La juge Masipa a rendu aujourd’hui son verdict final dans le dossier Oscar Pistorius et ce, six mois après l’institution du procès pour le meurtre de Reeva Steenkamp. D’entrée de jeu, pour qu’un accusé soit reconnu coupable, il doit avoir commis un acte illégal en plus d’avoir l’état d’esprit nécessaire pour commettre cet acte. Rappelons que Pistorius prétendait avoir tiré dans la porte de toilettes croyant qu’un cambrioleur s’y trouvait et qu’il avait commis une erreur en visant sa copine.

Dans les circonstances, il faut comprendre que Pistorius pouvait être trouvé coupable de meurtre prémédité, de meurtre au deuxième degré ou d’homicide involontaire. Un meurtre avec préméditation exige non seulement une intention de tuer, mais aussi la planification de tuer alors qu’un meurtre au deuxième degré exige la commission d’un acte illégal accompagné de l’intention de causer la mort seulement. En revanche, un homicide involontaire ne nécessite pas la préméditation, l’intention et la planification de tuer.

Hier, dans un monologue d’environ 5 heures, la juge Masipa a acquitté Pistorius des accusations de meurtre prémédité et de meurtre au deuxième degré qui pesaient contre lui. Parmi les motifs énoncés dans sa décision, la juge Masipa a indiqué qu’elle ne pouvait déclarer Pistorius coupable de meurtre prémédité, car elle n’était pas convaincue hors de tout doute raisonnable qu'il avait l'intention de tuer Reeva et que ce meurtre avait été commis avec préméditation. Ici, la préméditation se définit tel un projet bien arrêté et dont la teneur et les conséquences ont été soupesés et évalués. En l’espèce, la poursuite n’a pas permis de démontrer que Pistorius avait planifié ce meurtre, ni d’établir qu’il l’avait commis intentionnellement. En conséquence, Pistorius a échappé à l’emprisonnement à perpétuité.

Quoiqu’il en soit, Pistorius a aujourd’hui été reconnu coupable d’un homicide involontaire, un verdict passible d’emprisonnement. D’une perspective juridique, l’homicide involontaire est moins répréhensible que le meurtre. Notons qu’en droit sud-africain, il s’agit d’un crime dont la peine est laissée à la discrétion du tribunal, c’est-à-dire que la législation ne prévoit pas de peine d’emprisonnement spécifique. Étant donné son caractère discrétionnaire, il est donc possible que Pistorius échappe à l’emprisonnement. La jurisprudence révèle toutefois qu’une peine d’emprisonnement entre 5 et 10 ans est fréquente pour ce type d’infractions.

Au soutien de sa décision, la juge a ressorti que la version de Pistorius présentait plusieurs incohérences tout en prétendant que sa réaction avait été démesurée et excessive dans les circonstances entourant l’évènement du 14 février 2013. En effet, elle croit que ce dernier aurait dû, après avoir entendu du bruit dans les toilettes, appeler des renforts ou crier plutôt que de prendre son arme et tirer. Elle précise que Pistorius savait ou devait savoir que l’utilisation de son arme pouvait potentiellement entraîner la mort de la personne se trouvant derrière la porte et qu’au surplus, il ne lui était pas nécessaire de tirer 4 fois. De telle sorte que la juge Masipa reproche à Pistorius d’avoir agi de manière négligente et de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour éviter ce drame.

En bref, la poursuite devait prouver hors de tout doute raisonnable que Pistorius avait commis un acte illégal ayant causé la mort de Steenkamp et que cet acte était objectivement dangereux. Ainsi, il devait être démontré qu’un élément moral était rattaché à la conséquence de cet acte. Pour ce faire, la juge Masipa devait essentiellement se demander si une personne raisonnable se trouvant à la place de Pistorius aurait pu soupçonner ce risque et aurait été consciente que ses gestes pourraient potentiellement causer la mort. Elle devait au surplus examiner si Pistorius avait réfléchi aux conséquences de sa conduite et s’il saisissait que par sa conduite illégale, il en découlerait un risque de mort probable tout en ayant la capacité de percevoir ces risques. Si les réponses à cet examen avaient été négatives, Pistorius aurait pu être acquitté. Or, la juge Masipa en a jugé autrement aujourd’hui en concluant que Pistorius avait la capacité requise pour se rendre compte du danger et qu’il saisissait bel et bien le risque de mort que comportait le maniement d’une arme à feu chargée. Il aurait dû agir en sachant que son utilisation appelle une plus grande prudence que d'autres types d’activités. En l’espèce, Pistorius a manipulé son arme de manière téméraire et ce, au point de causer la mort de Steenkamp.

Bien qu’il ait été aujourd’hui déclaré coupable d’homicide involontaire, Pistorius ne sera pas condamné immédiatement. En effet, sa sentence sera connue plus tard lors d'une audience qui se tiendra spécifiquement pour déterminer sa peine.