Retour sur les 10 ans de l'Opération Cobra
Patinage de vitesse mercredi, 22 avr. 2020. 16:53 mercredi, 11 déc. 2024. 09:42Des entraînements faits en secret pendant deux ans, une stratégie surprise dévoilée en finale olympique et de vieux films d’action de Kurt Russell. Voilà tous les ingrédients de l’Opération Cobra, le nom de code donné par les patineurs de vitesse courte piste canadiens à leur stratégie qui leur a permis de monter sur la plus haute marche du podium au relais masculin des Jeux de Vancouver de 2010.
Une décennie après ce titre olympique, Sportcom présente en deux volets ce qui a mené à cette course d’anthologie et comment cette finale a été vécue de l’intérieur par Charles Hamelin, François-Louis Tremblay et Olivier Jean qui étaient de cette aventure en compagnie de François Hamelin et de Guillaume Bastille (substitut de la finale).
Aujourd’hui, retour sur des années de préparation qui ont mené à la victoire du 26 février 2010.
Trop gros pour être vrai
Opération Cobra. Non, ce n’est pas le nom d’un épisode de G.I. Joe, mais bien celui du projet secret du relais canadien masculin. Le quatuor canadien était un des meilleurs au monde à l’époque, mais il ne voulait plus se faire coiffer au fil d’arrivée. Et encore moins dans une finale olympique qui serait disputée au Canada.
« Nous trouvions ça ridicule comme nom pour une opération secrète. C’était trop gros pour être vrai, raconte François-Olivier Tremblay en riant. On a fait le signe du cobra une fois sur le podium, alors que les autres patineurs ne savaient sûrement même pas encore ce qui s’était passé. »
Être les plus forts à la fin
Olivier Jean est l’instigateur de l’Opération Cobra. Il est aussi celui qui lui a donné son nom, une référence aux films Escape from New York et Escape from L.A., mettant en vedette Kurt Russell dans le rôle du justicier Snake Plissken, qui a un cobra tatoué sur le ventre. Ce que Jean voulait avant tout, c’était de tirer au maximum les qualités de chaque membre de l’équipe.
« Charles Hamelin était le patineur le plus fort au monde en endurance, mais ce n’était pas lui qui avait les deux meilleurs derniers tours. Aux deux derniers tours, où il fallait changer les tracés et bloquer les adversaires dans la glace usée, le meilleur, c’était François-Louis. Par contre, à la fin, il était tout le temps fatigué. Il fallait donc le reposer. »
La stratégie était donc la suivante : dans la dernière portion de la course de 5000 mètres, Tremblay sauterait un relais et les trois autres patineurs se partageraient le travail en faisant des relais de deux tours au lieu d’un et demi. Les Canadiens pourraient aussi miser sur la confusion que cela créerait chez les autres équipes et reposer leur dernier relayeur.
La tactique avait germé dans l’esprit d’Olivier Jean depuis plusieurs années. Il l’avait même présentée à l’entraîneur de l’équipe canadienne, Guy Thibault, avant les Jeux de Turin (2006). Si celui-ci avait trouvé le plan intéressant, il ne l’avait pas adopté.
« Toutes les équipes font la même stratégie alors que dans tous les autres sports, elles les adaptent selon les forces et les faiblesses de leurs athlètes. Avant Turin, les Coréens étaient imbattables avec Viktor Ahn qui faisait les deux derniers tours les plus rapides. Mon idée était donc de fatiguer leur dernier relayeur », se souvient Jean, qui n’était pas à Turin. Le Canada y avait vu son dernier relayeur Mathieu Turcotte se faire souffler la victoire… par un Sud-Coréen.
« Quasiment un secret national ! »
Pour le cycle olympique des Jeux de Vancouver, Jean est revenu à la charge auprès du nouvel entraîneur canadien Derrick Campbell. L’idée de ce relais modifié n’était pas nouvelle, mais elle avait rarement été mise en pratique comme le souligne Tremblay.
« Nous l’avons essayée aux mondiaux par équipes en 2006, tout de suite après les Jeux de Turin, et ç’a fonctionné. On a donc mis ça dans le tiroir pendant quatre ans afin que personne ne s’en doute. C’était passé sous le radar et c’est à l’été 2009 que nous avons commencé à la remettre en pratique. Là, c’était l’opération secrète. On ne voulait pas que personne ne se doute de quelque chose. Je me souviens, je n’en avais même pas parlé à mes parents. Personne ne le savait, sauf l’équipe, les entraîneurs et les coéquipiers d’entraînement. »
Si le Canada était en tête de course avec moins de 20 tours à faire dans la finale olympique de Vancouver, l’Opération Cobra serait enclenchée.
« La chose la plus difficile pour nous, c’était de garder la stratégie secrète », se remémore Charles Hamelin, ajoutant que l’équipe a pleinement profité de l’avantage du terrain.
« Pendant les Jeux, nous nous sommes assurés que personne ne soit à l’aréna d’entraînement. Il y avait des gardes à chacune des portes et personne ne pouvait entrer ou filmer. Nous avons été très stricts et c’était quasiment un secret national ! » lance-t-il en riant.
Tout était rodé au quart de tour à l’entraînement. Restait maintenant à mettre l’opération en marche.