Cocoa, Floride - La troupe de l'Académie de Baseball Canada (ABC) est sur le chemin du retour, mais avant de grimper dans l'autobus, vendredi, pour une petite balade de 26 heures en direction du froid et de la neige, les hommes de l'entraîneur-chef Joël Landry victorieux la veille, 2-1 face au Riverland College, ont signé une victoire à leur dernier match, 5-3, aux dépens de la formation des World Free Agents.

Texte de Sylvain Saindon, entraîneur de l'ABC et de Jacques Lanciault, secrétaire général de la LBÉQ

Le match opposant l'ABC au Riverland College, gagné 2-1 par les nôtres, a été une rencontre type des matchs disputés contre des équipes de collèges américains. C'est-à-dire avec des amortis dès que le premier frappeur atteignait les sentiers. Stratégie utilisée depuis plusieurs années… à la « Softball ».

Comme le mentionne si bien Joël Landry, les équipes de « softball » se servent constamment de l'amorti. Il se fait un maximum de trois points par match dans ce sport! Il serait peut-être temps d'essayer autre chose!

C'est un peu en raison de cette stratégie, en fait en raison de l'échec de cette stratégie, que la formation québécoise a remporté la victoire jeudi soir, au terme d'une longue journée de pluie. Par deux fois, Riverland a déposé l'amorti contre les nôtres et par deux fois la défensive québécoise a réussi le retrait.

C'est surtout lors de leur troisième tentative d'amorti que le match s'est joué. En cinquième manche en retard 2-à-1 dans le match, la formation américaine a choisi de sacrifier le cinquième frappeur de son rôle offensif pour amener son frappeur du sixième rang à la plaque. Ce dernier avait déjà fendu l'air à deux reprises dans le match. Puis, en moins de temps qu'il en faut pour dire bye bye, le pauvre frappeur était de nouveau retiré sur des prises, et ce, sur seulement quatre lancers. Il venait de se mériter ce que l'on appelle affectueusement au Québec, un sombrero, un troisième retrait au bâton dans le même match.

Les membres du personnel d'entraîneur de l'ABC sont unanimes sur un point : « C'est certain que le coach de la formation du collège américain aurait essayé l'amorti une quatrième fois s'il en avait eu l'occasion, et ce, même si ses trois tentatives précédentes avaient été couronnées de si peu de succès. »

Lorsque l'on y réfléchit bien, le résultat du cadeau de trois retraits que concède les frappeurs du collège américain au Québec signifie qu'ils gaspillent une manche dans le match! Et dire qu'en utilisant les bâtons d'aluminium ceux-ci gagnent en moyenne 10 à 15 mph à chaque contact.

Si les nôtres sont en total désaccord avec cette stratégie qui ne permet pas au frappeur d'améliorer son coup de bâton, c'est tout de même une autre situation survenue lors de la rencontre qui a le plus démontré les différences de mentalité qui prévalent entre les deux équipes.

Durant le match, un de leurs frappeurs a dû éviter un tir d'un des lanceurs québécois qui allait l'atteindre. Il s'est alors fait enguirlander de la plus verte façon par ses entraîneurs. Le « head coach » lui a crié que l'équipe venait de perdre un coureur sur les buts parce qu'il avait refusé de souffrir pour l'équipe.

C'est une attitude désolante, car lorsqu'une balle arrive à plus de 80 mph, elle peut causer de sérieux dégât. Que ce soit au niveau des muscles aussi bien que des os. Une carrière peut être compromise par un lancer venant à cette vitesse qui atteint un endroit névralgique.

Qui plus est, il ne s'agissait pas du septième et dernier match de la série pour la Coupe du monde… il s'agissait d'un match du camp d'entraînement!

Ce n'est pas sans nous rappeler une situation vécue par un ex-joueur de l'ABC, Josué Peley, qui évolue aujourd'hui au sein du réseau des filiales des Pirates de Pittsburgh.

Josué a goûté à une telle médecine lors de son séjour au Seminole State College en Oklahoma. Après avoir évité un tir, son entraîneur-chef lui avait fait une scène devant tous ses coéquipiers. Quelques jours plus tard, la situation se représente. Josué, qui avait eu sa leçon, ne recula pas cette fois-ci devant un tir dirigé sur lui. Il a alors reçu la balle rapide directement sur son avant-bras gauche. Résultat : fracture qui l'a tenu à l'écart du jeu pendant plus de quatre semaines.

Son « coach » devait être très fier de lui. Il venait de perdre son meilleur joueur pour un mois. Mais, Peley lui avait démontré qu'il n'était pas un peureux. Bravo!

On peut certes relater des centaines d'histoires du genre. Ce type d'entraîneurs favorise également un autre très populaire tactique qui consiste à demander aux joueurs qui viennent d'obtenir une 2e prise à leurs dépens, de se rapprocher du marbre. Ces entraîneurs jugent que les probabilités que le frappeur réussisse un coup sûr avec deux prises contre lui sont si faibles qu'il préfère plutôt augmenter les chances que le jeune se fasse atteindre à la place.

C'est si facile de manipuler un jeune devant son groupe d'amis et de l'obliger à se faire atteindre. C'est surtout si facile quand ce n'est pas soi qui se fait atteindre.

