Comme Babe Ruth, George Steinbrenner a sauvé les Yankees de New York. C'est avec beaucoup de tristesse que j'ai appris la nouvelle de son décès mardi.

J'ai eu énormément de plaisir à côtoyer Steinbrenner lors de mes années à l'emploi des Expos et du Réseau des Sports. Je le rencontrais lorsque le camp d'entraînement battait son plein en Floride ou lors de mes visites au Yankee Stadium pour décrire les matchs de séries des Yankees.

Il est le seul gars au monde que je connais qui m'appelait Frenchie. J'avais beau avoir un prénom anglophone, pour lui, j'étais le gars qui décrivait le baseball en français! Et pour un homme de sa stature, il était extrêmement accessible. Jamais je n'ai eu de problème pour avoir une entrevue avec lui.

Steinbrenner m'a toujours parlé en bien de Montréal. D'ailleurs, de nombreux Québécois ont travaillé pour lui pendant 20 ans à Fort Lauderdale, le site d'entraînement printanier des Yankees. Il s'était bien rendu compte que des gens qui parlaient seulement français allaient voir les matchs de son équipe, alors il avait engagé des Québécois pour travailler à la billetterie, au stationnement et dans les gradins. Sa clientèle québécoise était respectée parce qu'elle se faisait parler dans sa langue. C'est curieux, on dirait qu'il avait compris quelque chose qui nous échappe encore ici...

C'est George Steinbrenner qui a redonné vie au baseball, un sport qui était en déclin à la grandeur de l'Amérique au début des années 1970. À cette époque, les meilleurs joueurs étaient à Oakland, Cincinnati et Kansas City, mais Steinbrenner a compris que c'était à New York que ça devait se passer.

La grande métropole des États-Unis vivait des moments sombres et le monde du sport n'y échappait pas. Les Rangers, l'équipe de hockey, étaient ordinaires. Les Knickerbockers au basketball, on oublie ça. Les Giants ne s'en allaient nulle part et Joe Namath venait de quitter les Jets. Steinbrenner a apporté une fierté à cette ville en lui redonnant une équipe et de grandes vedettes, les Catfish Hunter, Reggie Jackson et Thurman Munson.

À tous les jours, le patron des Yankees se battait pour accaparer la page arrière du New York Post et du Daily News. Quand son équipe n'était pas là, il prenait les grands moyens pour qu'elle y soit!

Les amateurs de baseball plus jeunes voient peut-être Steinbrenner comme un gros bourru, un dictateur controversé et un patron sans merci dont les idées ont tué les petits marchés. Il y a un fond de vérité dans cette perception, mais le Boss, c'était beaucoup plus que ça.

Quand quelqu'un me dit que Steinbrenner a acheté tous ses championnats, je lui demande de jeter un œil à cette liste : Posada, Pettitte, Rivera, Jeter, Cano, Hughes, Chamberlain. Ce sont tous des joueurs issus du réseau de filiales des Yankees, ils ne viennent pas d'ailleurs. La différence, c'est que le patron avait l'argent pour les garder et les faire fleurir au sein de l'organisation.

Steinbrenner a souvent été accusé d'avoir tué les petits marchés, mais je blâme plutôt les petits marchés de ne pas avoir voulu suivre la parade. Prenez l'exemple des Indians de Cleveland, qui sont devenus une puissance dans la Ligue américaine dans les années 1990 en offrant des contrats à long terme à leurs jeunes joueurs. Pendant sept ans, ils ont fait salle comble au Jacobs Field. Puis un beau jour, ils ont perdu cette volonté et les résultats ont suivi.

Par le biais du partage des revenus, les Yankees ont donné une partie de leurs profits aux organisations plus modestes, mais celles-ci ont trop souvent pris la décision de réinvestir cet argent dans les budgets opérationnels plutôt que dans les salaires des joueurs. Le propriétaire des Pirates de Pittsburgh est content, il se met de l'argent dans les poches, mais son équipe continue de croupir dans les bas fonds du classement. Ce n'est pas la faute des Yankees!

Steinbrenner a vendu le baseball d'une façon incroyable. Il a été un visionnaire et un innovateur. Les Yankees sont devenus l'une des meilleures entreprises du monde du sport. Ils jouent tous leurs matchs locaux devant 50 000 personnes.

George n'a jamais eu peur de créer un précédent et n'avait certainement pas la langue dans sa poche Il a congédié le gérant Billy Martin cinq fois. Il a déjà dit de Dave Winfield, à qui il avait offert un contrat de dix ans, que si Reggie Jackson était Monsieur Octobre, lui était Monsieur Mai, parce qu'il ne frappait jamais après ça!

Tu avais beau être un joueur ou un coach, s'il avait quelque chose à te dire, il te le disait!

D'autres propriétaires ont tenté d'imiter Steinbrenner. Jerry Jones, des Cowboys de Dallas, et Mark Cuban, des Mavericks, font tout pour attirer l'attention, mais ce n'est rien de comparable.

Le Boss était unique.

*Propos recueillis par Nicolas Landry.