Le 13 août 2019, la Fédération internationale de canoë (FCI) a accusé la canoéiste Laurence Vincent Lapointe d’avoir commis une violation aux règles antidopages et lui a imposé une suspension provisoire après qu’elle ait subi un test de contrôle hors compétition qui révélait la présence de ligandrol. Il s’agit d’une substance interdite se trouvant sur la Liste des interdictions de l'Agence mondiale antidopage (AMA). Selon le Code mondial antidopage (CMA), la présence d’une substance interdite constitue une infraction dont la conséquence est une de suspension de 4 ans.

Subséquemment, Vincent Lapointe a contesté l’accusation et elle a été entendue le 9 décembre 2019 devant le tribunal arbitral de première instance de la FCI. Le 27 janvier 2020, la FIC a reconnu qu’elle n’avait pas consommé intentionnellement ou sciemment la substance interdite trouvée dans son échantillon et a levé la suspension provisoire qui lui avait été imposée le 13 août 2019.

Est-ce que la violation aux règles antidopages a été annulée?

Une violation des règles antidopages survient quelle qu’ait été l’intention de l’athlète. En effet, les athlètes sont soumis à un système de responsabilité objective et ils sont entièrement responsables de toute substance interdite présente dans leurs échantillons, et ce, peu importe comment elles s’y sont retrouvées. En revanche, la responsabilité objective ne s’applique pas à la détermination de la sanction appropriée et l’athlète bénéficie d’une certaine souplesse à ce niveau.

Comme l’athlète est objectivement responsable de ce qui se trouve dans son échantillon, une règle antidopage est enfreinte dès qu’une substance interdite est décelée dans son prélèvement corporel, et ce, même si la sanction est éventuellement réduite ou éliminée.

Comment le tribunal arbitral détermine la sanction appropriée?

a.    Analyse de la source et de l’intention

Du moment où une substance interdite a été dépistée dans ses échantillons, Vincent Lapointe était présumée avoir intentionnellement enfreint les règles antidopages et une suspension automatique de 4 ans s’appliquait. Le tribunal pouvait néanmoins réduire cette suspension à 2 ans si Vincent Lapointe prouvait par prépondérance des probabilités que sa violation n’était pas intentionnelle. Mais avant de prouver que sa violation n’était pas intentionnelle, elle devait établir de quelle façon la substance interdite avait pénétré dans son organisme. Le prérequis de toute défense est de trouver la source et de quelle façon la substance interdite s'est retrouvée dans son corps. Partant de ce principe, le tribunal doit être convaincu que l’explication fournie par l’athlète est plus probable qu’improbable, c’est-à-dire qu’il existe une probabilité supérieure ou égale à 51% que les circonstances alléguées se soient produites.

Dans ce cas-ci, Vincent Lapointe alléguait ne pas avoir consommé intentionnellement ou sciemment la substance interdite trouvée dans son échantillon, soulevant le scénario de la contamination. À ce titre, un expert a confirmé que la faible quantité de ligandrol détectée dans l’organisme de Vincent Lapointe pouvait provenir d’une transmission de fluides corporels entre elle et son ex-conjoint. D’ailleurs, une analyse de cheveux a révélé que son ex-conjoint avait consommé un produit avec une haute teneur en ligandrol le 25 juillet 2019, soit quatre jours avant son contrôle. La FIC a accepté que Lapointe Vincent n'avait pas sciemment consommé la substance interdite.

Ce type d’explication fondée sur la contamination par inadvertance a déjà été soulevé dans des décisions antérieures, notamment dans le dossier du relayeur américain Gil Roberts. Rappelons que le 24 mars 2017, Roberts avait fait l'objet d'un contrôle antidopage positif au probénécide. L'agence américaine antidopage (USADA) avait accepté l’explication fournie par Roberts selon laquelle il avait ingéré le probénécide involontairement en « embrassant fréquemment et passionnément » sa fiancée dans les jours précédents son contrôle. Il appert que sa fiancée avait consommé un médicament en Inde contenant du probénécide quelques semaines avant le contrôle réalisé le 24 mars 2017.

b.    Analyse du degré de la faute

Il existe subséquemment des possibilités de réduction additionnelle selon le degré de faute. Aux termes du CMA, le degré de la faute s’analyse par le niveau de diligence adopté ainsi que par les précautions prises pour éviter tout risque d’ingestion d’une substance interdite.

Du moment où l’athlète réussit à démontrer que son infraction n’était pas intentionnelle, en plus d’établir son absence de faute ou de négligence significative, sa sanction minimale est une réprimande alors que sa sanction maximale est une suspension de 2 ans, et ce, selon de la gravité de sa faute. Une suspension peut donc être totalement éliminée lorsqu’il y a une absence de faute ou de négligence de la part de l’athlète.

Dans le cas de Roberts, le tribunal avait choisi de ne pas le suspendre en raison de son absence de faute, car il ne pouvait raisonnablement ne pas savoir qu’il avait ingéré la substance interdite en embrassant sa fiancée.

Dans le cas de Vincent Lapointe, le tribunal a aussi conclu qu’il s’agissait d’une situation d’absence de faute.

La décision de la FIC peut-elle faire l’objet d’un appel?

L’AMA ou le Centre canadien pour l’éthique dans le sport (CCES) dispose d’un délai de 21 jours pour présenter une déclaration d’appel devant le Tribunal arbitral du sport (TAS) suivant la réception de la décision motivée de la FIC.

C’est d’ailleurs ce qui s’était produit dans le dossier Roberts. Le 24 août 2017, l’AMA avait fait appel devant le TAS de la décision de USADA relative à Roberts, mais le TAS avait rejeté cet appel le 25 janvier 2018. À ce sujet, il est intéressant de mentionner que l’un des avocats de l’AMA dans le dossier Roberts était Me Adam Klevinas, lequel représente actuellement Lapointe Vincent.

Dans ces circonstances, la décision de la FCI pourrait possiblement être sujette à un appel devant le TAS. Or, les délais avant qu’un jugement (favorable ou défavorable) ne soit rendu par le TAS pourraient constituer un obstacle à la participation de Vincent Lapointe aux Jeux olympiques de 2020.