Par Éric Leblanc - Le 9 avril 1990, au Busch Stadium de St. Louis, le jeune athlète doué de 21 ans Delino Deshields foulait un terrain du baseball majeur pour la première fois de sa carrière après avoir surmonté plusieurs épreuves. Vingt ans plus tard, il amorce un nouveau long parcours qui le ramènera peut-être au même niveau en tant qu'entraîneur.

Issu d'un milieu difficile, Deshields vivait déjà un moment inoubliable en enfilant l'unique uniforme bleu des Expos pour le match d'ouverture de la saison 1990, mais cet accomplissement était encore plus spécial car il le célébrait devant sa mère qui venait de traverser une grande épreuve.

«C'était l'un des plus beaux jours de ma vie parce que j'étais avec ma famille», se souvient-il avec plaisir. «Ma mère venait de sortir d'un programme contre la dépendance à l'alcool et elle commençait à mettre de l'ordre dans sa vie. Plusieurs bonnes choses arrivaient pour moi à cette époque.»

Avec tout ce qu'il avait affronté, Deshields n'était pas intimidé par ce nouveau défi. «Je n'étais pas nerveux, mais plutôt excité», précise celui qui avait récolté quatre coups sûrs en six présences dans une défaite de 6-5 contre les Cards.

Élevé dans un quartier défavorisé de Seaford au Delaware, l'ancien numéro 4 des Expos excellait autant au baseball qu'au basketball. Deshields a finalement opté de façon pénible pour le baseball avec un objectif bien précis en tête.

« C'était la chance de pouvoir aider financièrement ma famille plus rapidement», explique-t-il. «J'aurais pu poursuivre en basketball à l'université et obtenir un diplôme ce qui aurait été bien pour moi, mais ma famille avait besoin d'aide.»

Grâce à sa vitesse et son agilité, Deshields a rapidement gagné le cœur des amateurs des Expos. Après quatre saisons dans l'uniforme montréalais, le brillant voleur de buts a été échangé aux Dodgers de Los Angeles en retour d'un certain Pedro Martinez! Ennuyé par de nombreuses blessures, Deshields n'a pas été en mesure poursuivre sur sa lancée par la suite et il a porté les couleurs des Cards de St. Louis, des Orioles de Baltimore et des Cubs de Chicago qui l'ont libéré en 2002.

Tomber du jour au lendemain à la retraite à 33 ans ne fut pas une situation évidente à gérer malgré un compte en banque bien garni.

«C'était difficile, mais en même temps non parce que mon corps n'en pouvait plus. Je n'étais pas en santé et ça ne se replaçait pas. C'était difficile parce que j'étais encore jeune et je crois même que je pourrais encore jouer si j'avais été en santé», détaille celui qui a disputé toute sa carrière en dépit d'une grave blessure à la hanche subie avant de faire le saut au baseball majeur.

Emballé par son nouveau défi

Confiné à la retraite, Deshields a profité de l'occasion pour rattraper le temps perdu avec sa famille et il est maintenant le père de cinq enfants dont quatre de son premier mariage (Delino Jr. 17 ans, Diamond 15 ans, D'Angelo 11 ans, Denim six ans et Delaney trois ans).

«C'était la bonne chose de retourner à la maison, j'ai pu passer beaucoup de temps avec eux; je n'avais pas eu cette chance. En jouant à chaque jour, tu manques plusieurs choses et tu n'es pas souvent présent», confie-t-il avec la voix de celui qui a effacé quelques regrets.

En étant plus près des siens, Deshields a pu collaborer au cheminement sportif de son fils Delino Jr. et de sa fille Diamond. D'ailleurs, son garçon s'avère un espoir en vue du prochain repêchage du baseball majeur tandis que sa fille est reconnue comme l'une des meilleures joueuses de basketball de son âge aux États-Unis.



«Ils se forgent leur propre nom présentement en étant de très bons athlètes et je suis très fier d'eux», confirme celui qui consacre encore beaucoup de temps pour aider la cause des Afro-Américains.

Après s'être éloigné du baseball pendant six ans, Deshields sentait toutefois que quelque chose lui manquait.

«J'ai passé beaucoup de temps avec ma famille, mais à la fin de la journée je n'étais pas entièrement heureux. Je voulais revenir dans le milieu du baseball qui occupait ma vie depuis mon adolescence.»

