer le passé, c'est risquer de le répéter. Et en ce moment même, dans les gymnases du Canada, le passé se répète. Les abus se répètent. Et les enfants en paient le prix.
« Nous avons besoin que le ministre des Sports travaille avec nous pour commencer l'enquête qui aurait dû être menée depuis longtemps. Nous avons besoin que le ministre des Sports travaille avec nous pour entamer l'enquête tant attendue. La sécurité des enfants canadiens dépend de votre action et de votre courage », a-t-on conclu.