Patrice Godin: courir longtemps
$content.firstChildCategorie mercredi, 9 juil. 2014. 21:34 mercredi, 9 oct. 2013. 18:42Il est un des acteurs les plus en vue au Québec et excelle dans les rôles qu’il défend. Pourtant, si vous demandez à Patrice Godin le costume qu’il préfère porter, il vous répondra fort probablement que c’est celui de coureur. Il fait partie d’une race rare chez les coureurs, les ultramarathoniens!
L’ultramarathon fascine bien des gens, moi le premier. Imaginez, les participants doivent courir 100 miles (160 kilomètres) sur des terrains accidentés. Des épreuves qui durent souvent plus de 24 heures. Déjà très populaires aux États-Unis, quelques-unes de ces courses d’endurance commencent à s’implanter au Québec.
Il y a quelques jours, Patrice et moi nous sommes donnés rendez-vous à La Prairie pour une petite course amicale d’entraînement. J’ai cherché à en savoir un peu plus sur les motivations pouvant pousser un être humain à courir une aussi longue distance.
« Je ne cours pas depuis très longtemps. En fait, j’ai commencé il y a environ cinq ans. J’avais alors 40 ans et j’étais un fumeur invétéré. Je voulais me mettre en forme. Lorsque ma petite fille de 2 ans a commencé à m’imiter en train de fumer, je me suis dit que c’était assez. Je me souviens très bien du moment, en mars 2008, où j’ai fait la promesse à ma plus vieille que c’était fini! Et puisque je ne suis pas le genre de gars à porter un timbre à la nicotine sur une épaule, je me suis investi dans la course à pied. J’ai ma routine. À mon réveil, j’enfile mes vêtements et chaussures de course et je pars courir dès que mes filles sont à l’école», révèle-t-il.
Son parcours de coureur est assez singulier et atypique puisqu’il a rapidement augmenté ses distances en peu de temps. Sourire en coin, il avoue qu’il ne recommanderait pas à d’autres coureurs de suivre son exemple.
« Je me souviens très bien de ma première course. C’était le 10 kilomètres du Parc Lafontaine. Je n’avais pas encore cessé de fumer mais je voulais me tester. Par la suite, les distances ont rapidement déboulées! Un demi-marathon, un 30 kilomètres puis le marathon de Montréal en 2008. Je me souviens que cela avait été catastrophique puisque je m’étais mal entraîné si bien que j’ai terminé la course en 4h25. Je m’étais cependant repris à Ottawa le printemps suivant en plus de faire quelques courses en sentiers», explique Patrice.
Lorsqu’on lui demande si quelqu’un l’a influencé pour courir de plus longues distances il répond par la négative. En fait, c’est à la lecture d’un magazine spécialisée sur la course à pied (Runner’s World) qu’il a pris sa décision.
« Il y avait une publicité dans le magazine au sujet de la course Western State Hundred, en Californie. Une course de 100 miles dans le bois. Je ne savais même pas que ça existait. Je me suis alors dit que j’allais participer à ce genre de course une fois dans ma vie. C’était devenu mon objectif », se souvient-il.
En septembre 2010, Patrice participe au Vermont 50. Il parcourt les 80 kilomètres en forêt sans trop de problèmes et annonce à son épouse qu’il se sent prêt pour la grosse course de 100 miles l’année suivante. Il lui promet également que son entraînement ne nuira pas aux activités familiales. «J’ai la chance d’avoir un horaire flexible grâce à mon métier d’acteur. Je prends même la peine d’envoyer l’horaire de mes épreuves de course à mon agent pour m’assurer que mes tournages n’entrent pas trop en conflit avec mon sport préféré ».
L’acteur québécois s’entraîne du mieux qu’il le peut en prévision de cette première course de 100 miles. Sa participation à l’épreuve de 50 miles lui avait donné un aperçu de ce à quoi il pouvait s’attendre. «Je ne suivais aucun plan d’entraînement précis. J’y allais selon mon feeling en m’assurant d’augmenter mes distances au fur et à mesure que la grande épreuve approchait. J’avais lu beaucoup d’articles dans des revues spécialisées et y allait au pif. Je faisais beaucoup de kilométrage dans les sentiers du Mont Saint-Bruno ou du Mont Saint-Hilaire. Parfois plus de 500 kilomètres par mois! Je savais que je devais travailler sur mon endurance plutôt que ma vitesse ».
En juillet 2011, il se présente donc au départ du Vermont 100. À 4h du matin, il amorce la plus longue course de sa vie. Son épouse et ses deux filles sont là pour l’encourager de même que deux amis qui vont l’attendre au 70e mile pour lui dicter le rythme à suivre lors des 30 derniers miles. La course se passe bien et Patrice terminera en 23h29. Il est extrêmement fier de lui puisqu’il voulait compléter ce très long parcours en moins de 24h!Plutôt qu’une médaille, on lui remet la traditionnelle boucle de ceinture aux couleurs du Vermont 100.
« La première affaire que je me suis dit après avoir franchi le fil d’arrivée fut…plus jamais! Mais deux jours après, j’étais déjà prêt à me réinscrire », se souvient-il en riant!
Depuis, Patrice a participé à cinq autres courses de 100 miles. Il en terminera trois. Il explique que les abandons ne sont pas rares dans ce genre de courses extrêmes. « Je n’ai pas terminé le Virgil Crest de 2012 car j’étais blessé. Je me suis arrêté au 50e mile. Cette année, j’ai décidé d’arrêter au 60e mile de la même épreuve car j’étais fatigué mentalement. Ca ne me tentais tout simplement plus »!
On peut comprendre que l’aspect psychologique des ultramarathons est très important. Difficile de demeurer motivé tout au long des 160 kilomètres du tracé. Il donne l’exemple de sa dernière présence au Massanutten 100, en mai 2013, alors qu’il avait décidé de s’inscrire seulement deux semaines avant l’épreuve.
« Je n’avais pas l’intention de le faire. Je venais de recommencer à courir car je m’étais blessé au mois de mars. Ca n’a pas été facile. 28h48 seul dans le bois dans des sentiers de roches qui serpentent dans les montagnes, c’est long longtemps ».
Un de ses rêves serait de participer au Western States 100 puisque c’est certainement l’ultramarathon le plus prestigieux qui soit. Cela revient à se qualifier pour Boston pour un marathonien. Pas facile d’y être invité cependant puisque c’est une loterie qui détermine la liste des coureurs. Son nom se retrouve à trois reprises dans le boulier utilisé pour le prochain tirage. Il se croise les doigts.
Lorsque je demande à Patrice pourquoi il aime autant courir, il prend une pause. Son regard se fait plus sérieux. On a l’impression de toucher à quelque chose de sacré chez lui. « J’ai toujours eu un côté très solitaire. J’aime être seul dans le bois. Lors de mes longues courses, il y a des moments de grâce ou tout devient clair dans ma tête. Par exemple, au Vermont 100, nous n’étions que 300 coureurs. Un espace se creuse rapidement entre les participants et tu te retrouves seul pendant de longues périodes. Mettons que ça te permet de mettre de l’ordre dans tes idées. Pourtant, même si c’est un sport solitaire, la course me permet de faire plein de rencontres intéressantes ».
Il compte maintenant s’offrir quelques semaines de repos avant de reprendre l’entraînement pour des ultramarathons l’an prochain. Entretemps, il dit vouloir s’amuser en courant des distances plus courtes. Il participera, entre autres, au demi-marathon des micro-brasseries dans la Vallée-du-Richelieu, le 10 novembre prochain. Il a accepté d’être le porte-parole de l’évènement.