MONTRÉAL – Si Russell Martin veut terminer sa carrière à une autre position que celle qui lui a permis de se hisser parmi les étoiles du baseball majeur, la décision lui appartient. La Classique mondiale de baseball n’est simplement pas l’endroit pour amorcer la transition, croit Phillippe Aumont.

Aumont a joint sa voix à celles de Brett Lawrie et Justin Morneau, deux compatriotes bien en vue qui n’ont pas hésité à critiquer publiquement la décision du receveur québécois de bouder l’équipe nationale parce qu’on ne lui permettait pas d’évoluer à l’arrêt-court.

 « Ça n’a aucun sens », a tranché Aumont, rejoint par RDS entre les deux matchs servant de préparation au Canada avant son entrée officielle dans le tournoi vendredi contre l’Italie.

« Les gens qui comprennent sa décision, je ne sais pas où ils s’en vont. Ça a été bien égoïste de sa part. On dirait qu’il a craché sur tout le monde, qu’il s’est placé plus haut que les autres au lieu d’aller jouer pour son pays », a poursuivi sans se faire prier le grand releveur de 24 ans, qui n’est pas reconnu pour avoir la langue dans sa poche.  

Il y a plus d’une semaine que Martin a annoncé qu’il déclarait forfait pour la compétition qui oppose une fois aux quatre ans les seize plus grandes nations de baseball au monde, mais sa décision fait encore des vagues. Mardi, le nouvel homme masqué des Pirates de Pittsburgh, qui avait déjà justifié sa décision par le biais de sa chronique sur RDS.ca, a été prié de répondre aux commentaires de ceux avec qui il aurait pu représenter l’Unifolié.

Lawrie, l’étoile montante des Blue Jays de Toronto, a qualifié son demi-tour de « faible ». Morneau, l’ancien joueur par excellence de la Ligue américaine qui compte dix années de services dans les majeures, a déclaré qu’il préférait défendre les couleurs de son pays avec des joueurs qui avait la cause à cœur.

Aumont, qui dit parler « rarement » à Martin, en a rajouté mercredi.

« On n’a plus la possibilité de jouer aux Olympiques, alors la Classique, c’est notre chance de joueur au niveau international. C’est un tournoi sérieux, les gars le prennent à cœur et on veut gagner. Des endroits pour se donner en démonstration, il y en a partout, mais ici, ce n’est pas le temps de faire des expériences. On n’est pas ici pour des ‘essais et erreurs’ », a exprimé Aumont.

L’ancien choix de première ronde, qui compte profiter de la Classique pour montrer aux Phillies de Philadelphie qui a l’étoffe pour débuter la saison dans les majeures, soulève aussi un argument financier pour exprimer son désaccord avec la position de Martin. Une partie des profits générés par la Classique mondiale est retournée aux joueurs sous forme de bourses. Plus une équipe progresse, plus sa part du gâteau est imposante.

Et l’absence de Martin, qui sera remplacé par un joueur de calibre AAA de l’organisation des Orioles de Baltimore, nuit évidemment aux espoirs du Canada, qui a été éliminé dès le premier tour lors des deux éditions précédentes.

«  Pour des gars comme Joey Votto ou Justin Morneau, ça ne fait pas de différence parce qu’ils ont déjà des gros contrats. Mais pour des gars comme moi, Jonathan Malo ou tous ceux qui jouent dans les mineures, l’argent, c’est sûr que c’est un plus », raisonne l’artilleur de 6 pieds 7 pouces.

Les lanceurs sont perdants

Si la déception d’Aumont est proportionnelle à son imposant physique, c’est qu’il est peut-être mieux placé que quiconque pour comprendre l’impact positif qu’aurait exercé Martin sur l’équipe canadienne.

Placé dans un groupe avec l’Italie, le Mexique et les États-Unis, le Canada ne compte que sur six lanceurs qui possèdent de l’expérience au niveau des majeures. Du groupe, seuls Shawn Hill et John Axford totalisent plus de 65 manches de travail dans les grandes ligues.

C’est Jameson Taillon, un prometteur droitier de 21 ans avec qui Martin pourrait, ironiquement, être appelé à travailler un jour chez les Pirates, qui devrait amorcer la troisième rencontre du tournoi à la ronde contre les puissants Américains. Alors pour la profondeur, on repassera.  

« Russ est l’un des meilleurs receveurs au monde. Je me souviens, quand j’ai lancé avec lui à la Classique de 2009, je m’étais mis un peu dans le trouble et il était venu sur le monticule pour me calmer, se rappelle Aumont. Il savait quoi faire et m’avait dirigé dans la bonne direction comme s’il avait fait ça toute sa vie. Pour les jeunes joueurs qui se présentent dans des compétitions internationales, avec beaucoup de pression, c’est bon d’avoir un receveur qui sait où il s’en va et Russ, c’est un gars comme ça. »

« On avait besoin de Russell derrière le marbre, on avait besoin de Russell sur le banc, on avait besoin de Russell dans le vestiaire, insiste Aumont. Mais bon, il a choisi de faire à sa manière. C’est sûr que ça le fait mal paraître un peu, mais il est assez vieux pour prendre ses décisions. C’est décevant de le perdre, mais on a des joueurs qui veulent être ici à 100% et on a tourné la page. »

Gagner un poste à distance

Aumont porte les couleurs de son pays depuis l’adolescence. Parce qu’il a grandi au sein du programme canadien, il a demandé à ses patrons de le libérer pour les quelques semaines que nécessiteraient sa préparation et sa participation à la Classique mondiale.

« Ils m’ont laissé aller sans problème en me disant qu’ils garderaient un œil sur mes performances. C’est une compétition internationale, le calibre sera plus relevé qu’au camp d’entraînement et je crois que ça va se refléter sur mes performances à mon retour », avance le natif de Gatineau.

Aumont, qui a lancé ses quinze premières manches dans les majeures après avoir été rappelé pour le dernier droit de la saison 2012, bataillera donc pour une place dans l’enclos de releveurs des Phillies à distance.

« J’ai effectué deux super bonnes sorties avant de partir (2 ML, 1 CS, 2 RAB). Ça leur laisse en tête ce que je peux faire et je serai encore dans le mix quand je vais revenir », croit-il.