En plein scandale de violences sexuelles dans le patinage français, son inamovible patron Didier Gailhaguet s'est défendu mercredi: il a assuré n'avoir jamais couvert aucun cas d'abus dans son sport et a ciblé la ministre "moralisatrice" Roxana Maracineanu, qui a appelé à sa démission.

« Mme la ministre ne m'a pas entendu, elle est drapée dans ses certitudes », a déclaré M. Gailhaguet, 66 ans, lors d'une conférence de presse, dénonçant "une ministre moralisatrice et des opportunistes de circonstance que l'on n'a pas vus dans les patinoires depuis 10 ans".

Sa démission ? Il a réaffirmé qu'il se positionnerait une fois rendues les conclusions d'une nouvelle enquête administrative, diligentée par le ministère. Autant dire au moins plusieurs semaines.

Juste avant qu'il ne s'exprime, la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, avait assuré qu'« évidemment », la demande de son départ était "partagée par l'ensemble du gouvernement".

Ce choix de s'accrocher à la présidence qu'il occupe depuis 1998 (sauf une interruption entre 2004 et 2007) n'a en tout cas pas fait l'unanimité en interne: quatre membres du bureau exécutif (sur seize) de la Fédération française des sports de glace (FFSG) ont démissionné.

« Je n'ai pas protégé » Beyer

Jusqu'où ira Didier Gailhaguet ? Déjà éclaboussé par une affaire de tricherie aux Jeux olympiques de Salt Lake City en 2002, contraint en 2004 à la démission de la FFSG à cause d'une mauvaise gestion, il avait retrouvé la présidence en 2007.

Mercredi, il a en tout cas refusé de porter le chapeau dans la gestion du cas Gilles Beyer, du nom de l'ex-entraîneur soupçonné d'abus sexuels sur des patineuses, et accusé de viols depuis la semaine dernière par une ancienne figure de ce sport, Sarah Abitbol.

« Je n'ai absolument pas protégé Gilles Beyer », a résumé Didier Gailhaguet, exprimant son « dégoût » pour les faits rapportés.

Concrètement, Roxana Maracineanu reproche à la fédération d'avoir remis Gilles Beyer dans le circuit, au début des années 2000, malgré une enquête administrative soulignant des attitudes inappropriées avec de jeunes patineuses. L'enquête avait conduit le ministère à sortir l'entraîneur de ses rangs en 2001, mais il avait retrouvé une place dans son club d'origine, les Français volants. Il a également exercé des mandats à la Fédération jusqu'en 2018.

Didier Gailhaguet a affirmé qu'il avait lui-même demandé une enquête administrative à Marie-George Buffet, ministre des Sports de 1997 à 2002, et qu'ensuite, les ministères des Sports et de l'Education nationale s'étaient refilés la patate chaude.

Le rapport issu de cette enquête administrative, en 2000, dont l'AFP a eu connaissance, montre que Didier Gailhaguet était précisément le destinataire du courrier de parents donnant la première alerte.

Le patron du patinage assure aussi qu'il était intervenu auprès de Gilles Beyer, aux Français volants, pour l'intimer de ne plus encadrer des mineurs.

 Démenti

« Je me suis fait un peu réprimander, il m'a affirmé que la direction régionale de la jeunesse et des sports, dépendant du ministère des Sports, lui avait rendu sa carte professionnelle », a affirmé Didier Gailhaguet.

Enfin, sur les mandats détenus par Gilles Beyer au bureau exécutif de la FFSG jusqu'en 2018, Didier Gailhaguet a assuré qu'il n'y pouvait pas grand-chose parce que l'ancien entraîneur y avait été élu.

Gilles Beyer a aussi organisé dans les années 2010 plusieurs tournées de gala de l'équipe de France de patinage artistique.

Pour montrer que sa fédération n'ignorait pas les problèmes de violences sexuelles, le patron du patinage français, Didier Gailhaguet, a mis en avant mercredi une collaboration avec l'association Colosse aux pieds d'argile. Il s'est attiré un démenti immédiat.

