Charles Philibert-Thiboutot, Monsieur demi-fond
Amateurs dimanche, 22 mars 2015. 11:59 samedi, 14 déc. 2024. 05:00Charles Philibert-Thiboutot est un des meilleurs coureurs de demi-fond de sa génération. L’athlète de 24 ans, membre du Rouge et Or de l’Université Laval, complétait sa carrière universitaire lors des plus récents (12 au 14 mars) championnats canadiens d’athlétisme à Windsor, en Ontario. Pour son dernier tour de piste, il souhaitait réaliser un triplé historique en mettant la main sur l’or aux épreuves de 1 000 mètres, 1 500 mètres et 3 000 mètres.
Après avoir connu une saison pleine de succès lui permettant au passage de mettre la main sur le titre d’athlète de l’année sur piste par le Sport interuniversitaire canadien, Philibert-Thiboutot se présentait à Windsor dans le rôle de favori. Malheureusement pour lui, la fin de semaine de compétitions ne s’est pas entièrement déroulée comme il l’espérait.
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Après avoir terminé premier au 1 000 mètres, le coureur de Québec prit le départ du 3 000 mètres à peine 90 minutes plus tard. La courte période de repos n’avait pas permis à Charles de recharger ses batteries si bien qu’il termina deuxième derrière son principal rival, l’Ontarien Ross Proudfoot. Un véritable exploit.
Philibert-Thiboutot misait sur une bonne nuit de sommeil pour se refaire des forces et attaquer sa dernière course au programme, le 1 500 mètres. Une véritable catastrophe s’abattit toutefois sur lui, car il fut foudroyé par les symptômes d’une gastro qui le cloua à un lit d’hôpital. Il fut incapable de participer à la course où il excelle le plus. Malgré tout, quelques jours plus tard alors qu’il se remettait encore des effets de sa gastro, le futur diplômé supérieur en relations publiques a dressé un bilan positif de cette dernière compétition avec le Rouge et Or.
« Mon weekend avait pourtant bien débuté. Je me sentais bien et j’ai remporté le 1 000 mètres. J’avais le vent dans les voiles et je sentais que j’avais un bon momentum pour connaitre une bonne fin de semaine. Puis, lors de la compétition de 3 000 mètres, j’ai terminé deuxième. Je donne cependant le crédit à Ross, car il savait que j’avais les jambes lourdes puisque je venais de courir le 1 000 mètres. Il a utilisé une bonne stratégie pour me battre en partant très vite dès le début de la course. Je n’ai pas réussi à le suivre. D’avoir gagné une médaille d’or et une d’argent en moins de deux heures seulement me satisfait tout de même beaucoup. C’est juste malheureux que ma santé ait périclité par la suite », explique-t-il.
Rien n’avait été laissé au hasard dans l’entraînement du jeune coureur en vue de sa dernière saison intérieure aux couleurs du Rouge et Or de l’Université Laval. Il s’était rendu en Floride pendant l'hiver pour s'y préparer. De dures journées de travail. "Je courais en moyenne 150 kilomètres par semaine à raison de deux ou trois sorties par jour. Je faisais également des intervalles deux fois par semaine et une longue course progressive d’une vingtaine de kilomètres qui se terminait à un rythme de trois minutes du kilomètre. Des séances de musculations s’ajoutaient également à mon entraînement ce qui fait que je ne chômais pas. »
Lorsqu’on lui demande de réfléchir à sa carrière universitaire, Charles n’hésite pas longtemps avant de citer le plus beau moment vécu. Il choisit de s’effacer et de parler d’une performance d’équipe survenue en 2012, lors d’une compétition à London, en Ontario. Les athlètes du Rouge et Or participaient au championnat canadien de cross-country. Ils étaient les négligés et Charles souhaitait terminer sa course parmi les huit premiers. « J’étais parti avec le groupe de tête et je sentais que ma course n’allait pas bien. Je suis passé du groupe des meneurs à la 14e place dans le dernier kilomètre et demi. J’ai peiné sur les derniers mètres et suis presque tombé sans connaissance au fil d’arrivée. Le simple fait d’avoir réussi à terminer me rend fier. Je l’ai fait pour pouvoir donner des points à mon équipe, sinon j’aurais certainement arrêté, car j’étais dans un état lamentable. Tous les gars de l’équipe avaient compétitionné dans cet état d’esprit si bien que nous avions tous eu de bons résultats. À la surprise générale, nous avons finalement terminé deuxièmes au classement général, ce que peu d’experts avaient prédit. Je vais toujours m’en rappeler, car, à mes yeux, ça vaut plus cher que des médailles individuelles. »
Le jeune retraité du circuit universitaire estime qu’il y a encore beaucoup de travail à faire au Québec pour promouvoir l’athlétisme et encourager les jeunes talents à poursuivre leur carrière. Il croit toutefois que la Fédération québécoise d’athlétisme en est consciente. « Ce qui est malheureux, c’est que nous avons de très bons athlètes qui excellent au secondaire, mais ils se retrouvent devant le néant lorsque vient le temps de poursuivre leurs parcours sportifs au CÉGEP. S’ils ne sont pas déjà au sein d’une structure civile, rien ne les encourage à continuer jusqu’à l’université. Heureusement, je crois que les choses iront en s’améliorant », ajoute-t-il.
