MONTRÉAL – En cette fin d’année scolaire, on se permet une petite exception. On a eu le goût de rendre hommage aux personnes du réseau scolaire qui nous font découvrir une multitude de disciplines sportives et qui allument des étincelles chez tant de jeunes. Pour l’occasion, je vais sans doute vous surprendre, mais j’ai choisi d’utiliser l’exemple du handball, un sport fascinant et pourtant méconnu ici. 

En débarquant au Collège Saint-Paul, à Varennes, en 1999, le sport était déjà ce qui me faisait le plus vibrer. Je ne voyais pas le temps passer au hockey, au baseball, au football, au soccer, au tennis, au golf et j’ai constaté que c’était la même chose pour tous les sports auxquels j’allais être exposé plus sérieusement comme le basketball, le judo et l’athlétisme. 

Sans être mauvais, j’ai toutefois rapidement compris que je ne serais plus le meilleur comme à l’école primaire. C’est sans doute à ce moment que j’ai réalisé que j’aurais un avenir plus intéressant grâce à mes aptitudes dans les cours de français ! 

Ça n’a pas empêché le handball de piquer ma curiosité avec force. Je conserve encore en tête le souvenir du premier toucher de ce ballon qui m’a semblé quelque peu étrange. Mais il n’aura fallu qu’une démonstration des possibilités de ce sport pour être conquis. 

Un sport rapide, rempli d’action, où les buts déferlent et les gestes spectaculaires se succèdent. Le handball a connu ses années de gloire au Québec dans les années 1970 et 1980. Bien sûr, le moment phare est survenu durant les Jeux olympiques de Montréal en 1976 tandis que la formation canadienne s’est frottée à des puissances mondiales dont la Yougoslavie. 

L'équipe olympique canadienne de handball en 1976Mais que s’est-il passé pour que l’étoile du handball pâlisse au fil du temps alors que le Québec était la puissance du pays lors des JO de 1976 ? Pierre Désormeaux, qui a été choisi le joueur par excellence du XXe siècle au Canada, était la personne toute désignée pour se replonger dans de tels souvenirs et pourquoi ne pas raviver la flamme du même coup. 

D’entrée de jeu, la quasi-totalité des gens croient que la formation canadienne n’aurait jamais eu sa place aux Jeux olympiques sans bénéficier de sa qualification immédiate en tant que pays hôte. Désormeaux n’en veut à personne d’avoir retenu cette version, mais c’est faux. 

« Ce que les gens ne savent pas, c’est que les États-Unis étaient le club à battre dans la zone des Amériques dans le but de se qualifier. Durant l’année de préparation, on avait joué sept matchs hors-concours contre les Américains et on avait gagné six fois. On avait leur numéro à ce moment », a précisé l’ancien pivot qui a notamment travaillé à la même école pendant 19 ans.  

« Même après les Jeux, dans une autre compétition, on avait battu l’Argentine, le Brésil, le Mexique, les États-Unis et on avait seulement perdu contre Cuba. Le handball était très fort au Canada. Disons qu’on n’avait pas l’air fous tant que ça à l’époque pour le peu de support que le programme obtenait », a renchéri celui qui portait le numéro 7. 

Un support déficient qui ne date pas d'hier

Voilà l’essentiel de l’enjeu. Déjà, à ce moment, le handball ne recevait pas l’appui nécessaire pour générer des résultats optimaux. Ça s’est même gâché davantage par la suite et on abordera le tout plus en détails demain.  

« C’était difficile à comprendre. Mais étant donné que l’équipe était formée de 11 Québécois sur 14 joueurs, ça voulait dire qu’on n’était pas représentatifs du Canada. C’est ce qu’on entendait entre les branches. Ce n’était pas la même histoire pour d’autres sports », a-t-il confié. 

Le tournoi olympique a tout de même failli dérailler avant son commencement. Une année avec les JO, un chroniqueur avait remis en doute le potentiel du club canadien. Désormeaux et un autre pilier de l’équipe avaient même décidé de quitter l’aventure. 

« On ne voulait pas avoir l’air fous ! Peu de gens savent ça, mais on a décidé de sacrer notre camp. Notre rêve olympique, c’était fini ! », a rappelé Désormeaux. 

