Il est un des meilleurs coureurs de fond du Québec et semble carburer aux défis. En janvier 2017, Patrick Charlebois avait participé au très difficile World Marathon Challenge (WMC), une compétition que seulement une poignée d’hommes et de femmes sur la planète ont complétée.  Après avoir couru sept marathons en sept jours sur sept continents, il avait pris la quatrième position au classement général.

 

Un an plus tard, le Trifluvien père de quatre enfants et gestionnaire de portefeuilles à la Banque Nationale est prêt à relever un nouveau défi. Et il est de taille : courir un marathon dans chacune des dix provinces canadiennes en dix jours. Le Canadian Marathon Challenge (CMC). Le coup d’envoi de son odyssée sera donné le 19 mai prochain à Saint-Jean de Terre-Neuve. Pourquoi un tel défi? Qu’est-ce qui le pousse à vouloir se dépasser de la sorte? À quel entraînement s’est-il astreint? Il a très aimablement accepté de répondre à mes questions.

 

Patrick, comment va se dérouler ce nouveau défi canadien?

 

Le coup d’envoi sera donné à St-Jean à Terre-Neuve le 19 mai prochain. Puis, j’enchaînerai avec des marathons à Halifax, Moncton, Charlottetown, Montréal, Toronto, Winnipeg, Régina, Calgary et Vancouver. À noter que mes courses à Halifax et Calgary se feront dans le cadre de marathons officiels organisés dans ces villes. Pour les autres courses, je vais courir sur des parcours en boucle de cinq ou dix kilomètres où les gens pourront se joindre à moi pour la distance qu’ils souhaitent. Tout cela se fera au profit de la Fondation Terry Fox qui finance la recherche contre le cancer en plus de venir en aide aux gens qui en souffrent.  

 

Seras-tu le premier à relever un tel défi?

 

Oui puisque le CMC n’existait pas. C’est une marque que j’ai enregistrée. Il y a des gens qui ont déjà traversé le Canada à la course, mais je ne peux pas me libérer cinq mois pour le faire en raison de mon horaire de travail et ma famille. J’y vais donc pour un gros deux semaines de course.

 

À quel moment cette idée a germé dans ton esprit?

 

Au retour du WMC je me suis mis à la recherche de mon prochain défi. On m’a proposé un paquet de choses, mais il n’y avait rien qui m’allumait véritablement. Je me suis dit que plutôt que de refaire le tour du monde, ce ne serait pas une mauvaise idée de rester au Canada, un si vaste pays, à l’intérieur duquel ce genre de défi peut très bien s’inscrire. Cette année, je serai le seul à courir, mais je souhaiterais beaucoup que ce défi devienne une compétition dès 2019. Que des gens puissent s’inscrire au Canadian Marathon Challenge. De nombreux Canadiens ont participé à des Ironmans, des ultramarathons ou des marathons et sont à la recherche d’un prochain défi. Je crois que ça pourrait être tout un challenge pour ceux qui veulent se dépasser.

 

Patrick CharleboisPourquoi courir pour la Fondation Terry Fox? A-t-il été une inspiration dans ta jeunesse?

 

Totalement. Dès que j’ai décidé de traverser le Canada, ce fut une évidence de m’associer à cette fondation. Lorsque Terry Fox a lancé son marathon de l’espoir en 1980, j’avais 10 ans. C’est beaucoup grâce à lui aujourd’hui si je cours. D’avoir vu ce jeune homme courir sur une seule jambe pour tenter de traverser le pays d’un océan à l’autre me semblait irréel. Il m’a inspiré énormément. J’avais donc 10 ans lorsque j’ai commencé à courir et, 37 ans plus tard, c’est un privilège de m’impliquer pour sa fondation.

 

Lorsque tu avais fait ton tour du monde, tu voyageais avec d’autres coureurs, mais cette fois tu es le seul à courir. Parle-moi de ta logistique de déplacement.

 

Des gens m’accompagneront lors du challenge pour m’aider, entre autres, lors de mes ravitaillements en course. Ils pourront également distribuer de l’eau aux supporters qui viendront courir avec moi. La plupart du temps, nous prendrons des vols commerciaux, sauf pour le segment Halifax-Moncton-Charlottetown où nous utiliserons une voiture. 

 

Sais-tu déjà à quel endroit tu courras à Montréal?