Son brillant parcours dans le baseball n'était cependant pas garant d'un poste où il le désirait. Malgré cela, Deshields n'a pas hésité à quitter sa maison d'Atlanta pour s'établir à l'autre bout des États-Unis, en terrain inconnu, à Billings au Montana.

«C'est là que l'équipe se trouvait, je n'avais pas le choix», s'exclame-t-il en riant de bon cœur.

En 2009, Deshields a donc renoué avec le baseball en devenant entraîneur des frappeurs pour les Mustangs de Billings de la Pioneer League (une équipe associée aux Reds de Cincinnati dans la ligue de développement pour les recrues). Dès la saison suivante, Deshields a été promu au poste de gérant.

«Jusqu'à maintenant ça va bien. Je sentais que je pouvais apporter tellement plus à l'équipe donc devenir gérant était la prochaine étape logique. Le baseball me manquait; je ne m'ennuie pas de jouer, mais je m'ennuyais de vivre dans l'ambiance du baseball», spécifie le grand ami de Marquis Grissom.

Lui-même, Deshields parle de l'étape suivante alors est-ce que son objectif ultime est de compléter le tour des sentiers jusqu'au baseball majeur?

«Je ne suis pas encore certain et je n'ai pas vraiment d'attentes pour le moment. Par contre, c'est évident que le plus haut niveau atteignable demeure les majeures», déclare-t-il en gardant une porte ouverte.

En amorçant ses nouvelles fonctions dans une ligue de recrues, Deshields doit diriger de jeunes, très jeunes joueurs dont certains n'étaient pas nés lorsqu'il a percé les rangs du baseball majeur.

«Ils découvrent un peu ma carrière quand ils prennent le temps de regarder sur internet et en regardant des cartes de baseball», note Deshields. «Mais j'essaie de les traiter comme si j'étais l'un d'eux. »

À 41 ans, Deshields considère que son âge fait toute une différence dans sa relation avec les joueurs.

«Souvent, il existe un fossé générationnel entre les entraîneurs et les joueurs et ce n'est pas évident pour ces derniers. Je peux développer une bonne relation avec les jeunes joueurs et je sais ce qu'ils veulent atteindre.»

Deshields inspire ses joueurs

Dès son arrivée avec les Mustangs, Deshields a justement trouvé un moyen original de piquer la curiosité de son équipe en arborant un numéro inusité, le 90. Ainsi, il voulait rappeler à ses joueurs qu'il avait atteint son rêve en 1990 et que leur objectif était réaliste.

«Je pense que ça aide de compter sur un entraîneur qui a vécu le baseball majeur. Je ne suis pas un entraîneur qui a lu quelques livres sur le baseball et qui se prend soudainement pour un gourou», image Deshields.

La route des ligues de recrues jusqu'au baseball majeur est parsemée d'embûches, mais Deshields possède tous les atouts pour inspirer ses joueurs en commençant par son parcours. L'athlète de six pieds un pouce peut être fier d'avoir volé 463 buts et produit plus de 500 points en 13 saisons.

« Je ressens surtout une fierté d'avoir joué au baseball majeur pendant aussi longtemps. En fait, j'ai connu une vraie carrière et je ne serai pas seulement une question impossible dans un jeu questionnaire», se réjouit-il avec humour.

À certains égards, son cheminement fait légèrement penser à l'histoire du film Blindside qui raconte la vie du joueur de ligne offensive des Ravens de Baltimore, Michael Oher.

« Il existe quelques ressemblances, mais la situation de ma famille n'était pas aussi pire que la sienne. J'avais une mère et un père, mais j'ai aussi eu besoin de l'aide de plusieurs personnes pour atteindre mon but», précise Deshields.

Celui qui a adoré son passage à Montréal n'est peut-être pas sur le point de voir sa vie portée au grand écran, mais il apporte présentement les dernières touches à un scénario sur le baseball qui pourrait se transformer en film ou en série télévisée dans les prochains mois.

«Malheureusement, je ne peux pas dévoiler tous les détails sauf que je suis persuadé qu'il y aura un engouement pour ce projet», explique-t-il en gardant une dose de secret.

S'il est impossible de connaître l'inspiration de son scénario, il espère sûrement que la conclusion de sa carrière se terminera en beauté et peut-être comme entraîneur au baseball majeur.

* Je vous invite à lire mon blogue Que sont-ils devenus (Delino Deshields) afin d'en apprendre davantage sur cet athlète fascinant.