Il est toujours hasardeux de plaquer ses études et son avenir pour s'investir corps et âme dans son sport. Il faut un certain degré de témérité ou encore d'imprudence pour choisir la précarité de l'athlète et s'imposer des conditions de vie parfois extrêmes. David Lacroix a choisi le canoë-kayak de vitesse et il a décidé de se lancer sur un chemin peu fréquenté. Il ne regrette rien.

Six fois par semaine, beau temps mauvais temps, Lacroix s'astreint à une discipline de moine pour arriver à s'entraîner près de six heures par jour. Comme il est un athlète amateur, il doit ajouter, à ses 36 heures sur l'eau et en gymnase, 40 heures dans une boutique de plein air, parce qu'au-delà du sport d'élite, il faut bien gagner sa vie. C'est sa réalité.

"Je suis dans mon kayak à sept heures tous les matins pendant 90 minutes. Ensuite, je sue dans la salle de musculation jusqu'à 10 heures 30. Une fois terminée, je me douche rapidement et je vais travailler jusqu'à 18 heures. Une heure après avoir quitté le boulot, je retourne à l'entraînement en piscine pour 90 autres minutes."

La vie d'athlète au Canada n'a donc rien à voir avec les contes de fées des joueurs de hockey. On est loin des réflecteurs et pour le glamour, on repassera. Lacroix n'est pas très connu comme le sont les patineurs de la Sainte-Flanelle et personne ne lui déroule pas le tapis rouge sur sa route. En plus des longues heures d'entraînement et de travail, il doit constamment trouver la force de se battre pour trouver les commandites qui lui donnent le courage de poursuivre son rêve.

N'étant pas actuellement membre de l'équipe nationale, il a droit à zéro comme aide financière, ce qui génère un stress additionnel. Une saison en canoë-kayak, quand on n'a pas d'aide des instances gouvernementales, coûte au bas mot 1000 dollars par mois, somme à laquelle il faut ajouter 5000 dollars pour un incontournable camp d'entraînement de trois mois en Floride durant l'hiver.

Technicien en génie mécanique, il n'a pas hésité à abandonner la Polytechnique parce qu'il n'arrivait pas à concilier entraînement, études et travail. S'il s'était engagé dans la voie des études, il aurait sans doute comme ses anciens camarades de classe, une belle carrière, une famille et une maison. Mais Lacroix ne le regrette pas. "Il faut éviter de se comparer aux autres. Des fois, j'y pense mais je sais que nous avons chacun nos cheminements."

Lacroix vise les Jeux olympiques de Pékin l'été prochain. Il sait que ce ne sera pas facile mais il est loin de se laisser décourager même si les contraintes de la vie sont parfois énormes. "Vous savez, la discipline, l'énergie et la volonté se transmettent aussi dans mon travail. Quand je suis au travail, je me donne à 100%, comme à l'entraînement."

Mériter son billet pour Pékin ne sera pas une tâche facile parce que les places sont peu nombreuses. Lacroix, qui doit faire la lutte au champion olympique Adam van Koeverden, sait que la mission est loin d'être réussie. Ils seront une vingtaine, comme lui, à se disputer les quelques places disponibles dans l'équipe nationale. "Si j'arrive à éliminer un certain stress, j'estime à environ 65%, mes chances d'être à Pékin."

Lacroix ne sait pas s'il va poursuivre sa carrière au-delà des Jeux de Pékin. Il jongle avec l'idée de continuer jusqu'aux Jeux de Londres en 2012, il aura alors 33 ans. Une décision sera prise d'ici 2009.

L'athlète de Sherbrooke en a fait du chemin depuis qu'il s'est initié à son sport au centre d'activités physiques à l'été de ses 11 ans. Sa participation aux championnats du monde en 1999 ou encore l'ivresse de sa première médaille aux championnats canadiens lui rappellent sans cesse que ça vaut la peine de continuer. Quand il aura rangé ses pagaies, il aura tout le temps pour fonder un foyer.