Kaillie Humphries n'a pas froid aux yeux : du haut de son 1,70 m pour 73 kg, elle va entrer samedi à Calgary dans l'histoire du bobsleigh et du sport féminin en défiant des hommes, mastodontes contre lesquels les femmes ont désormais le droit de concourir.

Elle est depuis 2010 la référence du bobsleigh féminin, mais après deux titres olympiques (2010, 2014), deux sacres planétaires (2012, 2013) et deux victoires au classement général de la Coupe du monde (2012-13, 2013-14), elle se cherchait un nouveau défi.

« Je voulais être confrontée à une opposition plus forte que celle que je rencontrais chez les femmes. Depuis deux ans, je poussais pour pouvoir participer à des compétitions avec les hommes », explique la Canadienne de 29 ans dans un entretien téléphonique avec l'AFP.

En septembre dernier, la Fédération internationale de bobsleigh (FIBT) a accédé à sa demande en ouvrant l'épreuve de bobsleigh à quatre, la catégorie-reine de la discipline, aux femmes et en autorisant les équipages mixtes.

Une révolution pour ce sport à l'image très macho qui recrute ses pilotes, pousseurs et freineurs parmi d'anciens joueurs de football américain, hockeyeurs sur glace ou sprinteurs aux muscles saillants et au tempérament de feu, pour dévaler un toboggan de glace à plus de 120 km/h. Et une incroyable accélération pour le bobsleigh féminin, qui n'a été admis au programme olympique qu'en 2002 à Salt Lake City (Utah, États-Unis).

« Ils savent que je sais »

« C'est un sacré défi, car piloter un bobsleigh à quatre est différent, le traîneau est plus long et lourd qu'en bobsleigh à deux. J'ai aussi la responsabilité de plus de vies entre mes mains », souligne Humphries.

Son équipage est composé de nouveaux venus dans cette discipline, Dan Dale, Joey Nemet et DJ McClelland.

« Ils ont un peu hésité, pas parce que j'étais une femme, mais parce qu'ils pouvaient rejoindre aussi deux très bons pilotes, Justin Kripps et Chris Spring », reconnaît la pilote qui a terminé à la troisième place des sélections canadiennes.

« Ils savent que je sais piloter et que je sais gagner, mais pour chacun d'entre nous, il va y avoir une période d'adaptation et d'apprentissage », poursuit Humphries qui a débuté le bobsleigh comme freineuse à 17 ans, après avoir tenté de percer en ski alpin.

Elle disputera lors de chaque fin de semaine de Coupe du monde deux courses, soit quatre manches, en bobsleigh féminin et bobsleigh à quatre personnes.

« L'objectif idéal serait de terminer dans le top-12 en bob à quatre dès cet hiver, mais à terme, je vise la victoire », assure-t-elle, avec aplomb.

Les barrières tombent

Humphries et ses boys ont déjà battu des équipages 100 % masculins lors des épreuves de la Coupe d'Amérique du nord et de la Coupe d'Europe, auxquelles elle a dû participer pour valider son billet pour le circuit mondial.

Elle a aussi croisé la route d'une vieille connaissance, l'Américaine Elana Meyers Taylor, sa dauphine des JO 2014 de Sotchi (Russie) qui défiera elle aussi les hommes, en Coupe du monde et lors des Championnats du monde 2015 de Winterberg (Allemagne) début mars.

« Nous faisons tomber des barrières, c'est bien pour les autres sports et les femmes, mais nous sommes conscientes que toutes les femmes ne peuvent pas piloter contre des hommes », reconnaît celle qui a été élue sportive canadienne de l'année.

« L'étape 1 a été atteinte avec la mixité. L'étape 2 sera d'avoir une épreuve de bobsleigh à quatre exclusivement féminine. C'est mon prochain défi après les JO 2018 », prévient Humphries, qui vise la passe de trois en bob féminin et, pourquoi pas, une médaille en bob à quatre à Pyeongchang (Corée du Sud).