Le dernier séjour de Karl Gélinas dans le baseball majeur s’est mal terminé. Très mal même.

Alors âgé de 22 ans, le lanceur droitier a reçu une suspension de 50 matchs pour dopage en avril 2006. Son équipe, les Angels de Los Angeles, l’ont ensuite libéré en mars 2007 à l’issue du camp d’entraînement. Depuis, les portes des ligues majeures ne s’étaient jamais rouvertes. Jusqu'à l'automne dernier...

Le 29 octobre 2013, Gélinas a reçu la nouvelle qu’il attendait depuis maintenant sept ans. Les Phillies de Philadelphie lui ont offert la chance de se faire valoir à leur prochain camp. Le 27 février prochain, l’artilleur de 30 ans se transportera en Floride pour prouver qu’il peut évoluer avec les meilleurs au monde. Il tentera de convaincre les dirigeants des Phillies de l'envoyer dans une de leurs filiales mineures.

« La manière dont ma relation avec le baseball majeur s’est terminée m’a laissé un mauvais sentiment envers le baseball. J’ai l’impression que je dois au baseball affilié et à moi-même une deuxième chance », a expliqué Gélinas lors d’un entretien téléphonique avec le RDS.ca, lui qui est en Arizona depuis le 4 février. Il s’entraîne avec nul autre qu'Éric Gagné, qui héberge également son bon ami.

À son retour au Québec au printemps 2007, Gélinas s’est fait une niche avec les Capitales de Québec dans la Ligue Can-Am, là où il a connu Gagné lors de son passage avec l’équipe en 2009.

Karl GélinasGélinas (photo) a été une pierre angulaire dans la rotation de la formation québécoise, qui a remporté les cinq derniers championnats de ce circuit de baseball indépendant. Néanmoins, le lanceur partant de six pieds quatre pouces gardait toujours espoir de pouvoir retourner un jour de l’autre côté de la frontière.

« C’est un rêve de jeunesse. Depuis que je suis tout jeune, je rêve de jouer dans les ligues majeures. C’est vraiment flatteur d’avoir une autre chance et je dois profiter de la situation », a indiqué celui qui tâchera de se tailler un poste avec les IronPigs de Lehigh Valley, la filiale AAA des Phillies.

Mais cet essai avec la formation de la Pennsylvanie, il ne l’a pas volé. Gélinas a connu une saison remarquable en 2013 alors qu’il a compilé un dossier de 10-4 en 15 départs avec une moyenne de points mérités de 2,98. Il a retiré 80 frappeurs sur des prises et n’a concédé que 22 buts sur balles en 99 manches et deux tiers.

« Je ne me suis jamais senti aussi bien en lançant la balle », a-t-il affirmé, lui qui a fait appel à un kinésiologue pour rendre son entraînement - composé de crossfit, boxe et yoga - plus spécifique à son sport.

Une rédemption pour Gélinas et Gagné?

Karl Gélinas et Éric Gagné ont chacun à leur façon commis des erreurs dans leur passé de joueur de baseball en consommant des substances proscrites. L’un s’est fait prendre dans sa jeunesse et l’autre a avoué ses torts après la parution du rapport Mitchell qui l’a éclaboussé en compagnie de plusieurs autres joueurs.

Néanmoins, les deux hommes ont fait leur mea culpa et unissent leurs efforts en vue du futur. Et le futur, c’est la deuxième et peut-être dernière chance de Gélinas de percer dans le baseball majeur.

Éric Gagné« J’ai l’impression qu’il est plus motivé que moi. On dirait qu’il vit ça avec moi. Il m’aide avec l’aspect mental, de croire en moi et que je suis capable de réussir. Il m'aide aussi avec ma technique pour corriger ma mécanique dans le but de la répéter plus facilement. Ce ne sont pas de gros changements, mais c’est pour avoir plus de vélocité dans mes tirs », a relaté celui qui a été repêché en 2002 par les Angels.

Gagné (photo) ne fait pas que prodiguer des conseils à son ami, il l’aide également en étant derrière le marbre. Le récipiendaire du trophée Cy Young en 2003 a troqué son gant de lanceur pour celui de receveur depuis l’arrivée de Gélinas en Arizona.

« Étonnamment, il est très bon! Il est très calme. Malgré tout, il y a toujours la crainte d’en échapper une et de lui faire mal. Mais quand tu vois qu’il s’en fout », a raconté Gélinas sur un ton qui laisse paraître son appréciation pour le soutien de Gagné.

Gélinas est bien conscient qu’il devra peut-être accepter un rôle en relève pour rester avec les Phillies.

« J’arrive là-bas prêt mentalement à accepter n’importe quel rôle. C’est certain que je suis plus familier et à l’aise avec celui de partant. J’en ai parlé avec Éric et il m’a fait voir que c’est la même chose, mais qu’en relève tu dois être prêt à lancer à tout moment. ‘Mais quand il t’appelle, tu es mieux d’être prêt’ m’a-t-il dit. »

Un petit frère inspirant

Karl n’est pas le seul athlète de la famille Gélinas. Éric (photo), son frère de 22 ans, est un défenseur qui dispute sa saison recrue avec les Devils dans la LNH. Ce dernier a récolté 22 points, dont 6 buts, en 44 parties avec la formation du New Jersey avant d’être cédé dans la Ligue américaine le 31 janvier dernier.

Éric Gélinas« Il m’a énormément impressionné cette année. En fait, il m’impressionne depuis longtemps. Il a trouvé le moyen d’avoir du succès avec les meilleurs au monde. Pour moi, c’est gros. Ça me donne confiance plus que jamais étant donné que mon jeune frère est capable de me prouver que ça se fait dans un sport différent », a exprimé un frère aîné très fier.

« Autant je l’ai aidé tout au long de sa jeunesse et de sa carrière, présentement, c’est lui qui est en train de m’aider en faisant cela. »

Avec son passé et son âge, il s’agit probablement de la dernière tentative de Gélinas pour percer aux États-Unis. S’il ne réussit pas à se tailler une place avec l’une des équipes affiliées aux Phillies, le droitier profitera de sa présence en sol américain pour tenter sa chance ailleurs.

« Je suis convaincu que si ça ne fonctionne pas avec les Phillies, je pourrai profiter de portes ouvertes dans d’autres organisations. Si je mets le pied dans le baseball affilié, que j’ai un contrat et que mon visa de travail est ouvert, ce n’est pas impossible de me tailler un poste ailleurs », a-t-il estimé.

Dans le pire des cas, celui qui est le propriétaire d’un centre d’entraînement de crossfit reviendra jouer avec les Capitales de Québec, ce qu’il considère être « loin d’une situation malheureuse » pour lui.