Leur geste a provoqué des changements salutaires et ils ont accepté de revenir sur leur décision. Les entraîneurs de l’équipe du Québec ont pris la relève et ça promettait pour les Jeux olympiques. Toutefois, les rênes de la formation ont été confiées au Roumain Eugen Trofin avant le déclenchement du grand rendez-vous et ce fut une erreur.  

« Il a enlevé tout ce qu’on avait bâti ! On n’avait plus le droit de contre-attaquer, ce qui était notre force. C’était plutôt un système pour limiter les dégâts », a déploré notre interlocuteur qui a conservé de précieuses archives de journaux. 

Il n’en demeure pas moins que le Canada est parvenu à disputer une solide prestation en lever de rideau face aux champions olympiques en titre, un revers impérissable de 22-18 contre les Yougoslaves. 

« On ne s’attendait pas à faire quelque chose d’aussi bien, on se disait quatre buts, wow ! Mais on en a mangé des ‘pas pire’ contre la Russie et l’Allemagne de l’Ouest après », a-t-il admis. 

Les spectateurs étaient au rendez-vous pour les parties du Canada qui ont eu lieu au Complexe Claude-Robillard ainsi qu’à Sherbrooke et à Québec. Chacun partisan souhaitait assister à la victoire de David contre Goliath.  

« Il faut se rappeler que c’était du sport amateur pour nous, au Canada. Les pays de l’Europe de l’Est, quand on parlait avec eux, le handball était comme une job à temps plein. Ils étaient comme des membres de l’armée : ils s’entraînaient et c’est tout ce qu’ils faisaient. Dans notre cas, on allait à l’école durant le jour et d’autres travaillaient. On s’entraînait le soir et les fins de semaine. C’était totalement différent comparativement à la réalité actuelle des athlètes amateurs canadiens », a décrit Désormeaux qui étudiait en éducation physique à l’UQAM. 

Une autre chance pour le handball ? Pierre Désormeaux

Naïf, on a cru que ses camarades de classe devaient être impressionnés de le voir se préparer pour les Jeux olympiques. 

« Oh non, c’était bien normal pour les autres. On ne faisait pas nos vedettes !  À l’époque, il y avait plusieurs autres athlètes comme nous. Je pense à Francine Gendron (800m en athlétisme), Louis Bourassa et Louis Prévost (aviron), Pierre Bélanger (volleyball). Il y avait aussi les filles de handball, Johanne Valois et Mariette Houle », a énuméré Désormeaux. 

À travers les entraînements, les matchs et les déplacements, Désormeaux et ses coéquipiers n’ont pas vraiment pu saisir l’immensité des Jeux olympiques dans la métropole québécoise. Heureusement, la cérémonie d’ouverture au Stade olympique a constitué une preuve parfaite. 

« Tout le monde le dit, c’était LE plus beau moment. Vu qu’on était le dernier pays dans la file, on a commencé notre marche à partir du boulevard Rosemont. C’était tellement spectaculaire », a-t-il convenu Désormeaux qui n’a pas flanché au moment de se mesurer à l’élite mondiale.  

Cela dit, la jeunesse et l’ambition du moment ne permettaient pas de saisir l’ampleur d’une participation olympique. La vie fait bien les choses à ce chapitre, elle lui a rappelé plus d’une fois. Que ce soit quand un trophée du meilleur étudiant-athlète a été nommé en son honneur ou bien quand le chirurgien cardiaque, qui l’a opéré il y a deux ans, était impressionné de lui parler de son passé d’olympien. 

Aujourd’hui, l'héritage de l'équipe canadienne s'est effritée alors que le Québec compte un peu plus de 3000 joueurs, toutes catégories confondues, répartis dans quelques bastions comme la Rive-Sud, Montréal, Québec, Laval, Granby et Sherbrooke. 

Ironiquement, c’est un autre sport spectaculaire, le basketball qui a entraîné le décrescendo du handball. La popularité de joueurs comme Michael Jordan a incité les écoles à favoriser ce choix dans les propositions sportives. 

Pourtant, plus que jamais, les jeunes raffolent des sports rapides, spectaculaires et offensifs. On ne peut que se dire que le handball mérite une autre chance de séduire cette génération à grande échelle. D’autant plus que le talent au handball existe dans les gênes des Québécois. Ils ont été plusieurs à le prouver comme Désormeaux, Pierre Ferdais (un enseignant marquant et attachant) et Alexis Bertrand qui a joué en première division française.