Aux États-Unis, on cultive le culte de la vénération des entraîneurs. Quand un « coach » connaît le succès, tout le campus le reconnaît et l'entraîneur en question est salué avec déférence. Avouons que les entraîneurs d'ici sont un tantinet jaloux de cette admiration et surtout… des salaires qui leur sont versés, mais là, il s'agit d'un tout autre sujet.

Ce qu'il y a de troublant dans toute cette histoire de vénération, c'est que le succès des entraîneurs se mesure en terme de victoires. Et la victoire du « coach » s'acquiert trop souvent au détriment du joueur.

C'est entre autres pour ces raisons que Richard Émond, l'ex-entraîneur-chef de l'Académie de Baseball Canada éprouvait autant de réticences à recommander aux siens l'aventure des collèges américains. On le comprendrait à moins. Mais la bonne nouvelle est qu'avec la rapidité et l'efficacité des communications modernes, les joueurs sont de mieux en mieux renseignés sur les endroits à éviter. Sur les collèges intéressants et sur ceux qui n'en valent pas la peine.

Des lanceurs dominants
Pour en revenir au match, soulignons les performances éclatantes des lanceurs Jimmy Catelier, Jean-Philippe Petitclerc, Olivier Routhier-Paré et Samuel Ouellet. C'est d'ailleurs ce dernier qui a mis fin au match en expédiant une balle rapide à 88 mph.

Mais de tous, c'est surtout Olivier Routhier-Paré qui a impressionné. Il a obtenu sa meilleure prestation du voyage : quatre retraits sur des prises en deux manches et un tiers de travail. Sa courbe, un tir qui voyageait entre 70 et 74 mph, a été une arme que peu de frappeurs ont réussi à atteindre en cette soirée plutôt fraîche. À voir le nombre de balles courbes manquées par l'officiel du marbre tout au long de la rencontre, on peut s'imaginer que ce tir avait vraiment du mordant.

En offensive, les nôtres ont croisé le marbre deux fois sur seulement quatre coups sûrs. Maxime Milot (1-en-3 et 1pc) et Antoine Désilets (1-en-3 et 1pc) ont été les meilleurs d'une offensive particulièrement tranquille.

Un dernier match, puis les joueurs grimpent dans l'autobus
Voilà, c'est la dernière journée en sol floridien pour ce printemps. La troupe prend le chemin du retour aujourd'hui. Le match de la matinée a été devancé d'une heure afin de permettre aux nôtres de quitter plus tôt.

La moitié des joueurs de l'équipe qui ne sont pas de l'alignement pour ce match sont déjà à préparer leur bagage et à prendre leur douche. Avec une douche pour huit joueurs, il faut faire preuve d'organisation!

L'équipe revient au pays fort d'un dossier de 12 victoires, 6 défaites et un match nul. Il y a belle lurette que la formation de l'ABC a affiché une moyenne de 0.750.

Mais, encore là, même si le personnel d'entraîneurs est fier de la fiche de l'équipe, ce sont plutôt des progrès individuels de chacun des membres du groupe dont les entraîneurs sont le plus fiers.

Il y a eu beaucoup d'amélioration depuis septembre. Avouons que c'est spécialement du côté des frappeurs qu'il y a eu les plus belles progressions. C'est certes une des meilleures années de l'ABC pour la photo « Avant / Après ». C'est une belle récompense pour Joël Landry qui a travaillé d'arrache-pied avec les frappeurs. Bravo à toute l'équipe!

Mais, le travail n'est pas terminé. Même que les entraîneurs travailleront dans l'autobus qui ramène tout le monde à Montréal. Ils profiteront de ce trajet de 26 heures pour tenir des rencontres individuelles avec leurs ouailles. Au programme des questions à tous les joueurs sur ce qu'ils ont aimé et ce qu'ils ont moins apprécié au cours des huit derniers mois.

Les entraîneurs tenteront également de faire le point avec leurs athlètes sur leur plan de carrière. Quelles sont les prochaines étapes pour eux? Comment l'ABC peut-elle les aider à atteindre leurs objectifs?

Finalement, il leur sera demandé comment l'équipe d'entraîneurs peut-elle améliorer le programme de l'Académie. Ne sont-ils pas les mieux placés pour émettre des critiques positives?

La prochaine semaine en sera une de congé pour toute la troupe. Puis, le boulot reprendra pour une semaine d'entraînement avant la visite au Rodgers Center de Toronto. Les joueurs seront encore une fois épiés par plusieurs recruteurs lors de ces deux jours.

Mais, pour l'heure, l'équipe est sur la route, en direction du froid et de la neige. Il faut avouer que les joueurs sont bien déçus. Pas de revenir, mais de savoir qu'ils seront encore sollicités pour pelleter, car l'hiver n'est pas fini, surtout dans la région de Québec qui aux dernières nouvelles aurait encore reçu pas mal de neige.

Tous ont bien hâte de renouer avec leur famille et amis. Mais, avouons qu'après 17 jours passés dans un donjon avec 38 gars, on peut parier sans trop risque de se tromper que la gent féminine aura la cote samedi soir!