La décision récente de l’Agence mondiale antidopage (AMA) de lever la suspension de la Russie est très loin d’avoir fait l’unanimité. Un tollé de protestations s’est fait entendre à la grandeur de la planète sportive puisque l’Agence russe antidopage (RUSADA) réintègre les rangs même si elle est loin d’avoir satisfait aux exigences de la feuille de route initiale de l’AMA.

 

Elle devait reconnaitre les conclusions du rapport préparé en 2016 par le Canadien Richard McLaren sur l’existence d’un système institutionnel et étatique de dopage entre 2011 et 2015 en Russie. À noter que ces conclusions avaient été confirmées par une autre enquête indépendante, celle du Suisse Denis Oswald,  en décembre dernier.   Il était clair que des hauts gradés du ministère des sports russes avaient comploté pour couvrir des cas de dopage chez leurs athlètes.

 

La RUSADA devait également permettre l’accès à la base de données électronique  du laboratoire antidopage russe de même qu’aux échantillons qui s’y trouvaient. Ce laboratoire avait été fermé dans la foulée du scandale de 2015. Dans tous les cas, les Russes ne l’ont pas fait.

 

Peu importe, neuf des douze membres votant de l’AMA ont voté en faveur de la réhabilitation des Russes. La vice-présidente de l’organisme, la Norvégienne Linda Helleland, s’y est opposée en mentionnant que : « l’AMA avait échoué à l’égard des sportifs honnêtes dans le monde. » La crédibilité de l’organisme chargé de dépister les tricheurs du sport s’en trouvait sérieusement entachée.

 

Cette décision ne signifiait pas que tous les athlètes russes pouvaient réintégrer les plateaux de compétitions. Les différentes fédérations sportives auraient à prendre la décision.

 

C’est ce que vient d’accomplir la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF)  grâce à un énoncé clair et précis stipulant qu’elle avait ses propres critères pour réintégrer la Russie dans son giron et qu’elle ne se sentait absolument pas tenue par la décision de l’AMA de lever la suspension.

 

À tout cela je dis un grand bravo! L’IAAF est l’une des plus importantes fédérations sportives au monde et il est rassurant de la voir se tenir debout. Elle démontre clairement son indépendance.

 

Dmitri Chliakhtine

 

Tout cela ne plait pas aux Russes qui ont décidé de porter l’affaire devant le tribunal arbitral du sport (TAS). Selon le président de la Fédération russe d’athlétisme (RUSAF), Dmitri Chliakhtine, l’appel déposé demande la nullité de la feuille de route qui a été imposée à la RUSAF depuis la réunion du dernier conseil de l’IAAF. L’organisme gérant l’athlétisme mondial pose les mêmes exigences initiales que celles de l’AMA et s’attend à ce que les Russes collaborent.

 

Monsieur Chliakhtine crie au scandale et avance que tout cela est illégal et ne relève pas des compétences de la RUSAF. Selon lui, les critères restants pour la réintégration de la RUSAF étaient identiques à ceux que le comité exécutif de l’AMA avait considérés comme atteints. Dans une lettre envoyée au président de l’IAAF, Sebastian Coe, il précise que son organisation a respecté le délai imposé de deux mois avant de pouvoir loger appel tout en espérant que l’IAAF réagisse positivement en levant la suspension.  Malheureusement pour lui, ce ne fut pas le cas et l’IAAF a choisi de la prolonger.

 

Je crains maintenant la suite. Un comité de l’IAAF a été chargé d’évaluer si la Russie a effectivement enregistré des progrès. Il  étudiera au cours des prochaines semaines si la décision de l’AMA et les nouvelles conditions qu’elle a exigées sont légitimes. Il devrait remettre son rapport au début du mois de décembre lors de la prochaine réunion du conseil de l’IAAF. 

 

Selon moi, la Fédération internationale d’athlétisme ne peut pas se permettre de réintégrer tous les athlètes russes si les dirigeants sportifs de ce pays persistent à ne pas reconnaitre leurs torts. De tous les sports, l’athlétisme est un de ceux qui a été le plus durement touché par des cas de dopage. Le doute s’installe dans la tête des amateurs dès qu’un record est réalisé. L’IAAF ne peut pas accepter de compromis et doit se montrer ferme face aux tricheurs. Encore plus lorsque c’est un état qui enfreint les règles.

 

À ce jour, la Russie a seulement accepté de collaborer avec les entités sportives mondiales pour freiner l’utilisation de substances interdites, mais continue de nier avec véhémence sa participation dans un système de dopage étatique. L’avouer reviendrait pour eux à perdre la face.

 

Malgré la bataille juridique qui s’annonce, il est à souhaiter que l’IAAF ne plie pas les genoux face à cet adversaire redoutable.