MONTRÉAL – Jonathan Malo est de retour au Québec, prêt à passer à autre chose. Mais un « si » demeure, une minime ouverture à travers laquelle il se doute bien que rien n’apparaîtra, mais qu’il préfère pour l’instant ne pas fermer.

« Oui, je prends ma retraite, confirme d’entrée de jeu l’arrêt-court de l’équipe canadienne qui vient de subir l’élimination à la Classique mondiale de baseball. Mais c’est certain que si une équipe m’avait appelé, je n’aurais pas refusé ça. En tout cas, je me serais posé des questions. Mais pour l’instant, non, rien. »

Ce n’est pas de gaieté de cœur que Malo met un terme à sa carrière sportive après après douze années passées dans le baseball affilié et indépendant. Repêché deux fois par les Mets de New York, en 2002 et 2003, l’athlète de 33 ans a pourchassé son rêve de jouer dans les ligues majeures pendant sept ans avant d’en passer cinq autres avec les Capitales de Québec.

Mais il est aujourd’hui rendu à une étape de sa vie où la raison doit l’emporter sur la passion.

« Si c’était plus payant, jouer dans la Can-Am ou le baseball indépendant, j’essayerais de rester plus longtemps. On dit toujours qu’il faut jouer pour l’amour du sport. Ce n’est pas que je n’aime plus ça, le baseball, mais en bout de ligne, il faut payer ses comptes. C’est pas mal pour ça que j’en suis là. »

En décembre, Malo a reçu l’appel de l’équipe nationale pour représenter son pays pour la deuxième fois de sa carrière à la Classique mondiale. Peu de temps après est arrivée une offre d’emploi sérieuse. On lui offrait de devenir représentant dans le domaine pharmaceutique, un job qui le ferait passer dans le « vrai » monde, celui où on s’achète éventuellement une maison et on fonde une famille.

C’est à ce moment qu’il a pris sa décision. Le losange du Marlins Park, où le Canada disputerait ses matchs du groupe C contre la République dominicaine, la Colombie et les États-Unis, serait le dernier où passeraient ses crampons.

« Le bon vieux cliché qui dit de jouer comme si c’était ton dernier match? C’est ce que j’ai fait pendant une semaine. Chaque fois que je me présentais au bâton, chaque fois qu’une balle se dirigeait vers moi, je l’abordais dans cette optique. C’est cliché, mais c’est vraiment ce qui s’est passé. »

Après les Fêtes, Malo a commencé à s’entraîner pour le tournoi en continuant de remplir ses fonctions d’entraîneur au sein du programme de sport-études des Canonniers de Québec. Simultanément, à la hâte, il a commencé à apprivoiser les rudiments de son nouveau métier.

« J’ai essayé de tout apprendre le plus vite possible. Mais ma priorité, c’était la Classique... »

Le 7 mars, Malo et ses coéquipiers ont complété leur préparation avec des matchs contre les Blue Jays de Toronto et les Yankees de New York. La compétition a officiellement débuté avec une défaite de 9-2 contre les Dominicains, s’est poursuivie avec un revers de 4-1 contre la Colombie et s’est conclue par une dégelée de 8-0 contre les Américains.

Malo a frappé un coup sûr en sept présences au bâton et a marqué deux points. C’est surtout sa défense, sa grande marque de commerce, qui lui a permis de se démarquer. Il s’est avéré un maillon fort de l’avant-champ canadien, réalisant notamment un véritable bijou contre les États-Unis.

« On en parlait tous avant le match contre les Jays... Le premier match de l’année, peu importe l’âge qu’on a ou le calibre dans lequel on joue, on a toujours des petits papillons. C’est un petit stress qui disparaît dès que la game commence. Ensuite le naturel prend le dessus. »

« C’est bizarre, mais même contre la République, j’étais très calme, poursuit-il. Je m’attendais à être plus stressé, mais ça doit être mon expérience qui m’a aidé à mieux gérer tout ça. Je suis resté en contrôle de mes émotions et je l’ai abordé comme n’importe quel autre match. C’est peut-être pour ça que le tournoi s’est bien passé pour moi. »

Un bon conseil

Malo n’aurait jamais connu l’ivresse qu’a pu lui procurer la compétition internationale s’il s’était écouté en 2007. Il en était alors à sa troisième saison dans le réseau de filiales des Mets, à St. Lucie, au niveau A+. À 23 ans, il voulait tout abandonner.

« J’avais quand même eu une bonne année en 2006, on avait gagné le championnat avec Gary Carter. L’année suivante, je m’attendais à jouer un peu plus et finalement, on faisait passer des jeunes en avant de moi. Je ne jouais vraiment pas beaucoup et j’avais décidé que j’allais demander ma libération, se remémore-t-il. Ma décision était prise, je m’en venais à Québec pour jouer avec Karl [Gélinas] et compagnie. Finalement, j’ai parlé à une couple de personnes, dont Michel Laplante, qui m’avait dit de ne pas faire ça. "Tu as ton uniforme, profites-en pendant que tu l’as", qu’il m’avait dit. "Tu pourras toujours venir jouer ici à Québec, ça ne presse pas." »

« Ça a été un excellent conseil. Si j’avais arrêté, j’aurais manqué beaucoup de choses. »

Au total, Malo a disputé 639 parties dans le baseball affilié. Sur la scène internationale, il a participé deux fois à la Coupe du monde, a été médaillé d’or aux Jeux panaméricains et a été appelé deux fois pour la Classique mondiale.

Et deux ans après avoir voulu tout lâcher, il a frappé aux portes du baseball majeur.

« J’étais passé de réserviste dans le AA à partant dans le AAA dans le premier mois de la saison. Je me suis même fait rappeler par les Mets, mais on ne m’avait pas activé. J’avais fait un vol Buffalo-New York/New York-Buffalo... C’est là que j’y ai cru le plus. »

Malo aura finalement réussi un autre type d’exploit, peu banal, celui de s’accrocher à son rêve pendant sept saisons dans un environnement où le succès est un plat qui se mange froid. Les ligues mineures, c’est des salaires modestes dans un climat de féroce compétition.

« C’est sûr que ce n’est pas toujours facile. Le but ultime, c’est de se rendre jusqu’au bout, d’avoir une carrière comme Russ [Martin] ou Éric [Gagné]. C’est une bataille quotidienne. Mais tant que tu as un uniforme sur le dos avec une équipe de baseball affilié, il faut que tu y croies. Tu ne peux pas arriver là et te contenter de ta petite routine en te disant que tu n’as pas de chance, parce que tu ne sais jamais ce qui peut arriver. »

Quand Malo a finalement lâché prise, Michel Laplante a tenu sa promesse et l’a accueilli avec les Capitales. De 2012 à 2016, le jeune vétéran a frappé 530 coups sûrs en 469 matchs et a remporté deux championnats de la Ligue Can-Am, où il a trouvé une autre forme de bonheur.

« Quand des nouveaux gars arrivaient, il fallait leur expliquer qu’on n’était pas en compétition entre nous. C’était "viens ici, amuse-toi et tout va bien aller". À Québec, une mauvaise journée n’en devenait pas dix. »

Il y a deux ans, Malo et onze autres investisseurs, dont le gérant des Capitales Patrick Scalabrini, ont ouvert « Baseball 360 », un centre d’entraînement avec cages de frappeur offrant des cours privés et une boutique accessible en ligne. C’est aujourd’hui une responsabilité qui permettra au natif de St-Roch-de-l’Achigan de rester associé à sa grande passion en attendant, peut-être, d’en trouver une autre qui lui permettra de retrouver les mêmes sensations.