Au niveau canadien, il évalue que l’athlétisme se porte bien et est en bonne santé. Il se montre honnête et concède que le circuit universitaire dans lequel il compétitionne avec ses collègues du Rouge et Or n’est pas aussi dominant que son vis-à-vis américain (NCAA). Toutefois, depuis quelque temps, les universités canadiennes commencent à être capables de retenir les meilleurs talents en athlétisme, évitant ainsi de les voir s’exiler aux États-Unis. « Je suis réaliste. Les équipes d’athlétisme universitaires canadiennes n’ont pas autant de profondeur que celles des États-Unis, mais je crois que les meilleurs d’ici sont capables de rivaliser avec les meilleurs de la NCAA sans problèmes. Pour ce qui est du Québec, nous n’avons pas la même profondeur que dans les autres provinces en termes de participation. C’est la raison pour laquelle il y a souvent une université québécoise qui est très dominante au championnat provincial puisqu’elle attire les meilleurs espoirs. »
Le nerf de la guerre pour tout athlète amateur, c’est de trouver un appui monétaire lui permettant une relative indépendance financière. Il peut ainsi se consacrer entièrement à son entraînement et offrir le meilleur de lui-même. De bons résultats et une progression des performances sont en liens directs avec le volume d’entraînement, mais tout cela coûte cher. Philibert-Thiboutot a la chance de pouvoir compter sur l’équipementier sportif ASICS comme commanditaire majeur. « Ils sont très généreux et cela m’aide beaucoup. Chaque année, je sauve des milliers de dollars en équipement grâce à eux. C’est un fardeau en moins pour moi de savoir que lorsque j’ai une paire de souliers trop usée, je n’ai qu’à leur envoyer une petite note et les dirigeants s’empressent de m’en faire parvenir une nouvelle paire. Je me sens privilégié de pouvoir compter sur leur appui financier en plus d’obtenir des bonus de performances. C’est une belle motivation supplémentaire pour un athlète comme moi de savoir qu’ASICS a confiance en moi », reconnait-il.
Maintenant que sa carrière universitaire est terminée, le coureur de Québec n’entend pas ralentir pour autant. Déjà détenteur d’un baccalauréat en administration, il souhaite obtenir son diplôme supérieur en relations publiques à l’Université Laval. Les prochains mois le verront également aborder une carrière civile et professionnelle sportive puisqu’il se consacrera à sa spécialité, le 1 500 mètres. Il aimerait beaucoup pouvoir s’entraîner à temps plein et vivre de la course à pied avec, comme objectif avoué, des participations à des réunions internationales d’athlétisme : championnats nord-américains et mondiaux, Jeux du Commonwealth et, éventuellement, les Jeux olympiques. « Je vais également essayer de participer à des courses de circuits professionnels en Europe l’été ou à l’intérieur aux États-Unis en hiver. Pour le moment, je me fixe des objectifs à courts ou moyens termes, mais j’avoue que mon objectif principal demeure les Jeux olympiques. Je dois toutefois améliorer mon chrono au 1 500 mètres puisque je suis à deux secondes du standard olympique (3 :36.2) et tout me laisse croire que je serai capable de l’atteindre dès cet été. Cela me permettrait également de participer aux Mondiaux d’athlétisme, à Pékin, en août. Entretemps, je veux bien faire en juillet prochain aux Jeux panaméricains qui seront présentés à Toronto », conclut-il.
Après les Jeux olympiques de RIO, Charles Philibert-Thiboutot évaluera si le moment est venu d’allonger ses distances. Déjà, il s’estime capable de courir un 10 000 mètres en moins de 30 minutes et un demi-marathon en 1h06. Une chose est certaine, c’est qu’il représente un des plus beaux espoirs du Québec et du Canada en demi-fond sur la scène internationale. À seulement 24 ans, déjà détenteur de records québécois sur plusieurs distances, ses meilleures années de courses sont devant lui.