Ray Burris et Fernando Valenzuela, qui n'ont profité que de trois jours de repos, doivent s'affronter à nouveau dimanche après-midi mais la pluie retarde le début de la rencontre.

Rodger Brulotte raconte: "Le match doit commencer à 13h30...Vers 17 ou 18 heures, je vais voir Jim Fanning et je lui dis: 'Monsieur Fanning, voulez-vous jouer ce soir ou demain? Je peux dire au président de la Ligue, Chubb Feeney, qu'il va pleuvoir jusqu'à minuit".

Jim Fanning raconte: "Le gérant n'a pas un mot à dire. La décision de remettre le match à plus tard appartient au directeur général, aux arbitres".

Brulotte ajoute: "Vers 19h25, j'appelle un responsable de la météo à Dorval et je lui demande combien de temps encore il pleuvra. Il me dit: 'À 19h30, 19h40, c'est fini'. Je lui dit alors: 'Je vais aller chercher Chubb Feeney et tu vas lui dire qu'il va mouiller jusqu'à 23 heures!' Il me dit: 'Mais je ne peux pas faire ça!' Je lui dit: 'Ça fait quoi?'"

À 19h25, Chubb Feeney décide de remettre au lendemain la présentation du cinquième match. Les Expos et leurs 50 mille partisans quittent le stade olympique. "Cinq minutes plus tard, il a cessé de pleuvoir!", dit Brulotte, le sourire en coin.

Lundi, le 19 octobre 1981. Le ciel est couvert sur Montréal. Il fait froid mais la pluie qui tombait depuis la veille a cessé. Ils sont 36 mille dans le stade olympique afin d'assister au match le plus important dans la jeune histoire des Expos.

Dès la première manche, les Expos ont la chance de porter un coup fatal à Fernando Valenzuela. Tim Raines est au troisième coussin; Rodney Scott, au premier. Il n'y a aucun retrait pour Andre Dawson.

Claude Raymond souligne: "On avait Valenzuela dans les câbles parce qu'il faisait froid et qu'il n'était pas totalement réchauffé." Jacques Doucet ajoute: "Un coup sûr l'aurait probablement assommé."

Dawson frappe dans un double-jeu. Les Expos doivent se contenter d'un point lorsque Raines croise le marbre.

Comme à son dernier départ, Ray Burris excelle mais en cinquième, il place deux coureurs en position de marquer pour Valenzuela. Un retrait à l'avant-champ permet aux Dodgers de créer l'égalité.

L'égalité de 1 à 1 persiste jusqu'en huitième. Jim Fanning prend une première décision discutable lorsqu'il retire Burris du match à la faveur d'un frappeur suppléant.

En début de neuvième, Fanning doit envoyer un nouveau lanceur au monticule mais il doit faire une croix sur son releveur numéro un...

Selon Claude Raymond, "Jeff Reardon avait mal au dos et cette journée-là, ça semblait pire qu'à l'habitude". Rodger Brulotte se questionne: "Était-il réellement blessé ou était-il craintif?"

Steve Rogers faisait lui aussi ses lancers d'exercice sur les lignes de côté lorsque le téléphone a sonné. Selon Serge Touchette, "Jim Fanning s'était dit qu'il allait gagner ou perdre avec son meilleur lanceur."

Fanning opte donc pour Rogers qui effectue seulement la troisième présence de sa carrière en relève. "Physiquement, je me sentais bien", se rappelle Rogers. Rick Monday se présente au bâton après deux retraits. Rapidement, il obtient un compte de trois balles et une prise. Rogers se prépare alors pour son cinquième lancer.

"Je veux lui lancer une balle cassante basse et à l'extérieur. Si je ne réussis pas, je lui donne un but sur balles. Ça ne me dérange pas." Malgré les circonstances, Rogers demeure confiant puisque Pedro Guerrero est au cercle d'attente. "Personne ne se souvient que Guerrero n'avait pas frappé un seul coup sûr dans cette série. Pas un seul! Je voulais donc l'affronter", dit Rogers.

Rogers ne donne pas un but sur balles à Monday, au contraire. Il lui sert un tir parfait, en plein coeur du marbre. "Un mauvais lancer", dit Rogers. "C'était comme un tir lors de l'exercice au bâton", raconte Serge Touchette.

Monday frappe un circuit au champ centre-droit pour donner les devants aux Dodgers, 2 à 1. Dans le stade, c'est la consternation. Certains spectateurs pleurent. "Les gens sont bouche bée. Tu n'entends rien", dit Touchette. Selon Rodger Brulotte, "on se croyait dans un salon mortuaire."

En neuvième, les Expos ont une dernière chance de créer l'égalité. Jerry Manuel est au deuxième coussin. Il y a deux retraits pour Jerry White mais il s'élance sur le premier lancer. Les Dodgers enregistrent le dernier retrait pour accéder à la Série mondiale. Ils auront remporté deux des trois rencontres disputées à Montréal.

"Grosse, grosse déception", se rappelle Claude Raymond. "Dawson et moi, nous pleurions comme des bébés dans le vestiaire", dit Warren Cromartie.

L'auteur du circuit, Rick Monday, a longtemps été détesté par les gens de Montréal. Certains ne lui ont toujours pas pardonné d'avoir éliminé les Expos.

"Plusieurs années après, je suis à bord de l'avion nolisé des Dodgers lorsque nous arrivons à Montréal. Je suis alors analyste à la radio et notre groupe comprend une cinquantaine de personnes qui proviennent de plusieurs pays. Selon vous, qui a été obligé de passer par le bureau d'Immigration Canada?", dit Monday en souriant.

"Pendant 20 minutes, je suis assis seul dans une pièce. À un certain moment, un homme s'amène, prend place devant son ordinateur et se met à frapper sur son clavier. Il ne me dit pas un mot. Après cinq minutes, il me regarde, le sourire aux lèvres.

"Avez-vous une petite idée pourquoi nous vous avons amené ici?", me demande-t-il. Je lui dis: "Est-ce que le circuit que j'ai frappé en 1981 a quelque chose à voir avec tout cela?" Il me répond: "Vous pouvez partir monsieur!"

Malgré l'immense déception qui habite encore les partisans des Expos, il ne faut pas oublier que l'équipe n'aurait jamais pu participer aux séries si une grève n'avait pas divisé en deux la saison 1981.

Ironie du sort, c'est une autre grève, 13 ans plus tard, qui a mis un terme aux espoirs des Expos de participer aux séries une autre fois.

La suite de l'histoire, vous la connaissez...

"1981: l'année du championnat", animée par Alain Chantelois, cette émission spéciale conçue par le reporter David Arsenault sera rediffusée le 14 octobre à 23h et le 26 octobre à 16h30.

Parmi les invités, vous verrez Gary Carter, Andre Dawson, Warren Cromartie, Steve Rogers, Rick Monday et Charles Bronfman dans l'une de ses rares entrevues depuis qu'il a vendu l'équipe.