(Baseball Québec) Les contrecoups de l'ouragan Katrina ont récemment isolé la région de la Côte-Nord du reste du Québec. Cette situation n'a pas découragé pour autant des parents et des joueurs de baseball de l'endroit. Leur histoire, publiée dans le magazine Dernière heure, de cette semaine, est presque une épopée. Voici le récit vécu par Harold Lemieux et ses compères de la Côte-Nord. Coup de chapeau à tous ceux qui ont contribué à cet exploit. Un récit de Réjean Léveillé. « Il y en a chez vous, à Montréal, qui disent que le baseball est mort. Je les invite à venir chez nous!" Harold Lemieux.

Pour l'avoir déjà fait, je peux vous dire que le trajet Montréal - Sept-Îles en automobile, c'est long, mais lorsqu'il n'y a plus de route qui relie les deux villes, c'est pire. Pour effectuer ce parcours en sens inverse, des mordus de baseball ont eu recours à l'avion, au bateau et à l'automobile. "Les enfants de notre région jouaient depuis le printemps dans l'espoir de se rendre aux championnats provinciaux. Croyez-moi, nous n'allions pas manquer notre coup!" lance Harold Lemieux, comptable de profession.

Cet homme a une passion dans la vie: le baseball. Son fils, Steven, 13 ans, fait partie de l'équipe qu'il entraîne. Son frère, Patrick, est lui aussi instructeur. "Je suis né ici. Nous savons composer avec les éléments. Nous savons très bien que certains jours, en hiver; il vaut mieux éviter d'aller vers le sud. Mais il est plutôt rare de vivre ce genre de situation l'été. Cette fois-ci, j'ai rapidement compris que la route ne serait jamais refaite à temps pour les championnats qui se déroulaient à Boucherville et à Varennes, sur la Rive-Sud de Montréal. Nous avons donc eu recours au système D.

Un autre instructeur; Gaétan Boisvert, et mon frère ont contacté les responsables de la société Aéropro. Ils leur ont demandé s'ils étaient en mesure d'aménager leurs appareils pour transporter une cinquantaine de personnes. Surpris de notre requête, ces responsables nous ont dit qu'ils le feraient avec plaisir et à un prix raisonnable. Ils nous amèneraient de l'autre côté du fleuve, à Mont-Joli. C'est loin de Montréal, mais nous ferions le reste du trajet sur la route'" dit Harold Lemieux.

Ainsi, plusieurs jeunes joueurs ont vécu leur baptême de l'air à bord de quatre bimoteurs Piper Navajo. "C'était très spécial. Tout le monde nous encourageait. Le transporteur a équilibré le poids dans les appareils qui acheminent habituellement plus de marchandises que de passagers. On avait l'impression d'être dans un film.

Il y en a chez vous, à Montréal, qui disent que le baseball est mort. Je les invite à venir chez nous!"

LE PÉRIPLE

La décision d'effectuer le trajet a été prise lors d'une petite réunion tenue chez M. Lemieux. "Il y avait comme un sentiment d'urgence. Nous avons fait un sondage au téléphone. Chaque parent devait débourser 450 $ pour assurer le déplacement, l'hébergement et la nourriture de son enfant. Ensuite, il nous a fallu louer des véhicules depuis l'aéroport de Mont-Joli. C'est dommage pour certains parents qui n'ont pu venir; puisque les places étaient limitées. Ma femme, Josée, et ma fille, Vicky, n'ont pu être de ce voyage mémorable. J'en profite pour les remercier de nous avoir permis de le faire. Je pense aussi à Jean Caron, le président de notre association régionale. Il était rendu à Baie-Comeau. Pour venir nous rejoindre, son épouse et lui ont dû coucher dans leur voiture, sur le quai."

Les premiers joueurs sont partis de Sept-Îles le vendredi 2 septembre à 10 h. Ils sont arrivés à destination, exténués, vers minuit le vendredi soir. "Mais, malgré tout, nous étions sur le terrain samedi matin. Peu importe le résultat qui allait s'ensuivre, nous avions déjà remporté une bataille contre l'adversité! Robert Brousseau et les dirigeants de Baseball Québec n'en revenaient pas de voir ce que nous avions accompli!"

M. Lemieux et son collègue Steve Primard ont été extrêmement touchés par deux gestes qu'ont posés des inconnus. « À Varennes, il y avait une cantine. Le propriétaire a passé le mot à ses employés afin qu'ils laissent nos joueurs manger gratuite ment. Il était impressionné par la détermination de notre groupe et par notre amour pour ce sport. Puis, le dimanche, au dernier jour du tournoi, il y a eu un tirage "moitié-moitié" dans les gradins, et les profits nous ont été versés. Ça nous a fait chaud au cœur. On ne s'attendait tellement pas à ça!"

Vous pensez que la partie était gagnée pour la cinquantaine de joueurs et de parents? Oubliez ça! La route 138 n'était toujours pas accessible pour assurer le retour à la maison. Harold Lemieux, en nous racontant la suite, rit de bon cœur. "Si on était au hockey, on dirait que la rondelle ne roulait pas pour nous. Toujours est-il que nous nous sommes bien débrouillés. Nous sommes passés, encore une fois, par la Rive-Sud. Nous avons laissé nos véhicules de location à Matane, moyennant une pénalité financière, mais rendus là, nous ne nous en faisions plus.

Nous sommes tous montés à pied sur le traversier pour regagner notre Côte-Nord." Lorsque je l'entends me raconter cette histoire, je me dis que ce monde-là pourrait faire partie de la Ligue nationale d'improvisation et qu'il finirait par remporter le championnat! "Nous avons espéré jusqu'à la dernière minute que la route serait rouverte. Comme il n'en était rien, Yves Gagnon, un des parents, a fait d'innombrables démarches pour dénicher une compagnie d'autobus. Nous étions lundi, fête du travail. Le groupe Intercar est venu nous cueillir à la hauteur de Godbout pour nous permettre de faire la dernière heure et demie de trajet. Nous étions vidés!"

Comme beaucoup de résidants de la Côte-Nord, il déplore d'être à la merci d'un seul lien routier. Il nous fait remarquer que cette fois-ci, contrairement au déluge de 1996, il n'y a pas eu de victime sur la 138. "Je suis tellement fier de l'attitude des jeunes et des adultes qui ont voulu représenter leur région! Ça nous tenait à cœur! Nous n'avons pas gagné les provinciaux sur le terrain, mais j'ai l'impression que nous avons fait pas mal plus que ça!"D'ailleurs, c'est avec émotion que cet employé de la Ferronnerie Sept-ÎIes repense à l'accueil que leur ont réservé des dizaines de gens à leur descente de l'autobus. "Ils nous disaient bravo. Ils nous donnaient des tapes dans le dos. Les enfants n'en revenaient pas! Nous étions ensemble depuis le camp d'entraînement à mon école de baseball en avril. Quelle façon extraordinaire de nous quitter! Je suis vraiment fier de nous." Monsieur Lemieux, permettez-moi de vous dire que, si c'est encore vrai que les voyages forment la jeunesse, les jeunes de votre région viennent d'avoir une vraie belle leçon de vie.

À l'heure où on fait souvent allusion au manque d'appartenance et à l'exode des jeunes, votre région peut maintenant compter sur de vrais bons ambassadeurs.

Source : Réjean Léveillé, magazine Dernière Heure, 24 septembre 2005, Vol. 12 No. 26