« Il n'a rien fait. C'est un mensonge , a affirmé à l'AFP l'ancien rugbyman Sébastien Boueilh, qui dirige l'association. Au contraire, ça fait trois ans que la danseuse sur glace Nathalie Péchalat essaie de nous faire intervenir dans sa fédération, mais ils trouvent toujours une excuse », a-t-il ajouté, ce qu'a confirmé Nathalie Péchalat à l'AFP.

Depuis que l'affaire a éclaté la semaine dernière, Gilles Beyer, 62 ans, a concédé avoir eu « des relations intimes » et « inappropriées » avec Sarah Abitbol, lui présentant des "excuses" que cette dernière a refusées.

Même si les faits dénoncés dans le livre de Sarah Abitbol, « Un si long silence » (Plon), paraissent prescrits car ils remontent aux années 1990 à 1992, quand elle avait 15 à 17 ans, le parquet de Paris a annoncé mardi l'ouverture d'une enquête pour viols et agressions sexuelles sur mineurs par personne ayant autorité sur la victime.

Une « honteuse connerie », mais pas de sanction sportive pour Ciprès       
                         
Le patineur français Morgan Ciprès, accusé d'avoir envoyé des photos obscènes à une patineuse adolescente fin 2017, a commis « une honteuse connerie » mais n'est visé par aucune sanction sportive, a indiqué le président de la Fédération française des sports de glace (FFSG) Didier Gailhaguet au cours de sa conférence de presse.

Jusque-là, la FFSG et son président avaient été particulièrement discrets sur le sujet. Et même complètement silencieux depuis un communiqué arrivé plusieurs jours après que l'affaire avait été révélée par le quotidien américain USA Today début décembre dernier, et dans lequel la fédération estimait qu'il n'y avait pas « en l'état des informations disponibles, de motif pour ne pas (lui) accorder sa confiance ».

« Morgan a incontestablement commis une erreur majeure, inadmissible. Une honteuse connerie », a cette fois considéré Gailhaguet mercredi, avant d'énumérer une série de mesures imposées au patineur français.

« Je l'ai d'abord obligé à venir s'exprimer devant le conseil fédéral pour expliquer ces faits et s'en excuser , a-t-il commencé. Sa décision de démissionner de son poste de membre du conseil sera validée samedi ».

« Il est aujourd'hui en traitement curatif auprès d'une psychologue. Et nous prévoyons un temps préventif dans un commissariat de police spécialisé pour mineurs afin qu'il puisse y constater la réalité de certains désastres », a-t-il poursuivi.

Avant même que l'affaire n'éclate, Ciprès (28 ans) avait décidé, avec sa partenaire Vanessa James, de souffler cet hiver pour prolonger leur carrière jusqu'en 2022. Le couple champion d'Europe 2019 et médaillé de bronze mondial en 2018 n'a participé à aucune compétition de la saison. Mais il a toutefois patiné lors d'un gala organisé avec le soutien de la FFSG fin décembre à Vaujany.

« Il n'est pas sanctionné » sportivement, a répondu Gailhaguet à la question de savoir si Ciprès pouvait représenter l'équipe de France dans sa situation.

« Déjà, c'est sanctionnable aux USA, deuxièmement, pour ça il faut qu'il y ait des gens qui déposent plainte, troisièmement, on met en place tout un arsenal de choses pour essayer que ce garçon se remette dans le droit chemin », a-t-il justifié.

Selon USA Today, Ciprès, et ses entraîneurs basés en Floride John Zimmerman et Silvia Fontana, sont visés par une enquête de l'organisation américaine Safe Sport, dédiée à la lutte contre les violences dans le sport. Lui pour avoir envoyé deux photos obscènes à une jeune patineuse de treize ans. Eux pour avoir fait pression sur l'adolescente pour qu'elle garde le silence.

Ciprès n'a pas pris la parole depuis la publication de l'affaire.