Elle est considérée par plusieurs comme la plus grande marathonienne de l’histoire. À l’âge de 41 ans, la Britannique Paula Radcliffe a couru sa dernière épreuve en carrière le dimanche 26 avril lors du prestigieux marathon de Londres. Elle tenait à ce que la capitale du Royaume-Uni soit le théâtre de sa dernière course, une première présence à Londres depuis 2005, puisque ce parcours restera à jamais identifié à cette grande athlète. Loin de ses chronos du passé, son arrivée en 2 h 36 min 55 s a soulevé les milliers de spectateurs s'étant déplacés pour la voir en action une dernière fois.

C’est là, le 13 avril 2003, qu’elle avait établi le record de vitesse du marathon féminin, arrêtant le chrono à 2 h 15 min 25 s. Dans la catégorie des records d’athlétisme les plus difficiles à battre et les plus susceptibles de ne pas être effacés avant longtemps, celui de Radcliffe occupe la haut du pavé. Il fait penser à la marque de l’Américain Bob Beamon réalisée aux Jeux olympiques de Mexico en 1968. Ce spécialiste du saut en longueur s’était illustré grâce à un bond incroyable de 8,90m. C’était 55 cm de mieux que l’ancienne marque. Son compatriote, Mike Powell, améliorera de 5 cm ce record en 1991, soit 23 ans plus tard!
Paula RadcliffePour le moment, le 2 h 15 min 25 s de Radcliffe tient le coup depuis 12 ans. Aucune coureuse n’a menacé cette marque. Celle qui s’en est le plus approchée est la russe Liliya Shobukhova à Chicago en 2011 (2 h 18 min 20 s). Ce chrono fut cependant effacé dernièrement puisque la Russe a été reconnue coupable de dopage. Radcliffe détient les trois chronos les plus rapides de l’histoire. Le quatrième, celui de la Kényane Mary Keitany, est presque quatre minutes plus lent (2 h 19 min 10 s). Une éternité quoi!

Pour vous donner une idée de l’inaccessibilité et de l’éclat du record de Radcliffe, il suffit de jeter un coup d’œil à la récente histoire chez les hommes. En 2003, le record du monde masculin appartenait au Marocain Khalid Khannouchi. En 2014 seulement, près d’une vingtaine d’athlètes ont battu le chrono de Khannouchi. Mais aucune femme ne s’est approchée de celui de Racliffe depuis plus d’une décennie.

Le parcours londonien a toujours souri à la Britannique qui y a réalisé de grands exploits. À trois reprises (2002, 2003 et 2005), elle y a remporté le marathon. Sa carrière est également marquée de triomphes aux marathons de New York (2004, 2007 et 2008) et de Chicago (2002). À six occasions, elle a gagné l’épreuve de 42,2 kilomètres des Championnats du monde d’athlétisme.

On se souviendra d’elle en raison de ses exploits au marathon, mais Radcliffe a également excellé sur d’autres distances. C’est ce qui fait d’elle une légende de la course à pied. En 2003, l’année de son record, elle a également mis la main sur un troisième titre consécutif au demi-marathon lors des Mondiaux d’athlétisme en plus d’inscrire des records du monde sur route aux 5 kilomètres (14 :29.11) et 10 kilomètres (30 :01.09). À cette époque, elle était tellement dominante qu’on ne se posait même plus la question à savoir si elle remporterait l’épreuve à laquelle elle était inscrite. Si elle était en santé, elle gagnait!

Malgré une carrière couronnée de succès, Radcliffe ne fait tout de même pas l’unanimité lorsque vient le temps lui octroyer une place dans le livre des plus grands athlètes de l’histoire. Elle a une seule mauvaise note dans ses cahiers et elle est importante pour ses détracteurs. La Britannique n’a jamais gagné de médaille olympique. Elle a terminé cinquième au 5 000 mètres d’Atlanta en 1996 et quatrième au 10 000 mètres de Sydney en 2000. En 2004, à Athènes, alors qu’elle est la grande favorite pour le marathon des Jeux, le manque d’hydratation la force à abandonner. Elle rate le marathon des Jeux de Londres en 2008 en raison d’une blessure et terminera 23e à Pékin en 2012, incommodée par une blessure à la hanche.

Paula RadcliffeLes blessures furent le lot de Radcliffe tout au long de sa carrière. Elle dut apprendre à courir malgré la douleur. Une blessure au pied gauche l’a malheureusement accompagnée pendant une dizaine d’années. Sa présence à ce plus récent marathon de Londres relève du miracle puisque de juin 2012 à avril 2013, elle n’était plus capable de courir tellement la douleur était intense à son tendon d’Achille. Elle avait même peine à marcher. Son dernier marathon remontait à celui de Berlin en 2011 (2 h 23 min 46 s). Quelques heures avant le départ, elle confiait encore aux journalistes qu’elle n’était pas certaine de pouvoir compléter la distance de ce qui serait son dernier marathon.


Les succès de Radcliffe s’expliquent par une génétique absolument hors-norme. À l’âge de 17 ans, lors des Championnats du monde junior de cross-country, son VO2 max atteint déjà des sommets (72) qui ne varieront pas beaucoup pour le reste de sa carrière. Elle est également une passionnée de l’entraînement et son éthique de travail est remarquable. Elle peut courir jusqu’à 250 kilomètres par semaine en plus de se soumettre à 3 à 5 heures de traitements divers (massages, étirements, bains de glace, etc) à tous les jours. Pour elle, courir est un métier qui l’occupe à temps plein.

Paula RadcliffeOn se souviendra également de cette formidable coureuse en raison de son style de course. Aucun entraîneur sérieux ne suggérera à ses ouailles de copier la technique de course très peu orthodoxe de la Britannique. Disons qu’elle n’affichait pas une économie de mouvements avec sa tête qui balançait de l’avant vers l’arrière à chacune de ses inspirations, bouche toute grande ouverte. Un peu comme si on la surprenait à ronfler en plein milieu de la course!

La dernière année fut marquée par plusieurs suspensions pour dopage au marathon féminin. De grands noms furent épinglés. Malgré son palmarès étincelant, Radcliffe ne fut jamais mise en doute par qui que ce soit. C’est plutôt elle qui, déjà en 2002, implorait la Fédération internationale d’athlétisme d’effectuer plus de tests auprès des athlètes. Elle souhaitait que les échantillons d’urines et sanguins soient congelés pour permettre une nouvelle vérification lorsque de meilleures technologies de dépistage verraient le jour. La nouvelle retraitée parlait même de l’instauration d’un passeport biologique sept ans avant qu’il ne soit adopté.

Quelle sera la suite?

Que fera Radcliffe maintenant? La verra-t-on courir à nouveau? Après tout, 41 ans, c’est bien jeune. Elle a peut-être annoncé sa retraite de la compétition, mais elle a encore l’intention de courir d’autres marathons. Elle prendra alors le départ avec la masse de participants réguliers et non plus avec l’élite. Elle espère ainsi découvrir la joie de courir pour le plaisir.

Paula Radcliffe
À la fin du marathon londonien 2015, après être passée devant Buckingham Palace, Radcliffe a levé les bras au ciel pour saluer et remercier ses supporters. Son mari et ses deux enfants étaient là à l'attendre. Les larmes coulaient sur ses joues. Un beau moment. Les organisateurs et le co-fondateur du marathon de Londres en 1981, John Disley, ont remis à la grande dame de la course à pied le London Marathon Lifetime Achievement Award.

C’était la première fois que cette récompense ultime était attribuée. Une décision juste pour remercier cette femme qui en a inspiré tellement d’autres à courir et à se dépasser.