 

Pas encore, mais j’ai mes idées puisque c’est une ville que je connais bien. Le parc La Fontaine pourrait être intéressant. Chose certaine, j’ai déjà des amis proches qui m’ont dit vouloir venir courir avec moi. J’aimerais beaucoup que ce soit sur une boucle de cinq ou dix kilomètres pour permettre au plus grand nombre de gens de m’accompagner sur la distance qu’ils souhaitent. 

 

Patrick CharleboisÀ quoi ressemble l’entraînement d’un marathonien qui se prépare pour un défi d’une telle ampleur?

 

En termes de volume, c’est la même chose que mon entraînement pour le WMC. Ça varie entre 130 à 210 kilomètres par semaine. Je vais également devoir courir des marathons successifs lors de ma période intense d’entraînement. La seule différence se situera au niveau des écarts de températures auxquels j’aurai à me soumettre. Pas besoin cette fois de m’habituer à des variations subites du mercure comme ce fut le cas au WMC. C’est un aspect positif puisque j’aurai moins à sortir de ma zone de confort. D’un autre côté, la distance totale parcourue sera plus importante car je courrai trois marathons de plus qu’au WMC et ce sera sur de l’asphalte et du béton. Deux surfaces dures qui peuvent entraîner des blessures à la longue. Je suis présentement à tester de nouveaux souliers de course avec mon entraîneur. J’aime beaucoup le Hoka One, un soulier maximaliste conçu pour les longues distances. C’est ce que portait le vainqueur du WMC, Michael Wardian.

 

Est-ce que tu as fixé des temps à respecter pour tes dix marathons? 

 

Absolument! Tout sera chronométré et je vise une moyenne de 3 h 30 par marathon. Lors du WMC, j’avais conservé une moyenne de 3 h 14, ce qui n’est pas mauvais si on considère que j’ai eu à affronter le rude climat de l’Antarctique. Mais puisque j’aurai trois marathons de plus à courir au Canada, je vais probablement me ménager en allant légèrement moins vite. Quinze minutes de plus sur cette distance, c’est une énorme différence de cadence pour moi.

 

Crois-tu que ce défi sera plus difficile que le WMC?

 

Il sera différent. Je vais pouvoir dormir un peu plus, ce qui est loin d’être négligeable. Au total, lors du WMC, j’avais dormi seulement 13 heures en une semaine! Les écarts de températures seront également, je le rappelle, moins importants. Mais la distance totale (422 kilomètres) représente le véritable défi. Je m’expose aux risques de blessures. Si je souffre d’une fracture de stress peu de temps après mon départ, mon défi est terminé! Je signale que j’ai eu besoin de quatre mois pour me remettre complètement du WMC.

 

Qu’est-ce qui t’incite à toujours vouloir repousser tes limites?

 

C’est le propre de tous les athlètes en général de carburer aux défis. J’aurais très bien pu relever mon défi sans trop en parler, mais j’ai décidé de m’associer à une bonne cause, une fondation nationale, pour sentir que ce que je faisais pouvait être utile et inspirant. Lors du WMC, j’avais couru pour la Fondation régionale pour la santé de Trois-Rivières. J’aime faire une différence dans la vie des gens. Ça me pousse à me dépasser en utilisant ce talent et cette passion que j’ai pour la course à pied.

 

Patrick CharleboisAs-tu été surpris de l’impact qu’a eu ta participation au WMC au Québec? Tu as prononcé de nombreuses conférences et tu as fait le tour des médias. Tu as même été invité à Tout le monde en parle.

 

Énormément! Et tant mieux puisque ça s’est traduit par de nombreux dons à la Fondation de l’hôpital de Trois-Rivières. J’ai reçu de beaux témoignages partout au Québec et au Canada. Lors d’une course au printemps, lors de laquelle je remettais des médailles, une dame m’avait dit que c’était grâce à moi si elle allait courir son premier marathon. Ça m’avait touché de voir que je pouvais réellement inspirer des gens à se décider à relever leurs propres défis.

 

En terminant, as-tu déjà en tête d’autres défis liés à la course à pied? 

 

J’en ai plein (rires). Je vais commencer par mon défi canadien avant d’annoncer ce qui viendra ensuite. Mais une chose est certaine, j’aimerais beaucoup que ce Canadian Marathon Challenge devienne un événement annuel. Ce serait bien si d’autres coureurs faisaient la même chose l’année prochaine, mais cette fois lors d’une vraie compétition chronométrée. C’est mon souhait.