Il m’arrive parfois de chercher un sujet de chronique lorsqu’il me tombe simplement dessus, comme un cadeau du ciel.

C’est le cas cette semaine et je tiens à remercier ce coureur qui saura se reconnaître et avec qui j’ai fait quelques foulées sur la piste d’athlétisme du Parc de la Voie maritime à Saint-Lambert. Je ne le nomme pas, car je crois qu’il n’a pas apprécié le ton légèrement acerbe et découragé de mes réponses à ses affirmations.

Il m’en a dit des choses pendant notre dizaine de tours de piste. Assez pour que je réalise que certains coureurs ont vraiment beaucoup de difficultés à s’autoévaluer. Ce n’est pas la première fois que j’écris à ce sujet!

En gros, ce trentenaire m’apprenait qu’il s’était découvert une passion pour la course à pied l’année dernière, qu’il courait cinq fois par semaine, qu’il avait changé son alimentation et qu’il avait perdu du poids. Je n’avais d’autre choix que de le croire sur parole.

Il venait de participer à sa première course organisée avec dossards et avait terminé l’épreuve de 10 kilomètres en 45 minutes et des poussières. Il s’était déjà inscrit à un demi-marathon à l’automne où il voulait terminer en 1h35 et entendait franchir la distance d’un premier marathon au printemps 2020 en 3h10.

Lorsque je lui demandai sur quoi reposaient ses calculs de temps, il me répondit simplement qu’il multipliait son chrono de dix kilomètres par deux ou par quatre. Ainsi, s’il avait maintenu une vitesse de 4:30/km au dix kilomètres, cela lui donnait les chronos dont il venait de me parler au demi et au marathon. « C’est pourtant simple », me dit-il en me toisant de haut.

Pourtant non! C’est là que je décidai de le larguer en accélérant suffisamment pour qu’il soit incapable de parler.

Un calcul difficile

J’aurais pu m’obstiner et lui répliquer sèchement que mes vingt ans de course à pied m’ont permis de constater que de nombreux coureurs, comme lui, sont incapables de calculer combien ils valent sur des distances plus longues que celles déjà réalisées.

S’il est vrai que c’est un calcul difficile à effectuer, il existe tout de même certaines conventions acceptées pour les coureurs ordinaires qui donnent une bonne idée.

Ainsi, un coureur n’engrange pas de l’énergie, il en dépense. Cela signifie que son rythme de course, plutôt que de s’accélérer, va ralentir au fur et à mesure que la distance s’allonge. C’est normal, la fatigue le gagne. Il est donc faux de croire que celui qui termine un cinq kilomètres en trente minutes en donnant tout ce qu’il a dans le ventre pourra franchir le fil d’arrivée d’un dix kilomètres en une heure ou un demi-marathon en 2h06! Ce n’est pas comme ça que ça fonctionne.

Ne me parlez pas de votre ami ou de votre tante qui a pourtant réussi à le faire. Je vous répondrai alors qu’il ou elle avait alors mal géré sa distance la plus courte. Son chrono aurait dû être plus rapide.

Les coureurs plus expérimentés parviennent à connaître une deuxième moitié de parcours plus rapide que la première (negative split), mais ils sont quand même exténués lorsqu’ils terminent leurs courses. Jamais il ne leur viendrait à l’idée d’utiliser cette grille simpliste de calcul pour savoir combien ils valent sur des distances plus longues.

Si vous faites une recherche sur internet, vous trouverez un grand nombre de calculateurs vous permettant de prédire votre chrono sur les différentes distances. Une règle intéressante veut qu’un coureur perde un kilomètre à l’heure à chaque fois qu’il double sa distance. Par exemple, s’il a un rythme de 13 km/h sur cinq kilomètres (23:05), il vaut probablement 12 km/h sur dix kilomètres (50:00), 11 km/h au demi-marathon (1h55) et 10 km/h au marathon (4h13).

Pour ceux qui ont déjà terminé un demi-marathon, plusieurs sites recommandent de multiplier par 2,2 le chrono enregistré. J’avoue que ça ressemble beaucoup aux résultats que j’ai moi-même obtenus. Prenons un coureur qui vaut 1h40 sur 21,1km.  Il pourrait donc envisager terminer un marathon en 3h40 (100 minutes x 2,2 = 220 minutes).

Le meilleur conseil que j’aurais pu donner au coureur rencontré à Saint-Lambert, c’est de se fixer un objectif prudent lorsqu’on découvre une distance pour la toute première fois. On ne risque pas d’être déçu et ça laisse une marge de progression pour les courses suivantes.  Tellement de choses peuvent survenir et bouleverser un plan de match. Cette première course doit servir à acquérir de l’expérience.

Je l’ai moi-même découvert lors de mon premier marathon, à Ottawa. J’avais dit à mes parents de m’attendre au fil d’arrivée. J’allais le franchir 3h30 après mon départ! Quelle belle insouciance j’affichais!  Le jour de la course, il faisait une chaleur accablante qui me fit terminer une trentaine de minutes plus tard. Mes parents se sont inquiétés inutilement et moi aussi!

Depuis, j’essaie d’être le plus réaliste possible dans l’évaluation de mes temps de course. La météo, le parcours, la forme physique, ou de simples soucis peuvent venir interférer dans nos prédictions. C’est la raison pour laquelle je ne dis plus en combien de temps je crois terminer. Je ne risque donc pas d’être déçu, ce qui sera sans doute le cas d’un coureur anonyme rencontré à Saint-Lambert.