De toutes les séries de course à pied qui existent actuellement sur terre, c’est probablement la plus difficile. Les participants doivent effectuer la traversée d’un des quatre déserts les plus arides et inhospitaliers de la planète. L’Atacama, au Chili. Le Gobi, en Chine. Le Sahara, en Égypte. Enfin, le « dernier désert », en Antarctique. Dans tous les cas, il s’agit d’une épreuve inhumaine qui nécessite une préparation parfaite et un entraînement optimal. Ceux qui s’y inscrivent doivent parcourir 250 kilomètres en sept jours presqu’en parfaite autonomie. On ne leur fournira que de l’eau à chaque quinzaine de kilomètres.

Deux frères de Québec, Jean-François et Claude Bégin, respectivement chirurgien orthopédiste et urgentologue, seront sur la ligne de départ de la traversée de l’Atacama, le 8 octobre prochain. Ils ont décidé de jumeler l’expérience à une collecte de fonds pour Fibrose Kystique Québec. Cette compétition extrême se déroule sous la chaleur du désert Chilien à une altitude moyenne de près de 3000 mètres sur un terrain accidenté composé de pierres, de lacs salés, de lave volcanique et de sable! Une sécheresse quasi permanente y règne et la moindre goutte d’eau a tôt fait de s’évaporer. Un paysage extraterrestre. Imaginez, la NASA y teste certains de ses rovers avant de les envoyer sur mars! Bref, une ballade qui n’a rien d’une partie de plaisir.

Comment se prépare-t-on à affronter de pareilles conditions et pourquoi décide-t-on de le faire? Je me suis entretenu avec le cadet des frères, Jean-Francois.

Pourquoi avoir décidé de participer à cette course? La traversée du désert de l’Atacama

Ce projet est une continuité des épreuves d’endurance que mon frère et moi avions déjà accomplies au cours des deux ou trois dernières années et qui étaient rattachées à différentes collectes de fonds pour Fibrose Kystique Québec. Nous avions grimpé sur le podium à chacune de nos participations et nous avons décidé de pousser l’expérience à un autre niveau. J’avais déjà vu un reportage sur un athlète canadien qui s’était lancé dans l’aventure de faire les quatre courses de la série et cela m’avait fasciné. J’ai réussi à convaincre mon frère d’embarquer dans l’aventure. Nous avons opté pour la traversée du désert de l’Atacama pour de nombreuses raisons. D’abord pour notre horaire puisqu’elle est la plus accessible des quatre courses au calendrier du Desert Race Series. D’autre part, le Chili est un pays stable politiquement et il n’y a pas de décalage horaire. Enfin, nous ne pouvions choisir la course de l’Antarctique, car il est impératif d’avoir complété deux épreuves de la série avant d’espérer pouvoir y être invitée.

Seriez-vous intéressés à participer aux autres courses de la série?

Bonne question! Nous serons plus en mesure de donner une réponse juste au retour de notre première course. Si nous revenons enjoués et heureux de notre expérience ce n’est pas impossible. Si c’est le cas, je vais certainement les espacer de quelques années pour me permettre de laisser souffler un peu ma famille.

Atacama no 4

À quoi ressemble votre entraînement?

Nous avons engagé un entraîneur qui nous a préparé un plan de travail basé sur des mesures physiologiques tenant compte des coefficients respiratoires et VO2 max (NDLR : consommation maximale d’oxygène). C’est un entraînement par zones divisé en trois étapes et que nous suivons depuis dix mois. D’abord, nous cherchions à développer notre VO2 max avec beaucoup d’intervalles à raison de quatre à cinq sorties par semaine. Pas beaucoup de millage, mais surtout une alternance entre de la haute et de faible intensité. Tout cela devait se faire avec le sac à dos qui nous accompagnera tout au long de notre périple et dont le contenu fera en sorte que nous serons parfaitement autonomes pendant sept jours. La deuxième phase fut de travailler sur notre endurance en courant de longues distances. Nous avons donc commencé à faire de très longues sorties allant parfois jusqu’à 55 kilomètres! Notre total hebdomadaire tournait autour de 120 à 150 kilomètres de course par semaine. Enfin, après avoir prouvé à notre entraîneur que nous étions capables de courir longtemps, nous nous sommes lancé des défis pour garder notre motivation. Cela pouvait être de courir des marathons ou des demi-marathons lors de journées consécutives. Actuellement, nous sommes dans la période d’affûtage et diminuons graduellement notre kilométrage tout en peaufinant notre équipement pour être assuré de courir avec le poids de course de 17,5 kilos dans notre sac à dos. Personnellement, j’en suis à 270 heures d’entraînement et je viens de franchir le plateau des 2400 kilomètres courus depuis le 20 janvier 2014.

