Alors que la poussière olympique retombe lentement sur Rio et que nos souvenirs se gorgent encore des extraordinaires performances offertes par les athlètes du monde entier, le sempiternel débat sur l'héritage des Jeux refait surface. Il y a bien sûr les Brésiliens qui, après avoir accueilli le monde, cherchent à justifier les coûts astronomiques liés à l'organisation de la plus grande réunion sportive de la planète. Un réveil brutal qui peut nécessiter plusieurs années pour s'en remettre. En gros, le débat sera celui-ci : les Jeux en valaient-ils la chandelle? Je laisse à d'autres le soin d'argumenter à ce sujet.

L'héritage le plus intéressant est celui lié à l'inspiration. En effet, combien d'entre nous avons été inspirés par le dépassement de ces milliers de sportifs qui, à l'occasion d'un bref instant, devaient faire montre de leurs aptitudes physiques et psychologiques acquises lors des quatre dernières années? Des années de travail meublées de journées d'entraînement en solitaire débouchant sur ce moment où une nation entière plaçait tous ses espoirs en eux!

Andre De GrasseIl est là le véritable héritage des Jeux olympiques. Cette démonstration de force et de persévérance qui aura certainement allumé une petite flamme dans le cœur des plus jeunes, des futurs olympiens. Ou cette motivation supplémentaire qu'ils ont procuré aux plus vieux pour les motiver à recommencer à pratiquer un sport et à bouger.

J'ai très hâte de voir si, dans quelques années, nous pourrons mesurer les répercussions des Jeux de Rio sur l'athlétisme québécois. Il est vrai que, dans l'ensemble, les athlètes canadiens ont bien performé sur piste et pelouse ou dans les différents concours organisés à l'intérieur du stade olympique. C'était attendu et prévu par la plupart des spécialistes qui suivaient le travail de nos coureurs, sauteurs et lanceurs dans les différentes réunions internationales. Il y a eu six belles médailles et de nouvelles vedettes ont été consacrées (Andre De Grasse ça vous dit quelque chose?). Au delà des médailles, il y a surtout des athlètes qui ont amélioré leurs meilleures performances et réalisé des classements inespérés en établissant de nouveaux records nationaux. Nous étions loin des Jeux de 2000 à Sydney et de 2004 à Athènes, où le Canada était reparti bredouille des pistes d'athlétisme. Qui plus est, beaucoup de ces athlètes seront de retour dans quatre ans à Tokyo. C'est de bon augure.

Le Québec peu représenté

Qu'en est-il des athlètes québécois maintenant? Disons que le résultat fut beaucoup plus mitigé puisqu'il y en avait peu à Rio. Très peu. Notre représentant le plus connu était Charles Philibert-Thiboutot qui est passé bien près de se qualifier pour la finale du 1 500 mètres. Une question de quelques dixième de secondes. Seriez-vous capable de m'en identifier beaucoup d'autres?

La faible représentation québécoise en athlétisme indique selon moi toute l'ampleur du travail que notre société a encore à faire pour convaincre les plus jeunes que c'est cool de courir, de sauter par dessus des haies, de lancer un disque, de franchir une barre ou de simplement marcher vite! Ils sont pourtant nombreux dans les différents programmes de niveaux secondaires à faire de l'athlétisme, mais ils se butent à un vide lors de la fin de leurs études à ce niveau.

Alex GenestJ'ai déjà eu de nombreuses discussions à ce sujet avec des athlètes élites québécois, Alex Genest et Charles Philibert-Thiboutot par exemple, et tous dressaient le même constat. Il est difficile de continuer de pratiquer cette discipline au sein d'une institution d'études collégiales car les programmes Sport-études en ce sens sont quasi-inexistants au Québec. Bien sûr, de solides équipes d'athlétisme existent dans des universités réputées de la Belle Province (Université Laval, Mc Gill, Sherbrooke, etc), mais encore faut-il que nos jeunes athlètes espoirs s'y rendent puisque la période collégiale a raison de la passion de tellement d'entre-eux. Et ceux qui persévèrent doivent nécessairement s'expatrier après leurs études universitaires pour continuer à s'entraîner. Presque toute l'élite québécoise en athlétisme est basée en Ontario, en Colombie-Britannique ou aux Etats-Unis.

Au risque de me répéter, il est à souhaiter que l'engouement ressenti lorsque nous avons applaudi les athlètes canadiens à Rio se reflète sur l'achalandage des clubs d'athlétisme québécois et sur un investissement du gouvernement pour les appuyer car la Fédération québécoise d'athlétisme ne roule pas sur l'or. Il existe plus de 80 clubs d'athlétisme disséminés à la grandeur de la province et prêts à accueillir les jeunes pour leur faire découvrir le plaisir de ce sport.

Les Jeux olympiques de Tokyo arriveront rapidement, si bien que c'est davantage dans huit ans qu'on verra si une importante cohorte d'athlètes québécois sera prête à briller sur la scène internationale d'athlétisme aux côtés de leurs collègues du reste du Canada. Pour ce faire, nous devons d'abord mettre en valeur cette discipline et faciliter le parcours des jeunes qui décideront de s'y adonner.

L'athlétisme est l'expression la plus simple et la plus belle du sport. Depuis la nuit des temps, l'Homme court, lance et saute. Encore aujourd'hui, il est facile pour tous de s'adonner à cette discipline. Pourtant, même si les déboursés pour la pratiquer sont minimes par rapport à d'autres sports, elle a besoin d'un petit coup de main.

Commençons tout de suite à ouvrir les yeux et à suivre les jeunes québécois qui font de l'athlétisme. Un futur médaillé olympique se cache peut-être parmi eux. C'est la leçon que nous devons retenir de Rio. Pour produire des champions, une nation doit valoriser tous les sports et encourager sa jeunesse à bouger. Mais surtout, faire beaucoup mieux que s'intéresser à ses athlètes une seule fois aux quatre ans! C'est le rêve que je chéris pour l'athlétisme québécois.