Peut-être avez-vous suivi ces jours-ci l'ascension du Kilimandjaro par une équipe de grimpeurs regroupant entre autres le chef d'antenne de TVA Pierre Bruneau, ascension réalisée dans le but d'amasser des fonds pour la Fondation Centre de cancérologie Charles-Bruneau. Le sommet a été atteint hier par 27 des 33 membres de l'expédition qui ont pu constater à leur tour que se promener en altitude n'a rien d'une ballade…

Évidemment, pour tous ceux qui ont déjà réalisé ou tenté cette ascension, c'est une foule de souvenirs qui reviennent à la mémoire. Puisqu'on pouvait suivre l'expédition dans le Journal de Montréal, sous la plume de Martin Smith qui en faisait lui-même partie, j'ai eu à répondre quelques fois à cette question ces jours-ci : « Est-ce si difficile que ça? ».

La réponse est simple. Oui. Et pourtant chaque expédition est différente. Les conditions climatiques varient de l'une à l'autre, les routes empruntées ne sont pas les mêmes, les affinités dans les groupes sont différentes mais un facteur reste commun pour tous, c'est la montagne qui mène.

Notre sommet à nous, les membres de l'expédition chapeautée par la Fondation du club de hockey Canadien pour l'enfance, a été réussi en février 2005, le 15 exactement. Déjà trois ans et pourtant il me semble que c'était hier. La route que nous avons alors empruntée, la Western Breach. a été fermée depuis, jugée trop dangereuse après que trois américains y eurent péri en janvier 2006 suite à un éboulement. Pourtant nous étions passées là, un an auparavant, lors d'une journée de Saint-Valentin qui restera à jamais gravée dans nos mémoires. La montée était difficile, l'escarpement important, l'effort très ardu.

Lorsque nous avions débouché dans le cratère au sortir de la partie la plus technique de notre ascension, le spectacle était impressionnant. Un mélange de beauté et d'austérité incroyable, un paysage figé dans les glaces au cœur duquel nous avons passé là l'une des nuits les plus marquantes de notre existence.

Le groupe de la Fondation Charles-Bruneau devait aussi y passer la nuit, atteignant le cratère par une autre voie. Ils ont dû y renoncer, les vents soufflant sur la montagne étant trop important pour y permettre un accès sécuritaire. Ce fut certainement la bonne décision parce que je me souviens des vents qui soufflaient cette nuit-là, des vents qui avaient obligé nos guides et porteurs à attacher les tentes ensemble de peur qu'elles ne s'envolent. J'étais sortie quelques instants au milieu de la nuit, effet du Diamox oblige, et je revois encore ces ombres tranchantes projetées par une lune d'acier, ce vent qui criait à mes oreilles et qui me bousculait sans ménagements, ces falaises de glace qui semblaient terrifiantes dans la pénombre nocturne. Je sentais que la montagne me tolérait à peine et que je devais lui vouer le plus grand des respects.

Je comprends certes l'émotion qu'ont ressenti les grimpeurs lorsqu'ils ont atteint le panneau mythique qui soulignait qu'ils étaient sur le toit de l'Afrique. Mais cette émotion-là ils la revivront avec plus d'intensité encore au cours des prochains jours parce qu'à ce moment-là elle était un peu écrasée par l'effort.

Les cinq membres de l'expédition qui n'ont pu rallier le sommet ont certainement vécu une grande déception, mais il ne faudrait surtout pas que cette déception se double d'un sentiment d'échec. Il n'y a pas d'échec en montagne, il n'y a que des tentatives qui n'aboutissent pas toujours. C'est au contraire une grande victoire que d'avoir la sagesse de reconnaître ses limites, que de passer par-dessus l'orgueil légitime que donne la conquête d'un sommet. Vouloir poursuivre à tout prix c'est non seulement mettre sa sécurité en danger, mais aussi celle des autres. L'humilité est certainement la plus grande leçon qu'une montagne peut donner à l'homme…

Chapeau bas à tous ces grimpeurs, chapeau bas à tous ceux qui se lancent dans la grande aventure d'une ascension. Le Kilimandjaro a la fausse réputation d'être une montagne « facile »…il n'y a rien de facile quand on passe les 5,000 mètres d'altitude. Je suis certaine que le groupe de M.Bruneau aura trouvé force et inspiration dans la cause qu'ils supportent. Pour tous ces jeunes qui portent leur Kilimandjaro en eux