Atacama no 1

Vous êtes-vous fixé un objectif de temps pour votre traversée du désert de L’Atacama?

Je vais parler pour moi, car il est important de préciser que même si nous nous sommes entraînés et inscrits ensemble, mon frère et moi ferons la course individuellement. Les règles de fonctionnement pour la compétition en équipe ne nous convenaient pas. Nous ne voulions pas nous suivre et tenions à en faire un défi personnel. Nous ne tenions surtout pas à nous nuire en obligeant le plus rapide à attendre le plus lent. Cependant, la cause pour laquelle nous courons est commune, à savoir Fibrose Kystique Québec. L’unique certitude que nous avons est que nous partirons en même temps, mais ne terminerons pas au même moment les différentes étapes. Ceci étant dit, mon premier objectif est de terminer. Ensuite, si je me fie à ma vitesse d’entraînement au niveau de la mer, j’aimerais beaucoup terminer entre 30 à 35 heures. Ce serait un bel exploit et je ne vous cacherai pas que je serais un peu déçu de ne pas y parvenir. Mais je dois tenir compte du fait que la course se tient à une altitude moyenne élevée et cela aura certainement des conséquences sur mon rythme même si j’arriverai sur place quelques jours avant pour tenter de m’acclimater. Pour vous donner une idée, le record de cette course est d’environ 23 heures et il appartient à des athlètes hyper-entraînés. 

Vous arrivera-t-il de marcher sur certaines portions du parcours?

Le programme d’entraînement que Claude et moi suivons a été bâti sur des zones d’entraînements dans lesquelles nous pouvions travailler en aérobie sans tomber en acidose métabolique. Autrement dit, nous ne voulons pas accumuler d’acide lactique! Nous avons donc établi des zones de travail à l’intérieur desquelles on sait très bien, coefficient respiratoire à l’appui, que nous sommes maintenant capable de courir de très longues heures. Par exemple, si ma zone de confort se trouve entre 160 et 165 de fréquence cardiaque et si je dois marcher pour demeurer dans cette zone en raison d’une montée ou d’un terrain ne me permettant pas de progresser tout en demeurant à 160-165 battements par minutes, alors je marcherai! La seule exception sera peut-être à la fin des courses, lorsque le fil d’arrivée sera vraiment proche. Mais je veux éviter la tentation d’aller trop vite. Notre entraînement est différent de celui d’une course de 15 ou 20 kilomètres. Nous avons appris à déconstruire la course et à courir lentement, car nous allons courir longtemps, sur un terrain particulier, avec un lourd sac à dos et sous la chaleur. Nous avons dû nous conditionner à accepter d’y aller au bon rythme. Je n’aurai pas de montre GPS pour ma vitesse, mais plutôt une montre affichant un moniteur cardiaque!

Atacama no 2

À quelques jours du départ, quelle est votre principale crainte?

Ce qui m’inquiète le plus actuellement ce n’est pas la chaleur ou l’altitude dans l’Atacama, mais plutôt la réaction que j’aurai sur place à la vue des 173 autres coureurs inscrits. Je me suis entraîné en solitaire et j’appréhende mes réactions pendant la course, car je suis quelqu’un de compétitif. Comment vais-je réagir lorsque je me ferai dépasser ou lorsqu’un autre participant sera juste devant moi? Vais-je réussir à demeurer concentré et garder le rythme que je me suis fixé pour ne pas en payer le prix quelques heures plus tard! On verra.

En terminant, quand partez-vous pour le Chili?

Je quitte le 26 septembre et mon frère le 28. La course débute le 5 octobre ce qui me donne presque huit jours pour faire le touriste et m’acclimater au désert de l’Atacama en montant le plus rapidement possible en altitude.

Il est encore possible de suivre la préparation de Jean-Francois et Claude Bégin et de faire un don sur leur page Facebook

Pendant la course, Jean-François et Claude Bégin alimenteront leur blogue quotidiennement.

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