PARIS (AFP) - L'écrasante domination des filles de l'équipe russe aux Championnats d'Europe d'athlétisme la semaine dernière à Göteborg suscite bien des questions, et certains se risquent à comparer la Russie de 2006 à la RDA du passé, où le dopage était scientifiquement organisé.

Les Russes ont remporté 28 médailles dont 11 d'or chez les filles, mais six seulement chez les garçons, dont une d'or. Pour eux, les accusations de dopage ne sont rien d'autre qu'une "provocation".

Certains membres de délégations, toutefois, n'ont pas hésité pendant les épreuves à exprimer publiquement leurs doutes: "Ca me rappelle la grande époque de l'Allemagne de l'Est où les filles étaient au-dessus du lot et les garçons quelconques", affirme ainsi Olivier Belloc, responsable des espoirs de l'athlétisme français.
Le sous-entendu est clair, car les experts savent qu'il est plus facile de doper des filles sans se faire pincer que des garçons.

Taux hématocrite suspect

Avant même la fin des épreuves de Göteborg, c'est le président de la Fédération espagnole d'athlétisme, José Maria Odriozola, qui avait ouvert le feu des accusations: "C'est préoccupant. Les Russes ont remporté plus de la moitié des médailles féminines. Leurs niveaux d'hématocrite et d'hémoglobine attirent l'attention", avait-il lancé.

Les taux hématocrite et d'hémoglobine mesurent la capacité de transport d'oxygène du sang vers les muscles. Ces taux, lorsqu'ils sont trop élevés, peuvent trahir une prise d'EPO ou une opération de transfusion sanguine.

Même tonalité accusatrice chez Patrick Gellens, DTN de l'équipe de France junior, actuellement en Chine pour les Championnats du monde juniors: "Si cela était avéré - pour les Russes -, je ne trouverais pas ça hyper étonnant. On se doute bien que la chute du Mur, en 1989, a changé beaucoup de choses mais qu'il y a des séquelles. Autant les Allemands ont fait le ménage, autant les autres c'est moins sûr."

Aucun contrôle positif

Les soupçons se sont aggravés lundi, lorsque la police suédoise a affirmé avoir retrouvé à proximité de l'hôtel où logeait notamment la délégation russe un sac plastique contenant du matériel médical avec des inscriptions en cyrillique.

Les premières analyses n'ont guère permis de lever le mystère. "Ce que nous savons jusqu'à présent, c'est qu'il s'agit de vitamines et de médicaments cardiologiques", a simplement affirmé un porte-parole de la police, sans donner plus de détails.

Officiellement, aucune des médaillées de Göteborg n'a été contrôlée positive. Mais l'observation des dernières grandes affaires de dopage prouve qu'il est assez facile, avec de bons médecins, de passer à travers les mailles du filet.

Nombre de scandales, ces dernières années, n'ont été révélés que par les opérations de police et de justice, alors qu'aucun sportif utilisateur n'avait été contrôlé positif. Ce fut notamment le cas dans les médiatiques affaires dites "Balco", aux Etats-Unis, et "Puerto", en Espagne.

L'entraîneur national de l'équipe de Russie d'athlétisme Valery Kulichenko a balayé les accusations d'un revers de manche: "Notre système de contrôle a été testé et approuvé par l'IAAF et tous nos athlètes sont soumis à un contrôle complet et constant", a-t-il lancé. "C'est facile de répandre des accusations sans fondement. Nous pourrions également le faire, mais c'est en-dessous de notre dignité".