Nous ne connaissons pas son nom. Nous ne voulons pas connaître son nom. Nous espérons même que personne à Chicago ne connaisse son nom.

Nous espérons qu'il a joint le programme de protection des témoins. Nous espérons qu'il pourra commencer une nouvelle vie ailleurs... et qu'il appuiera une autre équipe loin de Chicago. Nous espérons qu'il oublie. Nous espérons que les habitants de Chicago l'oublient.

Mais ça n'arrivera pas. Jamais. Parce que les Cubs ont perdu mardi un match qu'ils n'avaient pas le droit de perdre. Et tout ça parce qu'un amateur de 26 ans arborant sa casquette des Cubs a tenté de capter une balle qui s'en venait dans sa direction.

S'il avait vu Moises Alou, à quelques pouces de lui, sauter dans le territoire des balles fausses, avec le gant ouvert pour capter la balle, il aurait probablement cédé sa place. Mais le type en question était coincé dans son propre petit tunnel. Et dès qu'il a empêché Alou de capter cette balle, c'est devenu un tunnel sans lumière au bout.

Interrogé à savoir s'il aurait capté la balle sans l'intervention de l'illuminé, Alou a répondu : «Je suis presque sûr à 100 pour cent que j'aurais attrapé la balle. Mais en même temps, à ce moment précis, je me sens un peu mal pour le gars».

«Tous les partisans qui vont au baseball veulent capter une balle. C'est triste que ce soit arrivé. J'étais furieux. J'étais là à temps. J'ai sauté. Mes yeux étaient rivés sur la balle. Mais il voulait la balle autant que moi, comme chaque amateur. J'espère qu'il n'aura pas à regretter cet incident toute sa vie», a ajouté l'ancien voltigeur des Expos.

Mais comment ce type peut-il ne pas regretter son geste? Seulement si les Cubs remportent le septième match, nous supposons. Ça deviendra alors un autre simple souvenir d'octobre. Mais on sait bien que ce n'est pas si simple.

Questionné à savoir s'il se souciait de la sécurité du Partisan après qu'il ait été réprimandé et maudit par les autres amateurs réunis au Wrigley Field, Jeff Conine a déclaré : «Oui, je le suis. Nous sommes tous concernés par ce partisan. Sérieusement».

«Je ne peux croire que dans un match d'une telle importance, un partisan des Cubs puisse poser un tel geste», a poursuivi Conine.

«Je vois ce que les gens sont prêts à faire pour avoir une balle. Ils tombent face première. Ils échappent leurs enfants. Ils échappent leur bière. Ils feraient n'importe quoi pour une balle de dix dollars».

Mais, aussi surprenant que cela puisse paraître, c'est Alou lui-même qui semblait comprendre le mieux cet instinct qui pousse les amateurs à capter les balles fausses alors qu'une petite voix dans leur tête devrait leur dire NONNNNNN.

«À l'école, on ne vous apprend pas quelles balles toucher et quelles balles ne pas toucher», explique Alou.

Malgré tout, ce partisan a touché une balle qu'il n'aurait pas dû. Et maintenant, l'équipe qu'il chérit pourrait bien ne jamais s'en remettre.

«À partir de ce moment, tout a changé dans le match», a pour sa part déclaré l'arrêt-court des Cubs Alex Gonzalez.

Il ne parlait pas uniquement des joueurs des Cubs. L'ambiance a changé partout dans le stade.

«En tant que joueurs, notre niveau de concentration est à ce point élevé que nous n'entendons pratiquement jamais les partisans. Mais dès qu'un partisan fait de l'obstruction contre un joueur, on dirait que cette concentration passe du terrain au type en question», pense Mike Mordecai.

Alors que les joueurs des Marlins poursuivaient leur tour au bâton, les choses se sont envenimé à un tel point dans les estrades que la sécurité a dû protéger le Partisan. On l'a même persuadé de quitter. Éventuellement, après avoir résisté, il a accepté d'être escorté à l'intérieur du stade. Et il n'avait même pas de balle.

«Nous parlerons de ce type pendant encore un bon bout de temps. Nous devrions lui envoyer une boîte de chocolats», ajoute Mordecai.

Non, ils doivent lui envoyer une barbe avec une perruque et des nouveaux vêtements. Nous espérons qu'il a pu quitter le Wrigley Field incognito et qu'il a disparu dans la nuit en toute sécurité. Nous espérons qu'il puisse vivre le reste de ses jours sans être reconnu comme le Partisan qui a coûté un championnat aux Cubs.

Mais ce n'est pas comme ça que ça marche dans le monde des tabloïds, des «talk show» et des caméras qui voient tout. Le Partisan ne se débarrassera probablement jamais de ses cicatrices. La question est maintenant de savoir si les Cubs pourront?