Lors d'une fin de semaine passée en Californie, invité du Canadien pour une série de deux matches à Oakland le samedi soir et à Los Angeles le lendemain à l'hiver de 1968, j'avais eu l'occasion de rencontrer plusieurs Québécois et supporters du Tricolore, vivant dans la région, dont le comédien Émile Genest et l'ancien lanceur des Royaux de Montréal et des Dodgers, Jean-Pierre Roy.

Il était question à l'époque que le baseball majeur élargisse ses cadres et accueille deux nouvelles concessions dans un avenir rapproché. Montréal et San Diego étaient les villes le plus souvent mentionnées pour être les heureuses élues, et ce, même si Montréal n'avait aucun stade adéquat, aucun
bureau de direction, aucun bailleur de fonds, bref, rien.

Jean-Pierre, mon idole de jeunesse que je connaissais depuis longtemps, m'avait dit: "Jaypee, si jamais Montréal obtient une franchise dans le baseball majeur, je retourne immédiatement chez nous, car j'ai toujours rêvé travailler pour un club de baseball majeur". Jean-Pierre travaillait depuis une douzaine d'années à Las Vegas dans le temps. Au mois de mai de la même année, Montréal et San Diego sont admises dans la Ligue nationale, à l'issue d'une réunion des magnats du baseball majeur tenue à Chicago. Trois jours plus tard, Jean-Pierre était à Montréal et sollicitait le maire Drapeau, avec qui il avait fréquenté le collège dans sa jeunesse, de lui trouver un emploi avec la nouvelle équipe montréalaise du baseball majeur.

Pour faire une histoire courte, la direction du nouveau club a été formée, tranquillement pas vite, et c'est sans tambour ni trompette que Jean-Pierre et l'auteur de ces lignes se sont retrouvés au micro des Expos et de CKAC comme descripteurs et analystes des matchs. Jean-Pierre a fait de la radio et de la télévision pour le compte des Expos, de CKAC et Radio-Canada durant 15 ans, ouvrant ainsi la porte aux Rodger Brulotte, Jacques Doucet et Denis Casavant de ce monde, alors que j'abandonnais après cinq ans pour poursuivre ma carrière journalistique. J'ai souligné à Jean-Pierre, qui passe ses hivers en Floride et une partie de ses étés à Nicolet, que travailler avec lui au micro des Expos a été l'une des plus merveilleuses expériences de ma carrière de 63 ans dans le métier. On ne gagnait pas souvent, mais on a eu du plaisir à revendre. Comme ancien lanceur gagnant des Royaux de Montréal, il était mauvais perdant. Il savait bien qu'un club de l'expansion comme les Expos ne gagnerait pas souvent. Right ! Ils en ont perdu 104 en 1969 et ont connu plusieurs séquences de défaites consécutives, dont l'une de 20 au milieu de la saison. Jean-Pierre maugréait après chaque échec, hochait de la tête et disait: "Jay-Pee, you can't make chicken salad with chicken sheet". Traduction libre: "Ça ne vaut pas de la marde." À ce compte-là, j'ai pensé à Jean-Pierre souvent l'hiver dernier, en regardant jouer le Canadien. Sauf durant les séries, on s'entend.

Coqueluche de la ville en 1945 avec Richard

Les moins jeunes se souviendront qu'en 1945, Maurice Richard et Jean-Pierre Roy étaient les coqueluches de Montréal et de la province. Le Rocket, en devenant alors le premier joueur de la Ligue nationale à marquer 50 buts en une saison de 50 parties, et Jean-Pierre en établissant un record du baseball en remportant 25 victoires avec les Royaux, dans la Ligue internationale (AAA) le plus important circuit après les majeures. Après une saison aussi phénoménale, Roy a signé un contrat avec les Dodgers de Brooklyn. Mais il a aussi fait l'erreur d'en signer un autre la même année pour se joindre à la ligne du Mexique, un nouveau circuit professionnel hors la loi, mis sur pied par les frères Pasquel, des millionnaires. Ce circuit attira également plusieurs autres vedettes des majeures, dont Max Lanier, Sal Maglie, Fred Martin, Lou Klein, etc. Tous furent suspendus par le commissaire du temps, Happy Chandler, y compris Jean-Pierre. "Ce fut la plus grave erreur de ma carrière. Si j'avais poursuivi ma carrière avec les Dodgers, ma fiche dans les majeures aurait été infiniment supérieure qu'à 0-0, moyenne de points mérités de 9.95 en six manches et un tiers, étalées sur trois parties" dit-il. Il a ensuite roulé sa bosse dans la Ligue provinciale, avant de s'exiler à Las Vegas une douzaine d'années. Son retour à Montréal en 1968 et son association avec les Expos lui ont tout simplement redonné le goût de vivre.

Il l'a échappé belle

En 1989, Roy, qui avait entrepris sa carrière de lanceur avec les Renards de Trois-Rivières de la ligue Provinciale en 1939, l'a échappé belle lors d'un tragique accident de la route survenu au retour d'un tournoi de golf disputé à St-Jean de Matha dans la région de Joliette. "Ma nouvelle Cadillac, vieille d'une dizaine de jours, a perturbé un camion qui transportait 40 000 livres de poutres d'acier. J'ai été sauvé par un ballon gonflable, mais mon compagnon de voyage, Roland Duranceau, alors au volant, a été moins chanceux et a perdu la vie. Quel triste souvenir. J'ai passé plusieurs semaines à l'hôpital, mais la récupération a été tellement longue et laborieuse, que j'ai dû abandonner les Expos en cours de route. Mon heure n'avait pas encore sonné ", raconte-t-il.

Mais en 1989, notre héros national avec le "Rocket" en l945, n'a pas tout perdu. Lors d'un tournoi de baseball junior international disputé à Trois-Rivières et où il représentait les Expos comme ambassadeur, il a fait la connaissance de sa belle Jane, qui devait devenir son épouse en 1992. La lune de miel persiste toujours. J'ai toujours considéré Jean-Pierre Roy comme l'un de mes meilleurs amis, même si à cause de circonstances incontrôlables, on ne se voit pas souvent. À son retour au Québec, je n'ai pas raté l'occasion de lui donner un coup de fil pour son 90e anniversaire de naissance, qu'il célèbrera avec son beau-frère, l'ancien animateur sportif de Radio Canada, Lionel Duval et quelques amis dans la région de Latuque, le 26 courant. Puis ce sera le retour à Fort Lauderdale en Floride.

Jean-Pierre, que j'avais rencontré pour la première fois à l'âge de 15 ans, lors de la journée des finissants au collège St-Paul de Varennes en juin 1945, prend les choses aisément depuis quelques années. "Regarder le baseball, le football et le hockey en saison au petit écran sont devenus mes passe-temps favoris. Quand tu souffres du cancer de la prostate et tu dois te surveiller et prendre tes médicaments à la lettre. Heureusement, je peux compter sur un spécialiste hautement compétent et qui m'a à l'oeil. Le destin s'occupera du reste" conclut-il.

90 ans? C'est jeune, comme on dit aujourd'hui.

Mot de la fin

La question du jour à TVA , récemment, était de savoir si les auditeurs aimaient le soccer.

Réponse: OUI; 20%
NON: 80%


Pourtant, la veille on comptait plus de 45 000 personnes au match amical au Stade olympique entre le AC Milan et l'Impact.

C'est vrai que la question s'adressait aux Québécois.

À la prochaine