Christiane Ayotte n'apprécie pas que les leaders internationaux du sport pointent du doigt l'Agence mondiale antidopage (AMA).

Dans un entretien accordé à l'Associated Press, la directrice du laboratoire du contrôle du dopage sportif à l'INRS ajoute qu'avec un tel conflit, « les seules personnes qui peuvent se réjouir sont les dopés et les tricheurs ».

Elle ajoute être inquiétée par la conférence sur le dopage international que tiendra ce samedi le Comité international olympique (CIO). Au cours de cette rencontre, l'avenir de la lutte au dopage y sera discuté et un seul représentant de l'AMA, son président, Craig Reedie, également membre du CIO, y participera.

« Quel est le plan? Quel est l'objectif? Qui est invité et que va-t-il s'y passer?, s'est demandé Ayotte. Ce qu'on doit vraiment faire, c'est de se regrouper et de démontrer que nous sommes unis. »

Plusieurs membres du CIO participeront à cette conférence, dont les présidents des comités américain, russe et chinois, ainsi que les présidents de certaines des plus grandes fédérations sportives figurant au programme olympique.

Au sommet de l'ordre du jour figure une proposition pour rendre indépendant des fédérations sportives le programme antidopage. La plupart des fédérations sportives opèrent présentement leur propre programme selon les règles établies par l'AMA.

Au cours d'une conférence semblable mise sur pied par l'AMA le mois dernier, plusieurs dirigeants du CIO - qui ne participeront pas à la conférence de samedi - avaient identifié différentes priorités, dont d'augmenter le financement de l'agence antidopage afin de donner plus de force à ses pouvoirs d'enquête et de sanction, ainsi que de revoir ses procédures afin de permettre à plus de dénonciateurs de l'approcher.

Ayotte affirme que les experts du mouvement antidopage sont les mieux placés pour prendre des décisions à long terme au sujet de l'AMA, qui reçoit la moitié de son financement du CIO et l'autre des gouvernements à travers le monde. Elle a décrit le CIO comme un groupe « qui s'intéresse aux tests antidopage aux deux ans (lors des JO), mais qui sont absents le reste du temps. Pour nous, c'est notre lot quotidien ».

L'AMA a blâmé son manque de ressources et de pouvoir pour expliquer sa réponse tardive aux accusations lancées par les dénonciateurs du programme de dopage instauré par la Russie. Après enquête, il a été déterminé que ce système était en place depuis de nombreuses années.

Ces affirmations, ainsi que celles de l'ex-directeur du laboratoire antidopage de Russie Grigory Rodchenkov au sujet d'une mise en scène du gouvernement russe qui a compromis les tests effectués aux JO de Sotchi, ont mené à une enquête visant le programme antidopage russe. Cette enquête a éventuellement mené l'AMA à recommander l'exclusion de la Russie des Jeux de Rio de Janeiro. Le président du CIO, Thomas Bach, s'est toutefois opposé à une sanction aussi sévère, choisissant plutôt d'évincer 271 athlètes, soit environ 70 pour cent de la délégation russe.

Cette décision a marqué le début des frictions entre les dirigeants de l'AMA et du CIO, Bach et d'autres dirigeants ayant suggéré que la lenteur à laquelle l'AMA avait réagi avait permis au système russe de s'épanouir.

Récemment, Juan Antonio Samaranch fils, un membre du CIO, a déclaré à un quotidien espagnol : « Nous critiquons sévèrement l'AMA et nous continuerons de le faire. Ils sont responsables de ce qui se passe à l'intérieur des laboratoires et leurs laboratoires de Sotchi et Moscou étaient semblables à Sodome et Gomorrhe ».

Ayotte, qui a prêté assistance au laboratoire de Sotchi avant et durant les Jeux de 2014, a décrit sa relation avec Rodchenkov comme étant cordiale. Ce dernier donnait l'impression que plusieurs des problèmes identifiés avant les Jeux étaient en voie d'être corrigés.

Toutefois, « ils nous riaient en plein visage », a indiqué Ayotte. « Nous étions sous le choc. Nous ne pourrons jamais pardonner, ni oublier ce qui s'est passé là. »

Ayotte n'est pas la seule à décrier la discorde entre le CIO et l'AMA. Beckie Scott, présidente de la commission des athlètes de l'agence mondiale, a dit mercredi dans une lettre d'opinion publiée dans les médias que « presque quotidiennement, quelqu'un de nouveau au sein de la famille olympique s'adresse aux médias pour dire à quel point le système antidopage global doit être modifié ».

Sergei Bubka et Gerardo Werthein, membres du CIO, ont été de ceux qui ont critiqué l'AMA au cours des dernières semaines.

Ayotte, qui est également la présidente d'un groupe de directeurs de laboratoires de partout dans le monde, a dit avoir assisté à une réunion, plus tôt cette semaine, au cours de laquelle les membres se sont dit de plus en plus inquiets des critiques du CIO envers l'AMA.

« Nous sommes inquiets de ce qui sera décidé au sujet des pouvoirs et des mandats de l'AMA, a-t-elle admis. Oui, nous devons apporter quelques changements, mais ce n'est pas le temps de tout raser et de repartir à neuf. »